Le Paradis infernal

De Tiburce Koffi

Mise en scène : Binda N'Gazolo
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L’enfer est humain
Cadre dynamique plein d’avenir, costume sombre trois pièces, classe, distinction, le cheveu fraîchement coupé, jeune loup mafieux aux dents longues, beau gosse tyrannique et sûr de lui… voici le Dieu du Paradis infernal. !
La pièce de Tiburce Koffi qui a remporté le prix Gabriel Germinet de RFI en 1996 est un petit conte voltairien à la parabole aussi humoristique qu’édifiante qui dénonce avec sarcasme les dérives de notre société. Il met en scène une délégation d’humains qui se rendent au Paradis pour demander des comptes à Dieu. En effet, sa création est en piteux état : famines, guerres, massacres… et il est de son ressort de rétablir la situation. Mais les naïfs et idéalistes humains découvrent un monde encore plus brutal que le leur et finissent par se révolter. C’est une femme qui mène la révolte, une espèce de Lilith qui n’a rien perdu de son effronterie. Elle a rencontré un drôle de vieillard qui, dans une folle étreinte, lui a transmis une tunique rouge et une torche : les attributs de la connaissance ; de quoi lui ouvrir les yeux sur sa condition et l’aliénation qu’elle subit. Etait-ce le serpent de l’Eden ? Satan ? ou Ananzê-l’araignée ? Qui sait ? En fait il ressemble beaucoup au prédicateur ce vieillard… et toute cette ambiguïté ne manque pas de dérouter le spectateur.
La mise en scène de Binda N’Gazolo a évacué tout fantastique : aucune téléportation magique, aucun effet surnaturel, les humains ne sont que des adeptes manipulés et drogués par un prédicateur plus mystificateur que fou. C’est après avoir bu le contenu d’une petite fiole qu’ils se retrouvent au milieu de Moïse, Jean de l’Apocalypse, Saint-Matthieu, Judas, Jésus-Christ, Saint-Jean-Baptiste, L’Ange Gabriel… et dans cet Eden d’opérette, Dieu prend tour à tour les allures d’un homme d’affaires  » surbooké « , d’un politique cynique et hautain, d’un chef d’Etat débauché qui s’envoie en l’air avec les anges. Remontent alors à nos esprits ces grandes entreprises de mystification dont les scandales financiers et les moeurs permissives ont récemment défrayé la chronique : Madarom, Temple solaire et autres Davidians… Mais en retournant les situations la dénonciation du Paradis infernal va bien au-delà du monde des sectes : le spectacle s’en prend aux malversations de tout le système politique et économique mondial qui assoit son pouvoir sur la mystification des plus faibles.
Ils sont bien ridicules ces pauvres humains qui se laissent avoir par une vulgaire attraction de foire, cependant le message de Tiburce Koffi n’est pas dénué d’optimisme : ils ont un sursaut de conscience et leur idéalisme finit par avoir le dessus, leur révolte renverse l’ordre totalitaire et Dieu doit répondre de ses crimes ! Et si on saurait ici rendre grâce à Dieu, on doit en revanche rendre grâce au sens de la dérision de l’auteur qui a su puiser dans le vocabulaire religieux et les images bibliques pour inventer des formules d’une étonnante drôlerie.

musique : Luc-Hervé Nko (claviers), Ozée Khorsmer (percussions)
Compagnie du Sphinx avec Ismaël Agana (Jésus-Christ), Jean-Pilippe Konan (Dieu), Brigitte Attiahi (L’Esprit Saint), Jean-Marc Fohé (Moïse, Saint-Matthieu, Judas), Sylvain Gbaka (Jean le Baptiste), Guy-Charles Wayoro (L’Ange Gabriel), Ouedraogo Ablass (Jean de l’Apocalypse), Ouédraogo Abdoulaye (Noé), Momo Ekissi Eugène (Le Prédicateur, Kacou Ananzê), Oulaï Antoine (Chi Yan Ly), Django benjamin (James), Michel Gonou (Ouédraogo), Germaine Kouassi (Akissi-La-Rebelle), Hélène Brou (Hélène d’Europe).///Article N° : 810

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