Festival fiest’à Sète

Sète en habits de fête

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Pour la douzième fois, le port languedocien convie les aoûtiens à un festin de musiques du monde. Sans renier ses origines « latines », au fil des ans la « Fiesta » s’est ouverte à toute la planète et surtout à l’Afrique, avec cette année une grande soirée éthiopienne. Retour sur l’histoire d’un festival sans façon, et rencontre avec José Bel, son fondateur.

Comme bien des festivals, Fiest’à Sète doit moins son succès à la générosité des subventions publiques qu’à l’aide d’une solide équipe de bénévoles. Ils sont une bonne trentaine à s’affairer et à s’éclater aussi, entre scène et coulisses, parmi les quelque cinq cents adhérents de l’association, sous l’autorité débonnaire de José Bel, un gentleman dégingandé dont la détermination a du mal à vaincre la timidité.
Fils d’un horloger sétois, ce touche-à-tout soixante-huitard ne se voyait guère prendre définitivement la relève. Sa première passion était le cinéma, et après une licence d’histoire de l’art consacrée au 7° art, il a d’abord animé un ciné-club itinérant, puis organisé des concerts de rock dans les maisons de jeunes, avant d’ouvrir un magasin de disques en face du port de pêche.
Cette boutique, aménagée en salon d’écoute convivial et décorée par le peintre Pierre François, devient vite le point de ralliement de tous les jeunes mélomanes locaux. José Bel leur communique sa passion pour le jazz et le jazz-rock, puis à travers l’essor de la bossa-nova et du latin jazz, il les intéresse de plus en plus aux musiques brésiliennes et cubaines. Au bout d’une trentaine d’années, comme la plupart des disquaires indépendants, il devra mettre la clef sous la porte, victime de la concurrence des chaînes multinationales – la Fnac de Montpellier puis Nuggetts qui s’installe à quelques dizaines de mètres.
Néanmoins c’est cette expérience et le vaste réseau d’amitiés ainsi créé qui se prolongent à travers le festival Fiest’à Sète. La boutique est d’ailleurs devenue le local de l’association, et José Bel est passé sans à-coup de la musique enregistrée au spectacle vivant :
« Quand j’étais disquaire, j’étais l’un des rares en province à me décarcasser pour faire des importations inédites. J’étais obsédé par le désir de découvrir de nouvelles musiques et de les partager avec mes clients qui à la fin, étaient presque tous devenus des copains. J’ai gardé cette ambition et même avec peu de moyens, je fais tout pour qu’à chaque édition Fiest’à Sète apporte son lot de découvertes. »
C’est en 1997 que débute l’aventure, sous le nom de « Fiesta Latina ».
José Bel se rappelle en riant la naissance de ce titre éphémère :
« Nous avions pensé à un nom plus neutre : « musiques festives ».
C’est chez l’imprimeur, à la dernière minute, que nous avons changé le nom sur l’affiche ! Le Languedoc est indiscutablement de culture latine, ce qui crée un lien évident avec bien d’autres peuples du monde entier, notamment hispanophones et lusophones. En plus, le festival a démarré et s’est développé à une époque où la musique cubaine revenait en force, avec « Buena Vista Social Club », etc.
Quand par la suite nous avons changé pour « Fiest’à Sète », c’était bien sûr pour inclure le nom de notre cité, tout en réaffirmant le caractère résolument festif de ce festival. Toutes les musiques « latines » ne sont pas forcément festives, mais ce sont celles-là qui nous intéressent. » C’est la seule exigence de ce festival musical exceptionnel, de plus en plus aventureux et éclectique, qui a réussi à conjuguer deux objectifs que tant d’autres croient inconciliables : être à la fois un grand événement culturel (le plus important de l’année à Sète) et une vraie fête qui attire la foule des estivants, des vacanciers. Au moment où cela se passe, autour du 1° août, ce port commercial et halieutique important (le cinquième de France) devient un haut lieu touristique, l’une des plages les plus populaires du nord de la Méditerranée – et les gens qui s’y côtoient semblent préfigurer une fraternisation future entre toutes les civilisations qui entourent cette mer.
À Sète on a bien plus qu’à Nice ou Saint-Tropez l’impression diffuse que la musique est un patrimoine commun à toute l’humanité.
Sète a toujours été avant tout une ville de pauvres, et si la municipalité a basculé du PC à l’UMP, on ne voit pas encore trop la différence. La cité de Georges Brassens et de Paul Valéry sait conserver son accent et son charme qu’on retrouve intacts dans la voix de José Bel :
« Dès la deuxième année (il prononce an-née, en bon languedocien), nous avons programmé des Africains, car j’ai toujours adoré les musiques africaines, d’ailleurs j’adore toutes sortes de musique, à part les chants corses, là j’avoue que j’ai une sorte d’allergie. Ils sont très émouvants, mais ils n’ont rien de festif. Il y a une certaine gravité, c’est très beau, mais ce n’est pas mon truc. Je préfère écouter, et faire écouter des musiques qui nous rechargent. »
Comme on l’aura compris, « Fiest’à Sète » reste une fête, avant d’être un festival. On s’y amuse bien, on y boit plus que de raison, on y danse plus qu’ailleurs, et surtout on y écoute la musique dans des conditions vraiment idéales. Les concerts se passent dans un lieu extraordinaire : le Théâtre de la Mer, ou Théâtre Jean Vilar, copie moderne des amphithéâtres antiques, où depuis des gradins assez vertigineux (attention aux enfants !) on voit la mer derrière la scène. Acoustique parfaite, sonorisation irréprochable, un pur régal !
À défaut d’assister à Fiest’à Sète, on peut en suivre le déroulement sur Radio Nova, dont le reporter mélomaniaque Rémy Kolpa-Kopoul ne manque jamais ce rendez-vous – il y officie aussi comme dj…
La première grande soirée de cette édition 2008 (le 2/8) est consacrée au Brésil. Le subtil chanteur-guitariste Marcio Faraco y invite la grande voix afro-brésilienne du Minas Gerais, Milton Nascimento, suivi par le spectaculaire percussionniste bahianais d’origine argentine Ramiro Musotto, spécialiste de l’arc musical berimbau.
Suit la traditionnelle nuit cubaine (le 3) où après le groupe londonien Ska Cubano, le flûtiste-chanteur Orlando « Maraca » Valle invite Candido Fabré, l’un des meilleurs compositeurs-interprètes actuels du son de Santiago de Cuba.
Le festival s’ouvre cette année à la soul afro-américaine (le 4) avec les Dynamites du vétéran funky de Nashville Charles Walker, puis deux divas sexagénaires et encore sexy, Candy Staton et Gwen McRae.
Sète accueille aussi, entre autres, Buika, la curieuse chanteuse andalouse originaire de Guinée Équatoriale (le 6) ; les revenants californiens Kid Creole & The Coconuts, précédés de l’excellent groupe régional « République Démocratique du Mambo » (le 8) ou encore l’increvable orchestre rom « Taraf de Haidouks » (le 9)…
Cependant l’événement majeur de cette édition est incontestablement la rencontre au sommet (le 5) des deux grands ténors de la musique moderne éthiopienne : Alèmayèhu Eshete et Mahmoud Ahmed. Ils ont le même âge (67 ans) et à la fin du règne du Négus ils étaient rivaux : Alèmayèhu était le chanteur-vedette de l’Orchestre de la Police, Mahmoud celui de l’Orchestre de la Garde Impériale ! Il n’y a pourtant rien de martial dans leur musique irrésistiblement dansante. Alèmayèhu évoque par son énergie un James Brown, tandis que Mahmoud, plus romantique, est imprégné de blues et de jazz. Réconciliés, ils se retrouveront sur la même scène, accompagnés par des héritiers inattendus : les jazzmen bretons du Badume’s Band, qui ont été émerveillés par leurs disques au point de faire de cet « éthiojazz » leur répertoire favori.

12ème Festival « Fiest’à Sète » du 25/7 au 8/8.
Programme détaillé : www.fiestasete.com///Article N° : 7977

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Les images de l'article
La tente de Radio Nova : de gauche à droite, RKK, le pianiste Omar Sosa et José Bel.
Seun Kuti & Egypt 80 en répétition à Fiest'à Sète 2007.





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