Tënk : le nécessaire envol d’un projet remarquable

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Rendez-vous annuel à la riche programmation (sur lequel nous reviendrons), les Etats généraux du documentaire de Lussas 2018 est aussi l’occasion de faire le point sur les avancées de Tënk ([1]), la plateforme sur abonnement du documentaire d’auteur.

En deux ans d’existence, Tënk a réussi son premier pari : 6500 abonnés. Cela permet de tourner, sachant qu’un bon tiers des sommes recueillies sont reversées en droits d’auteur, non au clic mais en forfait fixé par contrat. La progression est nette en un an : 4800 abonnés en août 2017, donc 1700 de plus en un an. Mais cela n’assure pas encore l’équilibre économique pour faire face aux dépenses de développement déjà engagées. Aujourd’hui, seulement 15 % des abonnés sont sans rapport avec le documentaire de création. C’est ce public qu’il faudrait davantage toucher pour élargir le cercle et pouvoir concrétiser l’implication du projet dans la production des films.

Des actions ciblées sont lancées à cet effet : une offre pour les étudiants à 4 €/mois (au lieu de 6 €), des accords avec des écoles et des médiathèques, la participation active au mois du documentaire, une semaine découverte, la possibilité d’offrir un film, un abonnement, une présence accrue sur les réseaux sociaux, et le blog qui d’article en article fait un travail de fond pour que les enjeux soient mieux compris.

Pierre Matheus, directeur général de Tënk, dans la salle d’étalonnage

Des salles sont réservées et prêtes à utilisation à l’Imaginaïre de Lussas, ce bâtiment moderne de 1500 m2 construit pour loger dans ce village d’un millier d’habitants un pôle de l’image documentaire regroupant Ardèche Images et la maison du doc, l’école du documentaire, Docmonde et Tënk. Sa construction est terminée et si une salle d’étalonnage est déjà équipée (cf. photo), la plupart sont encore vides, qui demanderaient les investissements nécessaires pour jouer leur rôle : montage, mixage, etc. Un studio d’enregistrement TV est même prévu pour des émissions critiques.

Il y a de l’utopie dans ce projet, alors que les temps sont au repli. C’est sa force. Alors qu’Universciné rame, pourtant créé en 2004, Tënk progresse et a rapidement trouvé son équilibre économique. Reste donc à investir les locaux de l’Imaginaïre, un bâtiment de 2,8 millions d’euros construit grâce à 80 % de subventions (le maximum légal pour les collectivités) et dont les loyers rembourseront les 20 % restants, empruntés à la communauté de communes. Donc une opération blanche. Douze structures se sont réunies au sein du « village documentaire ». Il est bâti sur des terrains de la commune, avec un bail emphytéotique (de longue durée). La commune de Lussas et quatre autres voisines s’y sont associées. Ardèche images occupe un gros morceau des locaux, avec plusieurs pôles d’activités : Toiles du Doc, les Etats Généraux du film documentaire, la Maison du doc, l’Ecole du documentaire, les masters, les résidences d’écriture, les formations à la production et bientôt des formations locales comme l’éducation à l’image.

Tënk doit donc atteindre 8500 abonnés pour être acteur de la filière et pleinement jouer son rôle, un objectif revu à la baisse puisqu’on évoquait 10 000 l’été dernier, lucidité oblige. Le département de l’Ardèche, conscient de mal le gérer, a confié son département d’aide à la production avec pour objectif le développement de films en lien avec l’Ardèche.

D’ores et déjà, des professionnels vont être recrutés pour réfléchir sur les films à soutenir, notamment au niveau du mixage et de l’étalonnage, et qui pourront intervenir sur les premières versions du montage. Donc des films tournés où manquent encore différentes phases de la postproduction.

Vingt programmateurs participent à la qualité de la plateforme qui frappe par la diversité et la pertinence de son offre. Depuis mars 2018, des escales (approches thématiques) visent à élargir le cercle : les années 68, la photo (en partenariat avec Arles), le mondial de foot. Sont encore prévues la danse (partenariat avec la Biennale de Lyon), la Syrie (partenariat avec Médiapart), la folie, la montagne…

Les sous-titres sont délicats à résoudre. Certains festivals les réalisent et un achat est possible. Les ayant-droits ne sont pas rémunérés au clic mais au forfait dès la signature du contrat et la mise en ligne du film. Le montant n’est pas très élevé mais n’est pas négligeable : un bon tiers du budget y est consacré, une volonté affirmée dès le départ, donc 130 000 € auxquels il faut ajouter les sociétés de droits d’auteur.

La SCIC Tënk a désormais 97 sociétaires (personnes physiques ou morales).Elle veut aussi faire des petits à l’international, avec des partenaires locaux : le Québec est prévu pour l’année 2019, le Maghreb et le monde arabe sont également envisagés. Des partenariats sont en vue avec des festivals, en Italie notamment. Lussas et son festival sont un label de qualité qui facilite les choses.

Et vous, vous êtes abonné(e) ? Non ? Mais qu’attendez-vous ? Tënk est devenu un outil indispensable, un plaisir au quotidien qu’il nous faut chérir et soutenir collectivement.

[1] Tënk (mot wolof qui signifie « énoncer une pensée de façon claire et concise »), c’est le documentaire de création sur abonnement : pour 6 €/mois, on accède en permanence à plus de 70 documentaires d’auteur, avec des nouveautés chaque semaine, chaque film étant disponible durant deux mois. Sélectionnée par une équipe de passionné(es), la programmation Tënk est de qualité. C’est la première plateforme de diffusion sVoD entièrement dédiée au documentaire d’auteur (cf. tenk.fr), accessible en France, Belgique, Luxembourg et Suisse.

 

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