Exil et marginalité

Entretien de Landry-Wilfrid Miampika avec William Sassine

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William Sassine est un double exilé : l’exil propre à l’écriture et l’exil dans lequel le pouvoir politique (toujours imbu de suspicion et de paranoïa) voue tous ceux qui se livrent à l’écriture. Pis encore ceux qui usent l’écriture comme une arme acerbe dans des contrées où manquent les structures adéquates de création…. Le parcours d’écrivain de William Sassine a servi de paravent, de résistance et de rêve face à la marginalité. En octobre 1995, nous avions rencontré William Sassine au Salon des littératures francophones d’Afrique, des Caraïbes et de l’Océan indien organisé par la Plume Noire. De cette rencontre, nous ne pourrions oublier sa voix à la fois chaude et hésitante, ses yeux vifs et quelque peu fuyants, sa passion empreinte de nostalgie lorsqu’il évoqua le cinéma et les B.D., mais surtout beaucoup d’amertume de ne pouvoir réaliser un vieux rêve : faire du cinéma. Souvenons-nous que l’écrivain congolais Sylvain Bemba décéda en 1995 avec la même frustration. Deux ans plus tard, William Sassine mourut dans la marginalité. Décidément, il faudrait écrire un jour une anthropologie des intolérances de cet ogre connu sous le nom d’État africain… LWM.

Qui est William Sassine ?
Je pense que je suis écrivain.
Vous considérez-vous un écrivain ou un écrivain noir ?
Je suis métissé. Mon père est arabe. Ma mère est africaine. Je suis même métissé religieusement. J’ai été chrétien. Je suis maintenant musulman. Mon père était chrétien, quand il est mort je suis devenu musulman à cause de ma mère. Et s’est branchée dessus la culture européenne à travers la culture française.
Ce mélange de cultures a-t-il une répercussion sur votre écriture ?
Je pense… Je ne me considère pas comme un écrivain africain ou un écrivain guinéen. Je me considère comme un écrivain tout court. Les problèmes dont je parle appartiennent à toutes les communautés : l’angoisse, la misère, le chômage, le doute. Tout ce que fait vivre un homme en ce moment.
Est-ce que l’écrivain a encore un rôle à jouer, et en particulier, dans les sociétés africaines ?
Je pense que oui… Tout le monde a un rôle à jouer lorsque le rôle est pris au sérieux. Ça c’est un autre problème. Sinon chacun joue son petit rôle. Il y a eu la période de l’engagement, comme on dit. Cela me rappelle la période marxiste… Et je pense que tout le monde est engagé à sa façon.
Quels sont vos livres de chevet ?
Les bandes dessinées. Je suis né dans une salle de cinéma. J’ai toujours rêvé de travailler sur l’image, mais comme ça coûte plus cher de monter un film que prendre un crayon et une feuille de papier pour écrire, je suis d’abord passé par l’écriture. Je pense qu’un sculpteur, un ébéniste, un maçon, un peintre sont des écrivains à leur façon.
Pensez-vous adapter vos livres à l’écran ?
Le problème de mise en scène est une affaire d’argent. Monter un film coûte beaucoup plus cher. Je pense que c’est la prochaine étape que je veux. Je m’en approche au fur et à mesure à travers par exemple, les bandes dessinées, les pièces de théâtres que j’ai commencé à jouer, et plus tard, je pense que le dernier stade sera le cinéma.
Quel genre littéraire aimez-vous le plus cultiver ?
J’écris tout. Comme l’écriture est devenu alimentaire pour moi, je travaille sur commande. Je suis comme le réparateur d’un appareil : si les gens ont besoin de moi pour prendre un tournevis afin de démonter tel système ou de le monter, je le fais. Maintenant je suis journaliste parce qu’on m’a demandé d’être journaliste.

///Article N° : 665

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