Une maison de la danse renait au Sénégal

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Quinze ans après la fermeture de Mudra Afrique, la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny rouvre un centre de formation au Sénégal. Un stage de trois mois, destiné aux danseurs professionnels africains, aura lieu au printemps 1999.

Toubab Dialaw, un village de pêcheurs à une cinquantaine de kilomètres de Dakar, sur la « Petite Côte ». C’est là que l’ancienne directrice de Mudra Afrique, la première école panafricaine de danse, a eu le coup de foudre et a choisi de bâtir le nouveau centre Jant-Bi ( » le soleil « , en wolof).
Depuis la fermeture de Mudra Afrique, en 1983, Germaine Acogny présente ses créations et anime des stages à travers le monde : de l’Allemagne à l’Australie en passant par le Japon. Au Sénégal, elle organise plusieurs ateliers à Fanghoumé, en Casamance, avant que le conflit armé dans la région ne l’oblige à cesser cette initiative. En 1994, la chorégraphe crée alors, avec son mari Helmut Vogt, l’association « Jant Bi ». Deux ans plus tard, ils inaugurent officiellement à Toubab Dialaw le « Centre international de danses traditionnelles et contemporaines africaines ». Sans attendre le financement et la construction des futurs bâtiments, le premier stage destiné à des danseurs professionnels africains se déroule au printemps dernier durant trois mois.  » Ce qui nous importe, souligne la responsable, c’est que les activités de l’école soient déjà en marche même si ses murs n’existent pas encore. Il faut donner aux jeunes une base technique la plus complète possible.  »
 » L’école du sable « 
Grâce aux organismes partenaires du stage – l’UNESCO, le Goethe Institut de Dakar, Afrique en Créations et le Psic (fonds local de l’Union européenne) – Jant-Bi s’est affirmé d’emblée comme un nouveau carrefour international de la danse en Afrique. La formation aura réuni pas moins de sept nationalités. Si la plupart des danseurs sont originaires du Sénégal, quelques-uns du Ghana, du Bénin, du Nigeria et du Congo-Brazzaville ont été sélectionnés et invités à suivre le stage.
Durant trois mois, un programme extrêmement intensif : sept heures de danse par jour, réparties entre les quatre enseignants, six jours sur sept.
Chaque matin, l’enseignement a lieu dans la cour de la maison de Germaine Acogny. L’après-midi, les cours se déroulent sur  » le site  » du futur centre : un vaste terrain sur une falaise, en bordure d’une magnifique plaine. Loin des parquets entretenus des studios de danse, c’est donc la rude école du sable, du soleil et du vent. Ces conditions difficiles donnent pourtant à l’enseignement une beauté et une énergie singulières. Côté musique, les cours sont animés par des percussionnistes, eux aussi en session de perfectionnement, placés sous la direction d’Arona Ndiaye, le troisième pilier de l’association « Jant-Bi ». Instrumentiste et compositeur, fils du légendaire maître de sabars, Doudou Ndiaye Rose, ce dernier coorganise ce mois-ci, à Toulouse, du 14 au 22 novembre, un festival de danses africaines (cf agenda)
Echange de savoirs
Mudra Afrique, fondé à Dakar, en 1977, par Maurice Béjart, a formé toute une génération de danseurs-chorégraphes sur le continent. Les élèves y recevaient une formation qui allait de la danse classique au théâtre en passant, bien sûr, par la danse africaine contemporaine.
Si Jant-Bi prolonge aujourd’hui l’esprit de Mudra, c’est non seulement par l’enseignement de la technique Acogny ( » une synthèse des traditions d’Afrique de l’Ouest et des danses classique et moderne occidentales « ) mais aussi par la volonté de s’ouvrir à des danseurs d’horizons différents. A Toubab Dialaw, l’échange des savoirs se fait de manière réciproque. Susanne Linke et Avi Kaiser, dont c’était le premier séjour en Afrique noire, se sont initiés aux chorégraphies sérères d’Abdou Mama Diouf. De leur côté, les stagiaires ont travaillé à la fois les bases traditionnelles sénégalaises et les techniques de la danse contemporaine occidentale. Jour après jour, ils ont appris à mieux compter les cadences rythmiques et ont beaucoup gagné en synchronisation.
 » Contrairement à Mudra, la base de l’enseignement reste ici la danse traditionnelle, précise la directrice de Jant-Bi. Les formes ethniques constituent nos racines. Mais les danseurs africains doivent comprendre que d’autres techniques peuvent enrichir leur expression, tout comme les chorégraphes occidentaux s’inspirent de nos danses et de nos musiques.  »
Pour l’ancienne collaboratrice de Maurice Béjart, la créativité chorégraphique ne peut s’épanouir sur le continent africain sans cette indispensable ouverture artistique et humaine. Pour le prochain stage, prévu de mars à mai 1999, elle fait de nouveau appel aux trois chorégraphes qui ont coanimé avec elle la première session. Une participation financière de la part des stagiaires sera requise.  » C’est un gage de motivation « , estiment les initiateurs de la formation.
Actuellement directrice de la section Danse de l’association Afrique en Créations, Germaine Acogny souhaite mettre en place parallèlement un réseau d’échange entre les écoles de danse nationales en Afrique. Tout en continuant de se battre pour trouver les fonds nécessaires à la construction du centre. Celui-ci serait à la fois une école avec un enseignement théorique et pratique, un laboratoire de recherche et un lieu de tourisme culturel.

Association Jant-Bi (pour l’initiation et la formation en danse et musique africaine) :
B.P 6078
Dakar-Etoile/ Sénégal
22, rue de Thiong, Dakar
Tel : (221) 821 01 09 / Fax : (221) 822 90 95///Article N° : 563

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Les images de l'article
Germaine Acogny © Thomas Dorn





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