« Billy les Kids »

"Laissez cours à l'expression, laissez cours à la liberté les kids, mes frères"

Print Friendly, PDF & Email

Proche d’un coup de gueule poétique ou d’un slam provocateur, cet inclassable texte est une manière pour son auteur, Papy Maurice Mbwiti de démontrer que « les événements qui se passent en Afrique ne nous laissent pas indifférent ». Africultures n’est pas resté indifférent non plus à cette bombe textuelle que nous vous livrons sans fard ni retouche.

Glissé comme du shit en taule, le mot est passé entre les doigts et les bouches du peuple : « Dégage ! »

Et enfin il a cédé, il a cédé comme son frère, oui après dix huit jours de grogne sociale, il est enfin parti, il a bien dit qu’il mourrait dans son pays de naissance, et ben paix à son âme !

Encore peu il serait Pharaon, parce qu’il cherchait une sortie honorable, une sortie avec une porte de dignité, mon œil, en avait-il encore de cette soit disant dignité ?

Aux bergers fous, des vaches folles, comme nous,
Fous nous le sommes devenus depuis tout ce temps que la cage nous a enragé !

Gloire éternelle à eux ! Dieux, rois et prophètes, pacificateurs, rassembleurs, timoniers, guides éclairés, raïs, el hadji, Excellences, empereurs, marechals, pères de la nation et maîtres de la dérision et patati et patata…

Je me demande si ces qualificatifs qu’ils s’affublent, derrière lesquels ils s’accrochent comme des naufragés ne seraient pas un effet de mal de peau…

Et comme par amnésie, leurs descendants replongent dans la même assiette,

C’est quoi cette histoire, on dirait que plus personne ne se rappelle de la célèbre phrase de 1973, « Un fruit ne tombe que quand il est mûr; mais devant la tempête et l’ouragan de l’Histoire, mûr ou pas mûr, il tombe quand même (1). »

Hier l’Histoire s’écrivait à Paris, Bruxelles, Moscou, Washington,
Aujourd’hui c’est dans nos rues, nos bidonvilles, devant vos palaces de sang, vos musées de la honte et de l’horreur que ça se passe c’est-à-dire chez nous et en nous.

Nous avons tous été témoins ; comment tous les prophètes occidentaux se sont cassés la gueule, des discours erronés, des faux pas diplomatiques, des erreurs de prestance, des cravates mal nouées et des jupes trop jupons,

Aaah que dire d’autre ! Après cinquante ans de mariage on attend l’âge d’or et tous espère en la noce de saphir à 65 ans,
Et qui voudra garder le même caleçon depuis plus de cinquante ans ? Personne !

Et sans vergogne ils trouvent que nous ne sommes pas reconnaissant comme si nous étions des chiens de chasse, à la recherche de l’odeur du maître,

Il n’y a plus de maître, bon sang, les chiens sont enragés, plus de cinquante ans de misère et de galère ne peuvent que rendre fous,

Nos cagibis ne contiennent plus nos barbes grises et nos misères arrivées à maturité nous ont fait pousser des ailes de capacité, nos chaînes ne nous contiennent plus à force de nos maigreurs,

On en a trop écouté me lâche mon jeune frère du Cameroun, « parler ne fais pas cuire le riz », lorsque mille hommes prennent la route, il faut qu’un se mette devant,

Et pour cette fois, c’est devant leur police que le nôtre s’est mis avec ses légumes et s’est immolé pour nous, merci mon frère, ton nom sera à jamais gravé dans nos mémoires,

C’est avec fierté que nous raconterons cette histoire à nos petits fils, à toi haut digne fils d’Afrique et de l’humanité, oui, dignité, c’est le mot !

En survolant le nord de l’Afrique, blanchi je ne sais pour quelle raison, on se croirait déjà dans le vieux continent,

Vu d’en haut, la lumière est affective et attractive, on a tous crié, mais ça va !

Des routes à l’européenne, des trams, des métros, des infrastructures dignes de… de… ; merde, dignes de quoi !

Des tombeaux blanchis ouais, voilà que, aujourd’hui la merde a débordé de ces boubous blancs et ça a pué pour le bien de tous,

Aux humains l’humanité, aux hommes la dignité, aux égaux l’égalité
Arrêter de vous prendre pour des vices-dieux, bon sang, et ainsi vous pourriez avoir le toupet de vouloir des sorties honorables,

Quoi ! Des garanties de sorties cherchent-ils ? Quelles garanties avaient-ils à leurs entrées ?

C’est comme ça dans ce cinéma de l’autocratie, si l’entrée est gratuite, la sortie sera payante mon vieux !

Personne ne saura y dérober, personne, ah oui, nager vous avez appris maintenant, il vous faut savoir flotter !

Cinquante ans après on est plus que des fous sortis de l’asile, on n’a pas perdu le sens de la marche et du contenu mais plutôt les repères. C’est quoi vos limites, c’est où vos frontières ?

Comment vos armes, c’est déjà combien nos morts depuis le temps sur vos montres ?

De quelle couleur est notre sang, parce que le rouge, nous a rendus fous, et nous sommes le toréador !

Nous sommes des taureaux, troublés par l’acariâtre couleur !

Seulement des taureaux High Tech, avec boussole, Bluetooth, connecté sur facebook, sur WikiLeaks, sur Google, sur « go out point merde », sur « on n’en a marre point fr », sur « on a compris point con », sur « trop ce n’est trop point taupe », sur « ça ne se répétera plus slash vos gueules », sur « humanité point toujours », sur « dignité point mon frère »,

Puisque nos universités ne nous forment plus et qu’elles nous déforment, on se renforce par nos propres univers,

Vos razzias sociales ont fait de nous des guerriers celtiques,
Ne vous en faites pas pour nous, on apprend sur WrestleMania(2), nos héros on les a trouvés maintenant ailleurs, c’est John Cena (3), notre devise « Never give up » on n’abandonnera pas nous sommes tous fils de ce pays comme vous papa !

Notre modèle c’est Randy Orton, tous nous sommes des Legends killers, nous réagissons en vipères, oui, vous légendes de la honte, légendes des fortunes de sang, vous bébés dictateurs, fils des dicatorus dinozorus,

A vos dictatures héréditaires, nous appliquerons la démocratie contagieuse,
A vos volontés autocratiques, nous infligerons la détermination révolutionnaire,
A vos illusions d’éternité, nous appliquerons la naturelle réalité d’alternance et de passager,

Non, mais arrêtez !
On a des nouveaux héros, vous n’avez pas suivi notre dernière rencontre c’était contre l’Inter de Milan de la peur, personne n’y croyait, ah oui ce connard de peuple était en finale,

Oui ! Pendant plus de dix-huit jours sur la place Tahrir, on a prié cette fois-ci pas comme de piètres esclaves, pour la pénitence,
Mais pour ébranler vos murs de Jéricho

Dignité, comme le clame le rappeur de mon pays, dignes fils d’Afrique nous le sommes, on ne vous laissera plus passer !

Nous continuerons à prier Dieu comme des Dragons Ball Z pour activer nos supers pouvoirs,

Votre musique on l’a trop dansé, on en a appris la mélodie par cœur alors rangez-vous du coté de la piste démocratique bon sang,

Exhiber le pas de l’alternance et du respect des mélodies constitutionnelles, mauvais danseurs !

Vos raps sont nuls, vos slams creux, vos rumbas de gestion anachroniques, vos bluzz de gouvernements merdiques,

Nous ne sommes plus à l’époque des quelques universitaires, ce n’est plus le temps de la science infuse,
L’université est partout… dans nos assiettes vides,

Nos instituts supérieurs sont dans nos stations de bus où le transport est inexistant,

Nos académies sont nos marchés aux prix galopant, nos librairies sont nos prisons aux arrestations arbitraires,

Non la Sorbonne est dans la rue, oui détromperez-vous, Victor Hugo vend des arachides au coin de ma rue, Einstein c’est le tireur de chariot de camp luka,

Vous avez fait de nous des Superman, nous sommes de la génération Tom Sawyer, les pieds nus nous conviennent parfaitement, vos chaussures de la honte, on n’en veut pas, et vos godasses de dictatures sont infectées,

Mais comprenez bon dieu, que de tous les bords, au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest, les ribambelles se sont envolées et qu’il n’y a plus de secret de Rackham le Rouge,

Vous nous avez gavés de Tintin, alors ne vous vous étonnez pas de notre réactivité, qu’est-ce que vous croyez ?

Les Billy le Kids, honte à vous, même Djo Dalton ne fait plus peur à Averell,

C’est à peine à en croire que vous voulez faire le Batman, en grimpant sur les immeubles, mais non on a tous des télécommandes de conscience, des piles de dignité rechargées à mort, tenez-vous bien on va zapper, arrêter de faire le bulldozer à rouler toujours à travers des barrières constitutionnelles,

Arrêtez vos kidnappings sociopolitiques, juridico machin mais, on va débrancher le câble dictatorial, même ma fille Chloé a compris, elle marche depuis, arrêtez bon Dieu !

N’est ce pas qu’il y a quelques mois nous sommes tous allés au sépulcre de Patrice, de Sankara, de Jomo, de Martin, de Gandhi, ils nous ont tout dit,

À la place des invalides nous avons eu une avalanche des texto des Jeannes d’Arcs et de Kimbangu, ils nous ont tout raconté,

Avant-hier encore, dans son lit d’hôpital de Johannesbourg avec son sourire illuminant, Madiba nous a parlé, pendant que vous répétiez vos discours sur le festival de mensonges, arrêtez !

Ah oui l’arc-en-ciel ne vient que pour arrêter la pluie, vous avez oublié vos rôles, vous avez viré dans le mauvais sens, en oubliant que nous avons tous le Map et que vos hérésies nous ont dotés de GPS,

A vos dictatures héréditaires nous réservons des démocraties contagieuses,
A vos régimes autocratiques nous réservons des révolutions démocratiques,

Nos chants vont briser vos murailles, nos larmes vont percer vos fragiles bunkers, même la nature vous nettoiera, laissez cours à l’expression, laissez cours à la liberté les kids, mes frères.

1. Le 4 octobre 1973, le général de corps d’armées Mobutu Sese Seko, alors président du Zaire, exprimait cette phrase devant la 28 ème session des Nations Unies à New-York.
2. WrestleMania est un événement annuel de catch organisé fin mars ou début avril par la World Wrestling Entertainment.
3. John Cena, est un catcheur, rappeur et acteur américain actuellement employé par la fédération World Wrestling Entertainment.
Moanda, février 2011///Article N° : 9955

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire