Fiche Spectacle
THéâTRE
En allant à Saint Ives
Contributeur(s) : Yane Mareine, Béatrice Agenin

Français

« En allant à Saint-Ives » met en scène deux mères, chacune avec une douleur liée à son enfant. L’une est en deuil d’un fils, l’autre veut assassiner le sien, devenu tyran d’un petit pays africain. L’une est blanche et vit en Angleterre pour fuir la violence des grandes villes américaines, l’autre est noire et vient d’un pays encore meurtri par la colonisation. Deux cultures, deux sensibilités s’affrontent. Quand Mary vient en Angleterre pour une opération des yeux, elle rencontre Cora, l’ophtalmologue, et lui propose un étrange marché…
Blessing pose des questions sur le monde d’aujourd’hui. Si la femme a des droits nouveaux dans l’Histoire de l’humanité, celui d’avorter par exemple, elle reste celle dont la chair est accrochée à l’enfant.
Que ressent la mère d’un homme qui tue des milliers de gens ? Estelle fière d’avoir donné la vie ? Participe-t-elle au crime ? L’auteur aborde ce sujet grave avec une écriture simple qui touche au coeur.
Un thriller psychologique allié à l’intelligence du propos.



note d’intention
J’ai rencontré Lee Blessing en montant « Indépendance ». Lorsque nous nous sommes revus, Lee avait apporté avec lui un texte, une pièce en deux actes. A la lecture en anglais, il était évident que la pièce était forte, il y avait là des rôles intenses, de femmes mûres, dans un théâtre contemporain. Avec un premier rôle pour une actrice noire, un rôle sur la question fondamentale de la responsabilité des mères dans le don de la vie.
Dans « Indépendance » il y avait une mère en souffrance, au bord de la folie. Une mère qui n’acceptait pas que ses enfants grandissent.
Dans « En allant à Saint Ives », il y a deux mères. Une femme qui a perdu son enfant et pour qui la vie n’a plus de sens, et, une autre, qui veut tuer son fils, et pour qui tout perdra sens. Elles sont là, démunies, femmes porteuses d’un impossible projet de vie.
Il y a entre ces deux femmes un secret sourd qui ressemble à une forme de liberté, le droit de vie ou de mort sur sa propre descendance, au-delà de toute morale. Ce n’est pas une affaire de lois, ni d’hommes. C’est une affaire de femmes, au plus intime, au plus incompréhensible de la condition humaine, ne plus supporter d’être mère, ne plus supporter cette responsabilité animale qui est de donner la vie. Depuis que j’ai eu un enfant, je n’ai plus le droit de mourir. Je dois être là, pour lui, pour l’aider, pour le porter, l’assumer.
Pourtant, parfois, il serait si tentant de s’échapper, de tout arrêter. Ce que j’aime dans ces deux personnages, c’est que ce qui les lie n’est pas de l’amour, c’est une connaissance profonde du versant le plus vertigineux de la maternité C’est l’histoire des femmes depuis toujours.
« On ne naît pas mère, on le devient. » Devient-on assassin pour avoir été mère ? Je m’interroge sur la responsabilité que nous avons lorsque nous mettons au monde un enfant. Sera-t-il heureux ? Quelle confiance accorder à l’adulte qu’il deviendra ? L’amour est-il une garantie d’immunité contre le Mal ? L’amour triomphe t-il toujours du chaos ? A notre époque de technicité avancée, avons-nous réussi à faire quelques progrès sur la nature humaine ?
Béatrice Agenin
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