Sia, le rêve du python

De Dani Kouyaté

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Après Keïta, l’héritage du griot, Dani Kouyaté revient avec une autre légende, parfaitement maîtrisée. Fable sur les luttes de pouvoir qui ensanglantent l’Afrique, cette adaptation de la pièce du Mauritanien Moussa Diagana, elle-même inspirée de la légende du Wagadu, est passionnante de bout en bout : un suspense bien entretenu, un travail remarquable sur les décors et les costumes, une musique servant la narration, une tension soutenue par un montage serré et nombre de rebondissements font de Sia un spectacle total. Seul bémol : une mécanique un peu trop bien huilée qui fait regretter la vie que dégageait les improvisations de Keïta.
« Ils en veulent à ma langue et c’est mon nez qu’ils cassent », s’écrie le fou Kerfa, excellemment servi par Hamadoun Kassogué. La place laissée à la folie dans le film n’est pas sans rappeler l’importance des personnages de fous dans la littérature africaine : le fou est à la fois sage et subversif. Il est la différence, le grain de sable dans la machine du pouvoir et des traditions. Il provoque et incite au changement. « N’est pas fou qui veut » dira-t-il au souverain lorsque celui-ci voudrait capter sa sagesse, au terme d’une confrontation qui restera un morceau d’anthologie.
C’est ce fou que sa folie protège qui remet tout en cause : le pouvoir dans le film, le pouvoir du mythe dans la compréhension du monde. Car Sia interroge aussi les épopées colportées par les griots, louanges de ces personnages épiques dont les dérives totalitaires et sanglantes sont souvent montées en épingles sous prétexte qu’ils caressent le poil nationaliste. Le dévoilement des instruments du pouvoir qu’il opère et la relativité qui en résulte marquent un rapport très moderne à la politique où l’enjeu devient non une radicale dignité de représentation mais sa propre dignité, sa propre folie de refuser de perpétuer le mensonge qui fonde l’exploitation.

2001, 96 min, 35 mm coul, bambara, prod. Sahélis, La Lanterne, avec Fatoumata Diawara (Sia), Sotigui Kouyaté (Wakhané), Habib Dembélé (le griot Balla), Hamadoun Kassogué (Kerfa), Ibrahim Baba Cissé (Mamadi), Kardigué Laïco Traoré (Kaya Maghan). Distr. Pierre Grise (01 45 44 20 45). Sortie le 8 juin 2002.///Article N° : 2292

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