Souleymane Koly avait rêvé un monde qui change par le théâtre, une société qui puisse dépasser ses contradictions et progresser. Après quarante ans de pratique artistique et d’engagement culturel, il s’était attelé depuis 2013 à la condition des femmes avec un spectacle crée en Guinée Paroles de femmes qu’il était venu présenter en Côte d’Ivoire à l’occasion du Masa 2014.
Souleymane Koly a tiré sa révérence sans attendre que le rideau se lève, sans nous laisser le temps de lui rendre l’hommage que tous préparaient en ces festivités des quarante ans de l’ensemble Kotèba qu’il avait créé en mai 1974 à Abidjan. Souleymane Koly nous a faussé compagnie sans crier gare, en homme discret comme à son habitude. Il avait été l’invité des rencontres scientifiques du Masa organisées par le laboratoire SefeA en mars dernier à Abidjan. Il était venu témoigner de son travail et de son engagement pour défendre les expressions artistiques au féminin, tandis que s’ouvraient les quarante ans de l’ensemble Kotéba d’Abidjan avec la reprise de plusieurs pièces et un projet d’anniversaire international réunissant la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire pour fêter ses quarante ans de création théâtrale. À côté de l’Ensemble Kotèba qu’il avait fondé dans les années 70 en Côte d’Ivoire, il avait aussi porté vingt ans plus tard deux compagnies féminines au succès retentissant. Ce fut d’abord en 1992, les Go, une formation musicale, puis en 1996 un groupe de danse contemporaine, le Jeune Ballet d’Afrique Noire qu’il accompagne et dont il produira plusieurs spectacles, avant qu’il explose au MASA 1998 et devienne le célèbre J-ban.
Souleymane Koly était un artiste directeur de troupe, un pédagogue aussi, mais surtout un intellectuel un homme avisé et son intérêt pour l’humain, son désir de faire évoluer son prochain, de l’accompagner dans le changement avait pris la forme du théâtre et des principes du Kotèba. Sociologue de formation, Souleymane Koly avait eu l’idée de génie d’adapter à la scène ce rituel mandingue proche du théâtre forum qui permet de dénoncer les travers de la société et peut aider à s’en défaire. L’approche esthétique de Souleymane Koly passait par le chant et la danse, il avait inventé une forme de comédie musicale vaudevillesque africaine qui séduisit les années 80 et fit les beaux soirs du festival des Francophonie en Limousin, où l’ensemble Kotèba fut régulièrement invité ; une forme extrêmement populaire et ludique dont l’enjeu était avant tout sociologique et ancré dans la culture musicale africaine. L’ensemble Kotèba a voyagé dans le monde entier, fut même l’invité du Festival d’Avignon « in » dans les années 90, tandis que les Go ont été des ambassadrices formidables du travail musical de la compagnie, trois jeunes chanteuses, Maaté Keita, Gnama Kanté et Hawa Sangoh, qui firent le tour du monde. Après avoir formé des dizaines de jeunes artistes et adapté à la scène toute sorte de situations dramatiques en travaillant aussi avec des dramaturges contemporains comme Koffi Kwahulé, Koly avait gardé une foi infaillible dans le théâtre qu’il voyait comme un outil de changement. La scène à ses yeux avait le pouvoir de faire évoluer le monde et de porter l’Afrique vers son avenir.
Souleymane Koly est parti, mais il nous a laissé son rêve. Ne le laissons pas périr, portons la création théâtrale au plus haut.
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