Racines noires 98, rencontre des cinémas du monde noir

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Nous quittons pour quelque numéros notre démarche transversale en centrant notre dossier sur une discipline artistique. Il s’agit d’honorer par un travail de recherche les partenariats développés avec les festivals qui nous semblent aujourd’hui faire réellement progresser la connaissance des cultures africaines. C’est le cas du festival Racines noires que présente ici sa principale instigatrice.

Pourquoi organiser une rencontre des cinéastes du monde noir à Paris, deux ans avant l’an 2000 ?
C’est le résultat d’une longue histoire qui commença il y a bien longtemps, il y a cinq siècles, de manière tragique avec la traite des Noirs et la déportation massive vers le Nouveau Monde. Sur la route des esclaves sont nées de la douleur, des musiques et des images qui prolongent par-delà les océans, d’autres musiques, d’autres images, celles de l’Afrique. Au long de cette route se sont crées des cultures métisses, multiples, vivantes, foisonnantes, riches, des cultures qui ont largement enrichi le patrimoine culturel mondial.
Si la musique noire est sans doute l’art qui a le plus fait tomber de frontières, rythmant la vie de tout un chacun à travers le monde, il n’en est pas encore de même des images, du cinéma. Et pourtant, les cinémas noirs existent depuis les années 20 aux Etats-Unis ou aux Antilles, depuis les indépendances en Afrique.
Il nous a semblé important à l’aube de l’an 2000 de raconter cette mémoire, cette histoire en images, de chercher les liens qui unissent les uns et les autres, tant au niveau thématique que formel.
Paris est, dans cette longue histoire, une ville-symbole.
Paris a été dans les années 40 la ville d’accueil de très nombreux artistes noirs, de James Baldwin à Joséphine Baker et à Sidney Bechet, de Léon Damas à Léopold Sédar Senghor ou Aimé Césaire.
Paris a été, empire colonial oblige, le creuset du mouvement de la négritude dans les années 50 avant d’être le berceau des premiers films africains.
Paris fut aussi dans les années 60 la ville où Melvin Van Peebles a conçu ses premiers livres et tourné ses premiers films.
Paris enfin est aujourd’hui la ville de résidence de très nombreux cinéastes, acteurs, actrices et artistes (et ressortissants !) des Antilles et du continent africain, une ville métisse.
C’est ce long chemin que Racines noires 98 tente de parcourir, à l’occasion de cette date symbolique que représente le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
Le temps de la commémoration est venu, celui du devoir de mémoire aussi.
Aujourd’hui, à l’orée de l’an 2000, alors que le continent africain es depuis peu totalement libre, que l’Afrique du Sud est enfin libérée du joug de l’apartheid, la bataille est loin d’être terminée.
A Cuba, au Brésil, aux Etats-Unis, aux Antilles, en France, en Angleterre, sur le continent africain, les cinéastes se battent pour imposer leurs images, leur mode de narration, leur rythme, trouver leur place, toucher leur public.
Devoir de mémoire : Racines noires présente une rétrospective de films consacrés à la traite et à l’esclavage, un programme sur la place des Noirs dans le cinéma cubain, un hommage à Melvin Van Peebles qui le premier dynamita les images et les clichés racistes en Amérique, un hommage aux actrices noires aussi, ces femmes qui ont traversé le cinéma comme des étoiles filantes, illuminant pour longtemps les souterrains de nos mémoires.
Toute une mémoire, toute une histoire cinématographique, pour mieux mettre en valeur un panorama de l’expression des cinéastes de la génération 98.
Des images en hommage à cette conquête de la liberté.

///Article N° : 397

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