Le Brésil noir au cinéma

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A l’initiative de l’Association Racines noires, l’excellente rétrospective du cinéma afro-brésilien présentée au festival de Milan a fait une escale à Paris au Forum des Images du 31 mars au 4 avril. Une occasion d’aborder les racines africaines du Brésil, que nous explorerons dans un futur dossier d’Africultures. Tendances d’un cinéma polymorphe puisant ses racines dans les troupes de théâtre de rue et les groupes musicaux de Rio.

Dans un pays où la majorité de la population est noire, le cinéma afrobrésilien demeure pourtant le fait d’une minorité : il n’y a que quatre réalisateurs afrobrésiliens au Brésil !
Deux réalisateurs et acteurs, Waldir Onofre et Zozimo Bulbul, ont témoigné à Paris des difficultés de la communauté noire à faire des films aujourd’hui. Selon leurs propres termes, cette même communauté est en voie de marginalisation et est par conséquent exclue des médias. Waldir Onofre souligne que les Noirs, les Mulâtres ne sont jamais représentés socialement à la télévision ; ils n’ont pas d’existence en termes de famille constituée. Il va plus loin en affirmant que « le cinéma afrobrésilien n’existe pas », qu’il s’agit avant tout de « montrer une image aryenne » du Brésil et que les médias ont tendance à confier à des Blancs des rôles de Noirs !
Dans ce contexte, leurs films apparaissent comme un acte de résistance, une revendication de la culture afrobrésilienne : « montrer le véritable visage du Brésil, à savoir un incroyable métissage ».
Aux racines du Brésil : l’esclavage
Le cinéma explore largement le thème de l’esclave en quête de liberté décliné ici par le très beau court-métrage de Zozimo Bulbul « Alma no Olho » (1976), métaphore de l’esclavage scandée par la musique de John Coltrane ; ou encore « Aboliçao » (1988) du même Z. Bulbul. Carlos Diègues relate dans « Xica da Silva » (1976), l’ascension d’une esclave interprétée par la grande actrice Zézé Motta tandis que « Quilombo » (1984) insiste sur la lutte pour l’autonomie dans les communautés de nègres marrons au 17ème siècle, avec la présence d’Antonio Pitanga, acteur fétiche du cinéma novo, un des grands militants de la cause noire au Brésil.
Syncrétisme en musique
« As aventuras amorosas de um padeiro » de Waldir Onofre (1976), est une comédie populaire débutant par un mariage à l’église et finissant sur la plage avec un genre de macumba, l’umbanda – un syncrétisme largement illustré par les documentaires d’Arte « Vivre avec les dieux » (1988/91) et « Le fil de la mémoire » d’Eduardo Coutinho (1991).
« La musique est ce qui permet d’extrapoler les clivages, elle traverse largement toutes les couches de la société ». La samba est omniprésente dans les films depuis Nelson Pereira dos Santos et son « Rio zona norte » (1957), magnifiquement interprété par Grande Otelo, l’un des plus grands acteurs afrobrésiliens : « Bahia de todos sambas » de Trigueirinho Neto (1960) ; « Fala mangueira » de F.Confalonieri (1982) ; « Orfeu negro » Marcel Camus (1959) dont Carlos Diègues vient de terminer le remake. Aujourd’hui encore, la musique se perpétue dans les films où elle apparaît comme un élément essentiel de cohésion sociale et de lien contre l’exclusion.
Le cinéma afrobrésilien livre ainsi les racines multiples et complexes prenant corps dans une frénésie de rythmes et d’images afin de mieux percevoir l’extrême ambiguïté d’une société composite.

Un passionnant catalogue en français, italien et portugais, coédité par le COE (via Lazaronni 8, 20124 Milano) et Racines noires (bureau 41, 104 av. du Pt Kennedy, 75016 Paris) et coordonné par William Taniféani présente en détails le cinéma et les cinéastes afro-brésiliens. ///Article N° : 865

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Les images de l'article
As Aventuras Amorosas De Um Padeiro, de Waldir Onofre





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