Rap « stremon »

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Abd Al Malik est de retour avec Scarifications, cinq ans après Château rouge. Un album surprenant, où le rap renoue avec son frère d’armes, l’électro. Un flow saisissant qui n’a jamais été si vif de la part du rappeur-poète.

Le rap d’Abd Al Malik poursuit ses métamorphoses, cet automne, en alliage avec la musique électronique. Cinquième opus de l’artiste, Scarifications renoue la filiation entre techno et rap, à travers un dialogue avec la référence en la matière, Laurent Garnier. «  Afrika Bambaataa est aussi important pour nous que pour les gens de la techno « , (1) exprime le rappeur. Souvenir du temps où Abd Al Malik et son frère ainé, Bilal, fréquentaient les clubs branchés allemands, vibrants aux beats d’eurodance. L’album Scarifications œuvre comme un rappel de ce lien, déjà exploré par des artistes comme MC Solaar, Dj Medhi ou 113. Abd Al Malik, pourtant, n’était pas si pressé de se lancer dans un nouvel album, cinq ans après Château rouge (2005), opus où la culture pop se réinventait d’électro-rock et d’influences africaines. Scarifications nait à partir du film produit par l’artiste en 2014, qu’Allah bénisse la France, dont la bande son a été travaillée, déjà, avec Laurent Garnier. Les deux se sont trouvés et signent un an plus tard l’album sous le label Pias.

Echos de crises
Abd Al Malik renouvelle sa verbe poétique et engagée, dans un flow rageur s’adressant aux impostures de la république française, repliée sur ellemême.  »  rien n’est illogique, de la crise naissent tous les fascismes. Classique, l’histoire se répète (…) Ne suis-je pas un enfant de la république ? « . Ces paroles d' » Allogène « , titre phare de l’album, où le rappeur évolue dans un paysage de cité dans la peau d’un  » stremon « , résonnent avec celles, prophétiques, du titre  » 12 septembre  » présent sur Gibraltar (2006) :  »  Après, il fallait montrer aux yeux du monde que nous aussi nous n’étions que des hommes (…) j’avais déjà un flot de taré quand les tours jumelles se sont écrasées  « . Et, après les attentats de janvier 2015, il s’est exprimé dans un livre plaidoyer Place de la république, pour une spiritualité laïque…, pour que la république ne laisse plus de côtés certains de ses enfants et pour que l’islam ne soit plus fantasmé. Scarifications est aussi un retour sur son enfance à Strasbourg, dans le quartier du Neuhof, où naquit en 1988 le groupe NAP :  »  Citoyen de seconde zone (…) Seine-SaintDenis, Strasbourg, on est du même pedigree   » scande-t-il ainsi sur «  redskin  « . Au creux des titres, au flow plus incisif que jamais, se nichent des références, intertextualités, des charades invoquant le poète et penseur martiniquais Edouard Glissant, et appelant la mémoire de grands auteurs de la chanson françaises. Dans son hommage à Daniel Darc, Abd Al Malik lui demande aussi, au détour de son flow, si l’art, si la poésie, si vibrantes soient-elles, valent tous les sacrifices ? La question vaut pour Gainsbourg, Verlaine, rimbaud, Miossec, dont la vive sensibilité les amène aux extrêmes. L’amie Juliette Gréco aussi a son titre, elle qu’Abd Al Malik avait invité à rapper sur «  roméo et Juliette   » dans l’album Dante, couronné disque de Platine et d’une victoire de la Musique en 2008. Scarifications, dont les textes scandent une actualité violente, assiéra-t-il à nouveau la place de l’artiste dans le temple de la chanson française ?

(1) INTErVIEw D’ABD AL MALIK DU 28 OCTOBrE PAr L’ABCDr DU SON///Article N° : 13306

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