Lolo Veleko : la rue comme tendance mode

Print Friendly, PDF & Email

Les images de logo Veleko font le tour du monde. Cette jeune photographe sud-africaine fait des rues de Johannesbourg le théâtre d’une jeunesse branchée qui invente sa propre mode et n’a rien à envier aux tendances dictées par le nord.

Tomber pour la première fois sur un portrait de Lolo Veleko, c’est être confronté à la fois à un sentiment de familiarité et d’incertitude. Familiarité, car les portraits qu’elle saisit d’une jeunesse vêtue d’un style très urbain sont dignes des images qu’il nous est donné de glaner dans les pages de ces fameuses revues faisant état des nouvelles tendances mode.
Incertitude, car de ces rues désertes et autres paysages urbains servant de décors à ses prises de vue, ne se reconnaissent, ni Londres, ni New York, ni Paris. C’est de Johannesbourg, en Afrique du Sud, dont il est question. L’Afrique, nous démontre Lolo Veleko, bouscule le monopole du Nord comme « trendsetter » mondial.
Affirmer un style individuel
Diffusée pour la première fois au début des années 2000, « Beauty is in the Eye of the Beholder » (La Beauté est dans l’Œil de celui qui regarde), série incontournable dans l’histoire de la photographie sud-africaine, a donné à Veloko sa renommée internationale. C’est aussi la série qui a révélé au monde une autre image de la nouvelle Afrique du Sud. De la liberté acquise au début des années 1990, est né le désir de la jeune génération de se créer une nouvelle identité. À l’heure des chaînes câblées, quoi de plus approprié que la fringue pour affirmer un style individuel. Combinaisons vestimentaires choisies, mariages de couleurs vives, accessoires insolites rivalisent d’originalité face à l’objectif de Veleko.
Née à Bidibe, dans la Province Nord-Ouest de l’Afrique du Sud, Lolo Veleko a étudié les arts graphiques au Cap dans les années 1990 avant de se tourner vers la photographie dont elle a acquis la maîtrise en suivant des cours à l’Atelier Photographique du Market Theatre de Johannesbourg, sous la houlette de John Fleetwood, de 1999-2004.
Son attrait pour le style, ainsi que son approche esthétisante de la photographie, reflètent le regard d’une jeune femme elle-même versée dans l’élégance. Son viseur capte l’apparence branchée de ses sujets en même temps qu’il en suggère leur désir de paraître.
La rue, une grande source d’inspiration
À la manière d’un Seydou Keita ou d’un Malick Sidibé(1) – la comparaison n’est ici valable qu’en ce qu’elle inscrit l’art de Veleko dans un genre photographique né à la veille des Indépendances – elle donne au poseur le contrôle de son image, de son style et de l’attitude à travers laquelle se lit sa personnalité. À l’œil non-avisé il s’agira ici d’un rien. Mais qui connaît l’histoire de la représentation de la figure noire dans la photographie sud-africaine comprendra que l’œuvre de Veleko participe d’une démarche d’auto-représentation et de valorisation de soi qu’un tenace régime d’oppression a longtemps dénigré à la majorité des Sud-africains.
D’aucuns s’aviseront de clamer que l’Afrique du Sud a pris le train de la globalisation en marche. Que l’on se garde toutefois de voir en la culture urbaine de ce pays un avatar de ce qui existe déjà ailleurs. Poing levé et pochoir de Steve Biko en arrière plan sont autant de références culturelles locales ne relevant aucunement de la simple anecdote. Ce sont là quelques signes que la jeunesse sud-africaine – une jeunesse n’ayant rien à envier aux tendances dictées par le Nord – s’est non seulement saisit de sa propre liberté mais qu’elle s’est appropriée avec aisance du champ libre offert par l’absence, jusqu’à récemment, d’un style urbain typiquement sud-africain. À chacun de laisser son imagination et sa créativité lui dicter sa propre mode. Nul doute que des portraits de Lolo Veleko sont secrètement nées certaines des lignes vestimentaires faisant la une des défilés sud-africains. En Afrique comme ailleurs, nous suggère Veleko, la rue est une des grandes sources d’inspiration de la mode d’aujourd’hui et de demain.

1. Seydou Keita, décédé en 2001, et Malick Sidibé représentent deux figures tutélaires de la photographie au Mali. Ils sont aujourd’hui mondialement connus.///Article N° : 9892

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire