Correspondances

De Laurence Petit-Jouvet

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Un film de femmes, issu d’une création collective en ateliers. Rien que le processus d’élaboration du film vaut le détour. C’est ici la diaspora malienne qui est au centre : des femmes vivant à Montreuil, à la porte de Paris (Seine-Saint-Denis) écrivent une « lettre filmée » à une personne de leur choix, réelle ou imaginaire. La réponse vient de femmes de Bamako et de Kayes au Mali qui réalisent à leur tour leur lettre « filmée ». Le fait que la destinataire ne soit pas déterminée fait que peu de lettres se répondent effectivement, laissant les mots vaquer dans les imaginaires. Seul le thème est fixé : le travail, mais c’est déjà beaucoup, sachant que ces femmes d’origine malienne sont d’âge et de classes sociales différentes. Cela donne une série de courts métrages, élaborés au cours d’ateliers d’éducation à l’image et de création audiovisuelle menés en France et au Mali par Laurence Petit-Jouvet. Des unes aux autres s’égrènent les frustrations, les passions, mais aussi et surtout la résistance.
Le dispositif épistolaire a souvent été utilisé au cinéma comme en littérature. Parenthèses films a ainsi produit au début des années 2000 une série documentaire intitulée « Lettres de cinéma », dont le beau Lettre à Ahmat de Caroline Chomienne. En général, c’est un moyen pour l’auteur de renouveler le dispositif de la voix-off.
Ici, le choix, radical, est de s’effacer en tant qu’auteur pour laisser la place à la parole des autres. Comme Foucault et Sartre l’avaient fait quand ils remplaçaient dans leurs interventions publiques leur analyse par la parole des travailleurs concernés. Ici, cela passe cependant par une pédagogie et c’est une parole individuelle qui est recherchée, celle du roman au sens où elle dit « je » et exprime les ressentis, mais que le thème du travail ramène davantage aux aspirations sociales. Effectivement, les lettres sont pénétrées des envies d’arriver socialement et de la détermination que développent partout les femmes malgré les contraintes. C’est en cela que leur dimension humaine est si forte, qui mène par moments à une réelle émotion. Témoignage sociologique, le film permet ainsi l’identification et une meilleure compréhension.
Reste que s’il est important de donner la parole à celles qui ne l’ont pas, ce cadre à la fois libre et rigide semble en limiter l’ampleur. Le fait de dire des lettres écrites et de les mettre en situation entrave la spontanéité du témoignage et limite la respiration cinématographique. C’est ainsi qu’il manque à ce film par ailleurs frappant et généreux quelques ventilateurs bien placés qui lui permettraient de s’envoler.

///Article N° : 9964

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© Les Films du Paradoxe
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