Le Temps de l’histoire

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Disons le tout de suite, l’Afrique contemporaine est fille de la colonisation.
Redisons-le nous : c’est la colonisation qui, tout en dépeçant l’Afrique en 1885 à Berlin, nous a fait prendre conscience de cette espace géographique qu’on nomme l’Afrique.
Ajoutons ceci : c’est le nationalisme arrogant des colonisateurs qui a favorisé l’émergence du nationalisme africain.
Enfin, c’est le colonialisme qui nous a donné, avec la langue française, notre principale arme de guerre contre ses méfaits en Afrique.
On peut énumérer ainsi sur plusieurs pages les apports de la colonisation française en Afrique. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, force est de constater que ces apports se sont faits malgré la colonisation. Si bien qu’on est tenté d’affirmer que la colonisation en tant que telle n’a jamais eu lieu. La France n’a jamais eu de politique coloniale africaine. Les colonies ont été gérées à coups de travaux forcés et d’impôt de capitation.
La fameuse « mission civilisatrice » n’a été qu’un mirage. Une fois, les colonies conquises, l’Etat français a confié leur mise en valeur (surtout en Afrique centrale) aux sociétés concessionnaires, qui ont inspiré à André Gide (1927), Albert Londres (1929) et Louis-Ferdinand Céline (1932) les pages les plus violentes de l’anticolonialisme.
Malgré la liberté, malgré l’égalité, malgré la fraternité, malgré la proclamation des droits universels de l’humain, le colonisé n’a jamais pu accéder au statut de citoyen. Certains ne le sont devenus qu’en 1946, après la guerre, pour des raisons qui n’avaient à voir ni avec la fraternité ni avec l’égalité… De la même façon, les premiers étudiants africains qui deviendront plus tard nos pères politiques et nos écrivains de chevet, n’ont accédé à l’université qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, et ce davantage par souci de sauver l’Empire que dans le cadre d’un réel « projet civilisateur ».
Bref, le projet colonial ne s’est pas réalisé. Et une page doit aujourd’hui être tournée : celle du ressentiment et de la victimisation infantilisante.
C’est autour de ces thèmes que s’articule ce dossier, pluridisciplinaire et ouvert aux débats comme à notre habitude. Ces quelques contributions essayent de comprendre les contradictions de l’héritage colonial, en Afrique comme dans l’imaginaire français. Il nous faudrait notamment « pister » les résurgences insidieuses du paternalisme colonial (le retour de Banania). Le thème est si large et la nécessité si grande que nous reviendrons sur ces sujets. Il nous semble en effet de notre devoir aujourd’hui d’approfondir la réflexion entamée avec ces autres dossiers que furent Poscolonialisme : inventaire et débats (n°28, mai 2000), Tirailleurs en images (n° 25, février 2000) et L’image de l’Autre (n°3, décembre 1997). Il s’agit de secouer la mémoire, notre commune et douloureuse mémoire, pour préparer l’avènement de l’Histoire.

///Article N° : 51

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