Un grand éclat de rire

D'Aïssatou Thiam

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Mannequin internationale puis comédienne, Aïssatou Thiam publie son autobiographie aux éditions Pascal Galodé. « Encore une actrice qui se prend pour une écrivaine » pourrait-on dire, sauf qu’Aïssatou Thiam a vraiment des choses à raconter, et qu’elle le fait avec talent, aidée par Marc Tardieu. Plus qu’un grand éclat de rire, il s’agit d’un cri du cœur : je suis une femme noire, mais personne ne m’empêchera de faire ce que j’ai envie de faire, et j’y arriverai, coûte que coûte.

Qui pourrait croire, en voyant ce grand sourire illuminer le visage d’Aïssatou Thiam sur la couverture de son autobiographie, que sa vie a commencé dans la douleur ? Douleur d’une mère handicapée partie trop tôt rejoindre le petit Jésus, douleur d’un père absent, douleur d’être une jeune femme trop grande, trop noire dans les rues de Marseille… Pas de misérabilisme pourtant lorsqu’elle raconte son enfance, ni d’apitoiement sur soi. Plutôt que de s’attarder sur de tristes souvenirs (notamment un passage dans un foyer de la DASS), elle a choisi de mettre en avant les personnages qui illuminaient sa vie à ce moment-là : Papy, son grand-père, marin au long cours qui l’emmène avec lui sur la Canebière ou dans le quartier du panier ; Méliane, la grande sœur qui vit en Côte d’Ivoire et qui tous les étés apporte avec elle un peu d’Afrique dans la famille, ou encore Bob Marley, qu’elle aura la chance de rencontrer lors de son concert à Toulon le 26 juin 1980 (« Moment intense de bonheur et d’harmonie qui s’est gravé dans ma vie »).
À la mort de son grand-père, en 1983, c’est sa sœur Jocelyne qui devient sa tutrice légale. Aïssatou Thiam n’a alors que dix-sept ans. Grande sportive depuis son plus jeune âge, elle tente d’oublier sa peine en se dépensant physiquement : « Le sport m’arrachait à toutes les autres douleurs pour m’imposer son euphorie ». (Aujourd’hui encore, elle fréquente assidûment les salles de gym et pratique les sports extrêmes : plongée sous-marine, rafting, ski nautique et alpin, boxe thaïlandaise…). Elle abandonne rapidement le lycée pour entrer dans une école d’esthétique, où elle restera deux ans, jusqu’à l’obtention de son diplôme. C’est à cette époque qu’elle découvre l’amour dans les bras de Jo, un petit voyou marseillais, qui sera finalement tué dans un règlement de compte entre clans.
Puis c’est le premier voyage en Afrique, pour le mariage de sa sœur Méliane : « Et cette sensation soudain de se retrouver chez soi, plongé dans une foule de Noirs à perte de vue. Moi qui avais toujours été minoritaire, montrée du doigt ou distinguée ». Après cet intermède heureux sur la terre de ses ancêtres, retour dans l’Hexagone, où l’attendent cinq années de galère administrative pour obtenir la nationalité française, simplement parce que sa naissance au Sénégal n’avait pas fait l’objet d’une déclaration officielle au consulat : « Voilà ce que c’est que d’appartenir à une minorité visible. Vous êtes chez vous et l’on vous dit que vous ne l’êtes pas. On est prêt à vous interdire l’entrée de votre vie. Vous êtes d’ici ? Allons donc ! Vous êtes d’Afrique ! C’est inscrit sur votre figure ».
Vient ensuite la description de sa carrière de mannequin internationale et de comédienne, deux métiers dans lesquels elle est arrivée par hasard, encouragée par des personnes qui ont cru en elle, tel son fidèle ami peintre, Patrick. Période ponctuée par un voyage en Afrique du Sud, où elle, une femme noire célèbre, sera considérée un peu comme une « extra-terrestre », alors que l’apartheid est encore très présente. Période où elle s’exilera aussi pour un temps (quatre ans et demi) à New York, la ville de toutes les libertés. Éternelle voyageuse, Aïssatou Thiam ne rime pas avec immobilité. Devenue adulte, elle continue à vivre sa vie à cent à l’heure, sans savoir vraiment où elle va, se laissant guider par les événements : « Le fond du problème, c’est que quelqu’un comme moi, produit multiracial, se sent toujours à demi. Avec mes fragments africains, ma culture française et maintenant américaine, j’absorbe telle une éponge, mais où est ma place ? »
Le livre s’achève sur l’aventure « Tropiques amers », la série sur l’esclavage diffusée en mai 2007 sur France 2, et le personnage de Rosalie, qu’elle incarnera avec passion. Ce rôle lui permet non seulement de se réconcilier avec ses racines, mais aussi de découvrir Cuba, et la Martinique. C’est également dans cette dernière partie qu’elle évoque sa passion pour la lecture, et sa rencontre avec Marc Tardieu, qui lui suggèrera d’écrire son autobiographie. Hésitante au départ, elle finira par se lancer : « Les mots m’ont appris à me définir, à tisser des liens entre moi et moi, entre moi et les autres, et voilà que, extériorisés, ils pourraient peut-être en effet ouvrir des pistes d’espoir ».

« Un grand éclat de rire », éditions Pascal Galodé, en librairie à partir du 07 mai 2008
Site de l’auteure : http://www.aissatouthiam.com/
À noter : Aïssatou Thiam dédicacera son livre le vendredi 16 mai 2008 à partir de 19h30 à la librairie « La Lucarne des Écrivains », 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris.///Article N° : 7563

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