Tapis rouge, de Frédéric Baillif et Kantarama Gahigiri

Résister, c'est créer

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En sortie le 10 mai 2017 sur les écrans français, Tapis rouge est en fait un film tourné en 2013 qui a déjà un parcours, sélectionné par divers festivals et choisi pour une quinzaine d’avant-premières en mars 2017 dans le cadre de la tournée « cinéma équitable ». Cela n’enlève rien à son intérêt : des acteurs spontanés, et une problématique actuelle – la créativité comme résistance aux assignations sociales.

 « Résister c’est créer » : c’est le slogan du Indignez-vous ! de Stéphane Hessel (2010), en fait repris du titre d’un remarquable livre de Florence Aubenas et Miguel Benasayag (2008), qui le reprenaient eux-mêmes de Deleuze. Ce pourrait être le résumé, le « pitch » de ce film plus documentaire que fiction, mais quand même très fictionnalisé, né au quartier des Boveresses dans la banlieue de Lausanne (Suisse). Un beau jour, une bande de jeunes demande à Khaled Boudia, animateur au centre de loisirs, de les aider à réaliser un film. Khaled Boudiaf prend alors contact avec Frédéric Baillif, lui-même animateur mais aussi cinéaste avec huit documentaires à son actif, qui accepte l’idée et s’associera avec Kantarama Gahigiri, réalisatrice de télévision. En trois mois, dans le cadre de la campagne d’éducation de la ville de Lausanne « Moi & Les Autres », le centre de loisirs et la ville débloquent une partie des fonds pour tourner le film. Le film va naître de séances d’improvisations entre les jeunes du quartier et le seul comédien professionnel du film : Frédéric Landenberg.

Wayna Pitch

Si cette idée et les jeunes sont au centre du film, Tapis Rouge est surtout un hommage aux animateurs de quartier à travers le personnage de Fred, qui s’arrache les rares cheveux qui lui restent pour faire bouger les jeunes et les empêcher de se bloquer par leur perpétuels engrainages, et qui fait lui aussi des erreurs. Avec sa stagiaire, Melissa, ils organisent un voyage vers le festival de Cannes pour donner corps au projet de scénario des jeunes au titre fatidique : « Né pour mourir ».

Wayna Pitch

Tapis Rouge sera donc un road movie initiatique où chaque personnage se révèle peu à peu jusqu’à ce que la bande arrête les passants sur la Croisette pour essayer de trouver un producteur à qui « pitcher » le scénario qui tient en quatre pages. De fait, le court métrage verra le jour puisqu’il est projeté immédiatement après le film dans la même séance (ne partez pas au générique !). Etonnant produit multipliant les ralentis sur un imaginaire de western, il scelle le destin tragique d’un des personnages de Tapis Rouge qui ne comprend pas ce qu’il fait là. Déjà, dans Tapis Rouge, on voit un des jeunes hésiter à se jeter du toit d’un immeuble. Sans que la scène soit poursuivie durant le film, elle installe cette assignation des jeunes de banlieue qui savent trop bien à quel point leur avenir paraît bouché.

Il ne se passe pas grand-chose mais on s’attache à ces jeunes qui prennent peu à peu de l’épaisseur humaine au-delà de leur flux de paroles et qui apprennent à gérer leur collectif, si bien qu’une émotion perce, confortée en fin de film lorsqu’ils arpentent la Croisette. On se prend alors à penser que, tout compte fait, l’espoir reste permis.

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© Wayna Pitch
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