Royal de Luxe, retour d’Afrique

De Dominique Deluze (France)

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D’octobre 97 à mars 98, le Royal de luxe se rend au Cameroun et revient avec deux créations. Un spectacle de rue monumental avec 55 musiciens du Burkina Faso et un  » petit géant  » noir de 6,5 mètres et un spectacle de marionnettes en matériaux de récupération : Petits contes nègres titres provisoires, créé à Nantes en juin 99, et repris en Avignon en juillet. Le film – chronique du voyage du Royal de Luxe dans une Afrique où, selon le dossier de presse,  » le théâtre, qu’il soit indigène ou d’importation, n’existe pas  » – souffre d’un dangereux postulat qui ne cesse de hanter les images.
Au lieu de rendre compte d’un voyage vers la terra incognita africaine, on semble réussir une fois encore à renverser les choses et à dénoncer l’ignorance chez celui qui accueille. Les images de Dominique Deluze ne donnent pas à voir une équipe partant à la rencontre d’un autre imaginaire, mais bel et bien des Européens partant conquérir l’imaginaire d’Africains qui ne connaissent pas le théâtre. Certes, leurs machines sont pacifiques, elles ne crachent pas du feu, et provoquent au contraire rires et bonne humeur, mais il s’agit bien de machines qui mystifient et fascinent et c’est précisément ce qu’a constamment cherché à filmer Dominique Deluze. Il y a peu d’images d’échange ou de rencontre, et on voit surtout les artistes de  » Royal  » venus faire leurs numéros au fin fond du Cameroun.
Et ce qui montre à l’évidence que seules les images des jeunes camerounais ahuris par la force spectaculaire du géant intéressait vraiment le réalisateur, c’est le plaisir qu’il prend à interviewer les spectateurs, un à un, dans un cadrage de  » photomaton  » et en ne retenant que les réponses naïves et maladroites qui nous font rire. La fascination exercée par la démesure du Royal de luxe n’est plus à démontrer. Du coup, ce qui aurait pu passer pour une apologie amoureuse et aveuglée du travail de la compagnie de Jean-Luc Courcoult laisse surtout respirer de vieux relents nauséabonds de colonialisme. Et ce  » petit géant  » noir de 6,5 mètres, manipulé par des Blancs, qui passent pour sorciers, devient l’ironique métaphore d’un rêve auquel n’a toujours pas renoncé l’Occident.
Pourtant le théâtre existe au Cameroun, tant sous les formes ancestrales héritées du  » mvett  » traditionnel que sous des formes modernes avec de jeunes compagnies et des écritures dramatiques contemporaines en plein renouvellement. Après Mbia Oyono, Jean Evina Mba, Were Were Liking ou Guy Menga, connus dans toute l’Afrique, voici la jeune génération : Protais Asseng, Pabé Mongo, Penda Patrice Ndedi, Mercédès Fouda, Kouam Tawa… mais encore fallait-il avoir les bonnes lunettes…

85 mn, 1999, Images : Jean-Marc Bouzou, Son : Dominique Malan, Montage : Marc Oriol, Coproduction : La sept Arte, K.Production, les Films à Lou.///Article N° : 1348

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