Sylla n’est plus

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Producteur, fondateur de Syllart Production, Ibrahima Sylla s’est éteint le 30 décembre dernier. Où l’on reparle d’un plus beaux patrimoines constitués de musique africaine…

Cinquante-sept ans et la mort en face. Sylla de Syllart Production a succombé aux affres de la maladie. La vieille faucheuse, lorsqu’elle reprend, vous rançonne jusqu’à la dernière goutte par habitude. Sans pitié, elle ne se pose jamais de question. Ni sur ce que les hommes laissent en partant, ni sur ce que perdent les vivants en saluant leurs morts. Si ce n’était pas le cas, elle le saurait que Sylla, Ibrahim de son prénom, était un être cher à beaucoup. Non pas parce qu’il avait bien vécu sa bonne auprès de proches et d’intimes, mais parce qu’il avait construit l’un des plus beaux patrimoines musicaux du Continent en ces trente dernières années.

Découvreur de talent, révélateur de génie, il est entré en musique à vingt-quatre ans, comme on entrerait en religion. Avec une foi inébranlable. Audace qui lui valut très vite une belle gifle du père, chef spirituel d’une confrérie soufi. « Il ne m’a plus parlé pendant trois ans, confiait-il à Libé. Je lui avais demandé de l’argent pour me lancer ». Formé à Paris en gestion et droit, connu dans les bwibwi spécialisés pour la vente de musiques afro-antillaise, il rentre à Dakar à la fin des années 1970, où il arrache ses premiers succès avec l’Orchestra Baobab, Youssou Ndour et l’Étoile de Dakar, aux côtés de Francis Senghor, un des fils de l’ancien président du Sénégal. À l’époque, ils enregistrent au Golden Baobab, rebaptisé Xippi depuis.

À Paris en 1981, il monte sa boîte, Syllart prod. avec laquelle il va signer plus d’un millier des galettes jusqu’à ce lundi fatidique du 30 décembre 2013. Ismael et son premier opus. Oumou Sangare et ses premières cassettes. Salif Keïta, Baaba Ma, Alpha Blondy, Coumba Gawlo, Sam Mangwana. Et aussi Africando, l’un de ses meilleurs coups, encore à l’affiche avec leur dernier album, Viva l’Afrique, sorti en novembre dernier.
Inhumé à Dakar, au cimetière musulman de Yoff, Ibrahima Sylla est né en 1956 de parents guinéens, mais il était sans doute le plus panafricain de tous les producteurs westaf. Humble et ouvert, il savait aussi prendre des risques. C’est ainsi qu’il a mis près de 200 000 euros, disait-il à Patrick Labesse dans une interview pour RFI sur l’album de Thione Seck, Orientissime, sorti dans la première décennie des années 2000. Un fait rare pour être signalé. Cinquante mille musiciens pour achever le projet et trente mille kilomètres de voyages passés entre Dakar, Paris, Le Caire et Madras, sous la responsabilité de François Bréant, celui-là même qui fut maître d’œuvre d’une autre réussite signée Sylla, le Soro de Salif Keïta. Un échec financier, qui, jamais, n’entama son respect pour la musique de cet artiste.

Africa, 50 Years of Music, 1960-2010 (Syllart Productions/ Discography).///Article N° : 11978

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