Fiche Spectacle
THéâTRE
The Island
Pays concerné : Afrique du Sud
Contributeur(s) : Athol Fugard, Aby Mbaye
Date : 01 Janvier 2003
Durée : 70

Français

Mise en scène / Production : Aby M’Baye
Comédiens : Renaud Bechet, Jacques de Candé, Manga Sadibou
Musiciens : Galley Amadou Diallo, Mohamadou Mbalo
Scénographie : Marguerite Rousseau
Costumes : Hanna Sjödin
Eclairage : Awa M’Baye
Photographie : Frédéric Furgolle, Awa M’Baye, Ibrahima Diallo
Graphisme : Héloïse Godinho, Awa M’Baye

L’histoire
John et Winston sont prisonniers politiques sur l’île de Robben Island. Winston est condamné à perpétuité et John à 10 ans de réclusion.
Lorsque la pièce commence, ils creusent des trous dans le sable, John à droite et Winston à gauche. Chacun son tour remplit une brouette et va la vider dans le trou que l’autre vient de creuser. Ils font ce travail pénible sans relâche, jusqu’à ce qu’un sifflet arrête leur supplice et les ramène vers leur cellule sous les coups de Hodoshe, le gardien, et les hurlements de chiens.
Puis c’est le retour à la  » maison  » dans la douleur et la rage d’abord, parce que Winston a reçu un coup dans l’œil et John saigne de l’oreille. Puis on revient doucement au quotidien, John cherche la lavette et Winston fume son mégot.
Dans six jours tous les prisonniers peuvent présenter quelque chose pour le concert de la prison. Dans la cellule voisine, ils répètent une danse zoulou, et de l’autre côté, c’est du chant. Dans cette cellule, c’est Antigone que l’on répète. Antigone le symbole de la résistance.
Mais Winston ne veut pas répéter. Et John lui veut avancer. C’est ainsi que commence The Island, qui nous raconte en même temps la condition des prisonniers politiques pendant l’apartheid et l’histoire d’Antigone.

The Island
The Island est une pièce née de l’emprisonnement de plusieurs membres de la compagnie à Robben Island, l’île où étaient détenus les prisonniers politiques comme Nelson Mandela, Sisulu, Mbeki, Indres Naidoo et bien d’autres encore.
Crééé dans la clandestinité (John Kani et Winston Ntshona étaient engagés comme jardiniers et non comme comédiens lors de la création) cette pièce a été présentée en 1975 au Royal Court Theatre, à Londres. Son immense succès lui a permis de tourner dans le monde entier. Elle a été représentée au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris en 1999 par ces mêmes comédiens. C’est lors de la découverte de cette pièce, qu’est née pour nous le désir de la monter afin de la faire connaître parce qu’elle pose l’acte théâtral comme acte de résistance.
The Island, Intention de mise en scène

Il y’a vingt six ans The Island dénonçait un régime enfermant tous les noirs dans un régime de ségrégation et de discrimination qui donnait aux blancs le droit de vie ou de mort sur eux. Mandela a été libéré, il est devenu président de l’Afrique du Sud. L’apartheid est terminé. Pourtant en découvrant cette pièce, j’ai ressenti le désir de la monter à mon tour non pas pour dénoncer puisque les choses ont changé mais pour faire découvrir une pièce qui nous interroge encore aujourd’hui, qui a la même valeur universelle et la même force que En attendant Godot ou Hamlet.
Ce projet est en passe de se concrétiser autour d’une équipe, autour d’un espace, autour de nous et de vous.
Notre travail se centrera d’abord autour du trio : trio de personnages (John, Winston, Hodoshe), trio d’espaces : l’espace de travail des prisonniers, l’espace de la cellule et l’espace théâtral, trio de jeux : le jeu mimé, le jeu réaliste et le jeu tragique. En effet le texte joue autour de ces différentes composantes, que l’on retrouve dans différents genres mais rarement réunis dans une même pièce.
Entendre et voir sont les deux sens prédominants de la pièce, pratiquement aucune allusion n’est faite aux autres sens. Nous essayerons de créer à travers le travail du rythme, des sons et de la lumière, un univers régit par l’enfermement.
Le sable, l’eau, le bois, la corde, la pierre sont des matières qui sont omniprésentes et qui seront utilisés pour construire un espace où faire du théâtre se fait avec les moyens du bord.
Nous placerons le comédien au centre de la création. Ce texte porte les marques d’une pratique antérieure à sa publication. Nous devons donc nous mettre à la place du comédien plutôt qu’à la place de l’auteur et utiliser nos corps, comme matière, comme instrument qui essayent de trouver la vie sur scène.

Pourquoi monter cette pièce aujourd’hui ?
The Island est une pièce où la gravité joue avec le burlesque, où la tragédie est dans la tragédie mais où, à la différence de la tragédie, il y a l’espoir. The Island a une portée universelle qui nous interroge sur notre passé, notre présent et notre futur. Dans un état qui s’établit clairement comme une dictature, il y a toujours quelqu’un pour censurer, interdire, réprimer. Et il y’a toujours quelqu’un qui décide, malgré les souffrances et l’enfermement, de ne pas se taire et de toujours se questionner…C’est en cela que cette pièce représente un espoir pour nous qui sommes englués dans une société où on se demande si la démocratie n’est pas en train de devenir une autre forme de dictature mais qui rend passif celle là. Pour nous, il est important de s’exprimer sur cette question, de réfléchir à la manière dont nous voulons construire notre avenir à travers une pièce qui nous demande de ne pas oublier …
A qui s’adresse The Island ? Cette pièce revêt un caractère universel parce qu’au delà de l’enfermement physique qu’elle décrit, elle nous interroge sur notre propre enfermement. Jeunes ou moins jeunes, comment garder aujourd’hui un espoir de vie, alors que tout est fermé devant nous… pas de boulot, pas de désirs, pas d’idées, pas de pensées, pas d’engagement… le Vide…Beaucoup n’ont pas besoin de prisons pour s’enfermer…S’enfermer dans un boulot, dans sa tête, dans sa solitude d’où l’idée de pouvoir jouer partout, dans un théâtre comme dans une prison, dans une maison de retraite comme dans une cité, dans la rue comme dans un bureau pour faire renaître une idée de spectateur-citoyen et non plus de spectateur-consommateur.
Comment monter cette pièce aujourd’hui alors qu’en apparence dans nos sociétés la liberté d’expression n’est pas en danger ? Monter une pièce où la liberté d’expression paraît presque un « devoir », n’est-ce pas dérisoire ? Alors que nous ne risquons rien, est-il nécessaire de « militer » pour ce droit, ce devoir de parole ? Celui-ci n’est il pas justement l’essence même de notre métier, encore plus aujourd’hui ?
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