RFI à la loupe

La vie des gens

Le magazine des migrations de Marianne Van Neyenhoff
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Depuis un an que l’émission existe, elle en a vu défiler des hommes et des femmes de toutes les couleurs, de tous les voyages, de tous les horizons culturels. Mettre leurs noms à la queue-leu-leu, égrener leurs métiers où leurs passions ferait immédiatement penser à un poème de Jacques Prévert. Med Hondo, Sapho, Vassili Vassilikos, Ramadan Suleman, Gerard Sitruk, Jacques Verges, Édouard Glissant, Zap Mama, Leïla Sebbar, Edouardo Manet, Sarah Alexander, Abdelatif Benazzi, Wang Chang, Chamoiseau, Dagbo Rimpoche… Ils sont pêle-mêle : musicien, poète, romancier, rabbin, rugbyman, cinéaste, dissident politique, avocat… Tous ont pourtant un point commun. Ils ont un jour fait le saut de l’émigration. Et quand ce n’est pas eux directement qui l’ont fait, ce sont leurs parents, grands ou arrières grands parents.
L’émission pose déjà un principe : parler des migrations ne signifie pas évoquer seulement les déplacements Sud-Nord. Il faut faire comprendre que le phénomène des migrations ne concerne pas que la France et les pays riches. Il y aussi une migration Sud-Sud : quand les Burkinabè s’installent en Côte d’Ivoire où que les Nigérians partent en Afrique du Sud. Il y a les migrations Nord-Nord, lorsque les Auvergnats montent à Paris ou que les Allemands de l’Est passent à l’Ouest. Et il y a enfin l’histoire de toutes ces minorités à l’image des Lapons en Norvège ou des Japonais au Pérou. Les migrations ne sont pas un phénomène contemporain. Les populations se déplacent depuis des millénaires. Et ce sont ces déplacements multiples, flux et reflux, qui ont fait que le monde est si riche, si divers, si passionnant.
 » L’un des objectifs de l’émission est de sortir le mot émigré de cette enveloppe réductrice, parfois misérabiliste et au mieux compassionnelle.  » Il fallait sortir de cette logique qui consiste depuis longtemps à lier systématiquement émigré et problème. Pour Marianne Van Neyenhoff, l’animatrice du magazine,  » il s’agissait de montrer que derrière le terme émigré, il y a des histoires et des parcours individuels.  » Difficiles, quelquefois passionnants et souvent brillants, mais toujours courageux.  » L’émigré est un homme qui, un jour, a pris la décision de quitter ce qui lui était le plus cher (famille, amis, pays) pour aller tenter sa chance ailleurs. C’est quelqu’un d’humainement riche parce qu’il a accepté un jour de prendre des risques, de se remettre en cause et d’aller vers les autres « .
Liberté de ton et émotion
Et Marianne, fille d’un père hollandais et d’une mère cubaine, sait de quoi elle parle. Les invités du fil rouge sont là pour aller au fond d’une question importante en cette fin de siècle : la Terre, ce village planétaire et comment faire pour y vivre ensemble en bonne intelligence.  » Les gens que nous invitons, poursuit Marianne, viennent de divers horizons et ont souvent des idées magnifiques sur cette question parce ce qu’ils ont vécu des histoires personnelles enrichissantes et ont beaucoup pensé, réfléchi ou écrit sur les migrations et les métissages culturels. Ils sont religieux, politiques, hommes de lettres ou de scènes. L’autre argument qui entre ligne de compte dans le choix que nous faisons, est bien sûr l’actualité. Notre émission garde une vraie souplesse et nous pouvons réagir rapidement si les événements l’exigent.  » Mais pour Marianne, il était hors de question de limiter l’émission au fil rouge quelle que soit la qualité des débatteurs. C’est pourquoi des reportages aussi enlevés que divers viennent donner de la robe à l’ensemble. Les reporters où les correspondants du magazine rendent visite  » aux rapatriés de Brazzaville « , aux  » Antillais de Sofia « , aux  » Juifs égyptiens de Paris « ,  » aux Zaïrois de Bruxelles « , à  » un foyer africain en Île de France  » ; s’intéressent à  » l’argent des migrants « , au  » racisme dans le travail « , à  » un lycée multiculturel de Tunis  » etc. Une ouverture remarquable, qui vient répondre à la diversité et à l’importance de l’auditoire. Près de 45 millions de personnes peuvent suivre l’émission dans le monde, plus particulièrement en Afrique. Les échos – beaucoup de gens écrivent – sont globalement très favorables.  » Parce les auditeurs se retrouvent un peu dans les personnalités que nous invitons ou les sujets que nous traitons. Même si certains thèmes (les expulsions de sans-papiers, par exemple) ont entraîné des réactions très dures venant d’Afrique contre la politique du gouvernement français « .  » Aucun sujet n’est tabou, tient à préciser Marianne, même si RFI passe, à juste titre d’ailleurs, pour la Voix de la France dans le monde. La seule limite que nous nous imposons, c’est lorsque la vie et l’intégrité de nos interlocuteurs peuvent être menacées dans des pays où les droits de l’homme ne sont pas respectés.  »
Alors que l’émission souffle pratiquement sa première bougie, Marianne Van Neyenhoff, reconnaît qu’elle prend de plus en plus de plaisir à la faire chaque jour de la semaine et que, grâce à ce magazine, elle a rencontré des hommes et des femmes authentiques, connu de grands moments d’émotion et espère surtout avoir réussi à faire passer cette même émotion chez ses auditeurs. Marianne finit par trouver une phrase simple pour résumer le sens de son émission :  » En fait, dit-elle, les migrations ne sont qu’un prétexte pour parler de la vie des gens, pour parler des hommes « . Et l’autre grande leçon qu’elle tire de cette expérience est que  » les gens ont une envie énorme de communiquer, de donner leur avis sur des problèmes aussi importants, d’écouter et d’être écoutés.  »
Telle qu’elle est conçue, c’est-à-dire vivace, humaine, enlevée, l’émission apporte une formidable bouffée d’authenticité et d’intégrité dans un paysage médiatique où le mot d’ordre de plus en plus pressant est efficacité-rentabilité.
Servie par la voix chaleureuse et l’incontestable sens de l’à-propos de Marianne, Migration Magazine ne présente à notre avis qu’un seul défaut : sa très courte durée. Vingt minutes, c’est vraiment trop peu pour laisser la vie authentique s’exprimer totalement.

Le Magazine des Migrations, une émission de Radio France Internationale, est présenté par Marianne Van Neyenhoff. Emission quotidienne à 9h 10 en temps universel) Durée : 20 minutes. 89 FM à Paris. ///Article N° : 404

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