Scènes et détours zoologiques

Université d'été des Théâtres d'Outre-Mer en Avignon

SeFeA - Sorbonne Nouvelle
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L’Université d’été des Théâtres d’Outre-mer en Avignon (TOMA), organisé par le laboratoire SeFeA de l’Institut de recherche en études théâtrales, a réuni à la Chapelle du Verbe Incarné et sous le chapiteau du Off – un magnifique Magic Mirror – de nombreux chercheurs, comédiens et metteurs en scène, venus des quatre coins de la francophonie réfléchir aux détours zoologiques de la scène contemporaine. Il a été tour à tour question des poétiques animalières et des bestiaires qui traversent les écritures contemporaines, des exhibitions zoographiques qui hantent et questionnent encore aujourd’hui les arts du spectacle, de la Vénus Hottentote qui en est la figure emblématique. Deux belles journées de recherche clôturées par les Rencontres professionnelles du Master pro « Métiers de la production théâtrale » de Paris III, au cours desquelles des étudiants diplômés sont venus témoigner de leur devenir professionnel et échanger au sujet des métiers qu’ils exercent aujourd’hui.
Un compte rendu détaillé de ce colloque sera publié dans la revue Africultures.

Le 22 juillet – 1er volet : Les détours animaliers des écritures contemporaines
(sous la présidence de Sylvie Chalaye)
De Marie Ndiaye à Gaël Octavia en passant par Koffi Kwahulé, Kossi Efoui, Gerty Dambury, ou Dieudonné Niangouna, les théâtres d’Afrique et des diasporas sont bien souvent traversés par une poétique animalière, héritée de l’oralité dont le bestiaire nourrit l’imaginaire scénique, mais travaille aussi au plan dramaturgique, comme pour atteindre ce qu’on ne peut articuler.
La figure de l’oiseau chez Kossi Efoui : motifs, symboles et représentations d’une écriture volatile
L’écriture de Kossi Efoui procède par détours, dérobades, retours qui font avancer la fable dans une dynamique de circulation des mots, des thèmes et des procédés, rappelant les migrations des oiseaux, abolissant toutes notions de frontières et de cloisonnement physique et psychique. Mais l’oiseau est aussi présent comme signe matriciel et omniscient, créature archaïque traçant la voie de nos transmigrations. La figure de l’oiseau devient donc autant un motif d’écriture, une graphie en soi, qu’un médium pour penser notre façon d’être.
Congre et homard, mari et amant, virilité et rivalité : la mystérieuse énigme du Congre et du Homard de Gaël Octavia
À partir d’une situation pour le moins banale, empruntée au théâtre de boulevard (confrontation du mari et de l’amant), Gaël Octavia nous convie à résoudre l’énigme du congre et du homard, deux animaux marins liés par un étrange pacte. Ce détour animalier, rappel lointain des tim-tim/devinettes lancées par le conteur créole au public, permet à la jeune dramaturge guadeloupéenne d’explorer avec humour et subtilité les rapports de rivalité et de domination entre deux hommes, les relations sociales et conjugales antillaises, tout en pénétrant dans la psychologie masculine pour en dévoiler les secrets, les vérités cachées.
Les murs sont gris de Dieudonné Niangouna : variations sur le motif « des chiens dévoreurs de cadavres »
Les murs sont gris se construisent autour du thème des chiens nécrophages, développé à partir des écrits romanesques sur le génocide rwandais et désormais topique d’un imaginaire collectif sur la guerre. Nous verrons comment ce motif est déplacé au cœur du conflit dramatique où le corps devient support d’une anamnèse pour se faire constitutif d’une écriture de la violence renouvelée et comment l’écriture polémique, traversée par des effets de voix qui brouillent les catégories « homme/animal », ouvre à une réflexion sur l’altérité.
Témoignage d’une expérience dramaturgique : Atoufanm de Arthur Lerus
Roselaine Bicep, comédienne du Théâtre du Cyclone
Le 23 juillet – 2e volet : Exhibitions zoographiques et scènes contemporaines
(sous la présidence de Stéphanie Bérard)
Le détour animalier relève aussi dans les théâtres contemporains d’Afrique et des diasporas du dispositif qui convoque l’enclos zoographique des identités d’assignation, héritées du regard colonial. La Vénus Hottentote incarne avec force ce détour mémoriel nécessaire à la déconstruction des stéréotypes. Lolita Monga, Suzan Lori-Parks, Chantal Loial, Koffi Kwahulé… sont autant d’auteurs contemporains qui ont rendu hommage à son sacrifice symbolique.
Corps taillés sur mesure
De Suzan-Lori Parks à Koffi Kwahulé, certaines écritures dramatiques contemporaines développent une critique de la représentation et contribuent à déconstruire les mécanismes de la discrimination en exhibant le corps au sein même des mots et du langage. Chargé de surdéterminations, bestialisé, le corps est d’abord le signe d’une absence : celle de l’Autre.
Un cul en or : lorsque le costume de scène devient un corps
Parmi les sujets directement issus du fait colonialiste et révélateur d’un point de vue à un moment donné, certains choix de la société du spectacle font frémir : du cas des zoos humains – drame pluriel – à celui de Saartje Baartman – drame singulier. La multiplicité de sujets traitants le cas de la Vénus Noire depuis quelque temps est révélateur d’une prise de conscience qui témoigne d’une véritable « crise inflammatoire ». Mais le besoin de témoigner, de s’indigner et de dénoncer pour pouvoir passer à autre chose, masque un problème de taille. L’indignation traite le sujet dans l’émotion et détourne le sujet de son point principal : comment représenter aujourd’hui la jeune femme hottentote sans de nouveau retomber dans l’exhibition d’une personne, d’une femme, d’une comédienne ?
Nous aborderons spécifiquement la réflexion de l’équipe de C. Alves-Meira : afin de ne pas stigmatiser la féminité d’une comédienne et d’éradiquer définitivement le malaise créé par sa monstration, l’équipe a choisi, par l’intermédiaire de la création du costume de scène, de symboliser la présence de Saartje, personne devenue personnage.
Bintou, une sirène-oiseau malgré elle
Depuis les « zoos humains », les freaks show et les « villages nègres », le bestiaire revêt une fonction critique nouvelle. Ainsi, avec Bintou, Koffi Kwahulé rappelle par un habile renversement comment s’est forgé l’intolérance et plus précisément le racisme.
De l’enracinement dans l’animalité : le théâtre de José Pliya
Lors de sa recherche à travers les méandres de l’humanité, José Pliya signe un singulier détour vers une animalité subie ou plus exactement qui se réveille telle une défense, dès lors que les conditions d’existence frôlent l’inhumanité. Il est alors aisé d’imaginer une circularité dans la scénographie, qui mènerait tout droit l’interprète dramatique vers une certaine poétique animalière faisant appel aux sens – les cris, les odeurs, le toucher – qui deviennent l’expression de l’homme ainsi emprisonné dans sa propre abomination. Effectivement, l’homme ne tend pas vers l’animalité, il ne s’y métamorphose pas, il y vient pour peut-être sauver une part de son humanité ?
Des tables rondes se sont déroulées les après-midi sous le chapiteau du Off
Le 22 juillet, au cours de la table ronde animée par Axel Artheron, les artistes et auteurs présents ont témoigné de leur relation poétique avec le monde animal.
Avec Gaël Octavia (auteur), Gustave Akakpo (auteur), Dominik Bernard (comédien), Victor Guillemot (comédien), Nicolas Saelens (metteur en scène), Kossi Efoui (auteur).
Le 23 juillet, la table ronde animée par Sylvie Chalaye a permis aux décorateurs et metteur en scène de développer une réflexion sur « l’homme en animal sur scène ».
Avec Kristel Alvès Meira (metteur en scène de Vénus), Jina Djemba (comédienne), Sylvie Perault (ethnologue), Albertine Itela et Philippe Boulay (équipe de Louis de Funès/Novarina).
Les rencontres professionnelles du Master 2 pro « Métiers de la production théâtrale » de Paris III, animées par Quentin Carrissimo-Bertola, ont clôturé ces deux journées.

Avignon, les 22 et 23 juillet 2011///Article N° : 10342

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Les images de l'article
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Kossi Efoui
Sylvie Perault, Kristèle Alvès Meira, Sylvie Chalaye, Albertine Itéla, Philipp Boulay
Amélie Thérésine, Pénélope Dechaufour, Sylvie Chalaye, Stéphanie Bérard et Roselaine Bicep
Gaël Octavia, Axel Arthéron, Gustave Akakpo, Victor Guillemot
Sylvie Perault Kristèle Alvès Meira et Jina Djemba
Sylvie Perault, Stéphanie Bérard, Fanny Le Guen, Virginie Soubrier





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