Na Afriki

De Dobet Gnahoré

Future diva panafricaine ?
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Hasard symbolique : au moment même où devrait paraître cette chronique, la turbulente Ivoirienne doit décoller vers son Afrique ( » Na Afriki  » = mon Afrique) pour lui offrir la primeur de ce deuxième album, avant l’Europe et Haïti. (1)
Son Afrique : ce possessif n’est pas ici qu’une métaphore amoureuse. En effet peu d’artistes peuvent se vanter à son âge (elle a moins de trente ans), de  » posséder  » aussi pleinement l’Afrique de tous les sons.
Son talent s’est épanoui dans ce phalanstère fascinant qu’est le Village Ki-Yi d’Abidjan, dont son père Boni Gnahoré est le maître-tambour depuis vingt ans. Elle a d’ailleurs à peu près l’âge de ce lieu atypique et utopique, centre contre-culturel, cité d’artistes modestes, école alternative et refuge spartiate pour des enfants des rues décidés à devenir des adultes fiers et heureux de vivre loin de toute servitude.
A ceux qui en auront l’occasion, ne manquez pas de faire un tour au carrefour de Riviera II, d’escalader le monticule qui dissimule ce petit paradis autogéré, ce hameau arboré, sans doute le plus joli  » squat d’artistes  » du monde, et qui contraste de plus en plus avec la mégapole polluée qui l’encercle.
L’une des plus joyeuses chansons de ce cd, le splendide  » Yekiyi « , est d’ailleurs dédiée à ce lieu où Dobet a aussi rencontré son complice musical depuis dix ans, le guitariste français Colin Laroche de Féline.
Cette chanson (comme le  » Mousso tilou  » final) est en dioula, langue véhiculaire majoritaire à Abidjan. Les langues maternelle et paternelle de Dobet sont le bété et le dida (centre-ouest de la Côte d’Ivoire) mais comme c’est la règle au Village Ki-Yi, elle a appris à chanter avec aisance dans de nombreuses langues africaines, du fon au xhosa en passant par le lingala. De même on trouvera dans cet album un vaste éventail de styles musicaux qui couvre pratiquement tout le continent, sauf peut-être sa partie orientale. Le trop bref  » Pygmées  » me rappelle combien j’avais été stupéfait lors d’une répétition au Village Ki-Yi, d’entendre une chorale ouest-africaine qui maîtrisait si parfaitement le  » yodel « …
On retrouvera cette pratique virtuose dans le bouleversant  » Deuil « …
Entre  » Pillage  » et  » Massacre « , Dobet et son alter-ego français rivalisent d’invention musicale pour dénoncer les maux de l’Afrique.
Ce deuxième album, qui s’inscrit parfaitement dans la continuité du premier –  » Ano Neko  » – a le mérite de mieux refléter la vérité et la virtuosité de Dobet Gnahoré telle qu’elle s’exprime sur scène.
Boule de nerfs, d’émotions et d’idées ; tourbillon généreux de muscles et de cordes vocales, fureur et sourire confondus, parlant nombre de langues de l’Afrique, chantant toutes ses musiques avec autant de bonheur et de naturel, voici peut-être la future diva panafricaine…
Une nouvelle Miriam Makeba ? Allez le vérifier sur scène !

Na Afriki, de Dobet Gnahoré (Contre-Jour / Harmonia mundi)
(1) Concerts à Praia (16/3), St Louis-du-Sénégal (21/3), Nouakchott (24/3), Cotonou (27/3), Lomé (29/3), Accra (30/3), Kumasi (31/3)… Puis Givet (6/4), Cozes (8/4), Hazebroeck (14/4), Gonaïves (16/4), Port-au-Prince (18/4), Romans-sur-Isère (21/4), Berne (27/4), Zürich (28/4), Angoulême (16/5) et Coutances (17/5).///Article N° : 5868

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