entretien d’Abdelkabir Namir avec le Maâlem Hajjoub Goubani

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Lors du premier festival international de la culture gnawa d’Essaouira (juin 1998), un hommage a été rendu au regretté Hajjoub Goubani, un des anciens maîtres gnawa d’Essaouira : une lila de derdeba animée par l’un derniers anciens maâlem de cette génération, Boubker Guinéa, en présence du jeune maâlem Allal, fils aîné des Goubani.

 » Mon père, M’Barek, est originaire de Chnafou, au Soudan, où il fut volé et vendu au Sahara. Quant à ma mère, elle est originaire de Bamako au Mali. Moi, je suis né à Essaouira en 1923. Depuis 1985, je suis moqadem de la zaouia des Gnaoua. En 1987, j’ai été désigné moqadem de la taïfa des Gnaoua d’Essaouira.
Entre mon ami maâlem Boubker Guinéa, il y a plusieurs différences dans nos façons de jouer. Moi, je maîtrise seulement le marsaoui, alors que Boubker joue aussi le gharbaoui.
De nos jours, les temps changent vite et nos coutumes avec. Le vrai mode souiri des Gnaoua n’existe plus. La vraie maîtrise des notes se perd. Les jeunes jeddaba (danseurs en transe) ne sont pas de vrais adeptes. Il n’y a plus d’Ahl Alhal comme nous les avions connus par le passé. Avant, les vrais maâlem avaient peur de ces gens du hal (état psychologique du passionné de ce rituel), ces jeddaba qui ne toléraient aucune fausse note dans l’exécution de la musique de leurs mlouk…
Nous avions, mon ami Boubker et moi, joué dans le même groupe pendant notre jeunesse. Un jour, nous avons décidé de nous séparer au cours du moussem de Tameslohte. Chacun de nous a gardé sa propre dkhira (provision en don rabbani, divin) sans laquelle aucune réussite n’est possible… Avant, on ne jouait guère pour de l’argent. Chaque Gnaoui avait son métier : menuisier, maçon ou autre. Pendant les lila ou les fêtes, les gens donnaient simplement du ftouh symbolique (modique somme d’argent) de leur plein gré. On jouait notre musique sacrée pour le plaisir et pour le hal…
Cette photo est prise vers 1930. Ici, ce sont les autorités locales françaises en uniformes militaires… Les personnes en jellaba blanches sont les représentants des différentes confréries religieuses de la ville : le Noir qu’on voit, premier à partir de la droite, aux pieds nus, c’est mon père M’Barek. Il porte le drapeau des Gnaoua. Le second brandit celui des Jilala. Les autres portent les fanions des différentes zaouia actives à l’époque. « 

///Article N° : 573

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