Rire au Gabon

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La mise en scène du rire au Gabon passe par la faculté qu’ont les individus de se projeter toujours au-devant d’eux-mêmes par l’auto-dérision : c’est un trait de culture.
Enfouie aux tréfonds de leur être social, cette aptitude à la dérision éclate de plus belle sur la scène et les artistes-comédiens n’ont fait que récupérer, digérer et dévoiler cette émotion contenue par les longues années de parti unique, où il était interdit de parler et surtout de rire.
Les pionniers
La manifestation de cette éclosion du rire est élaborée dès les années coloniales par l’entremise des missionnaires. Dans les écoles primaires, de petites troupes de théâtre sont montées. Et à défaut de longs textes, on incite les élèves à jouer des sketches.
Nyonda Vincent de Paul, alors instituteur donne un cachet au genre, en faisant jouer dans des places publiques des sketches ayant pour thème les travers et les comportements sociaux (Le Saoulard 1960).
Depuis lors, l’exploitation de cette expression a pris de l’ampleur et s’est considérablement diversifiée. De la troupe de théâtre, on est passé depuis les années 1970 au one man show (c’est le cas de Dékombel) ou au duo (Défounzu et Dibakou) ; cette tendance semble être de plus en plus pratiquée et a le mérite de signaler des contours substantiels quant au fond et à la forme que l’on peut conférer au genre.
Les nouvelles tendances
La tradition comique est nettement marquée au Gabon par le comédien Dékombel (mort en avril 1986). Sur un thème précis généralement rattaché à l’actualité, le comédien brode une histoire avec l’intention manifeste de grossir les traits, de caricaturer, de persifler. Le ton est volontairement sarcastique et bouffon. La langue utilisée mêle petit nègre et expressions dialectales, et le comédien se positionne comme l’ingénu de l’histoire, le candide petit villageois analphabète qui feint de ne rien comprendre à la modernité.
Le rire est entretenu par ses différents effets contradictoires, mais surtout par l’usage burlesque d’un galimatias de la langue française et des langues nationales en usage au Gabon. Cette tendance Dékombel a été héritée par le duo Défundzu et Dibaku.
Avec « les années démocraties » et surtout avec la liberté d’expression que l’on connaît depuis les années 1990, on est passé du sketch au pastiche ou encore à l’imitation. Dans le genre, Serge Abessolo semble tirer son épingle du jeu et apporte une signature singulière. Le comique n’est plus basé sur « l’effet de la langue », mais à partir d’une histoire construite, bien menée, ayant un thème précis, le tout dit dans une langue française correcte.
Ce comique tranche avec l’école Dékombel. Il s’agit ici de susciter le rire à partir des jeux de mots, de l’usage des contresens, des calembours et parfois user de l’humour noir. Serge Abessolo innove au sens où il est est scénariste de ses propres textes et comédien. Il initie ainsi une école, et le public espère qu’il sera suivi.

///Article N° : 1817

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