Tunisiennes (Bent Familia)

De Nouri Bouzid

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Une image résume à elle seule l’ambiance suffocante, éprouvante, qui pèse sur les trois protagonistes du dernier Nouri Bouzid, un film presque insoutenablement émouvant. Amina, Aïda et Fetiha – trois amies, trois femmes ‘modernes’, passionnées, qui luttent, chacune à leur manière, pour préserver leur liberté d’esprit dans une société semblant, à travers le mariage, décidée à les étouffer à petit feu – quittent la ville pour fuir un bref moment le poids de leur quotidien. Ensemble, elles se retrouvent dans la coquille vide d’une épave à la fois symbolique et réelle échouée sur la plage. Les vagues bouillonnantes viennent se casser dans une petite ouverture avant de refluer vers la mer, comme les passions refoulées de ces femmes vivant  » au pays des hommes « , qui débordent par moment de façon violente ou confuse, avant d’être étouffées à nouveau, se perdant dans le fossé infranchissable qui semble séparer les hommes et les femmes.  » Libre ? dit Fetiha. A chaque fois que je veux respirer, je me dis que ce n’est pas le moment !  »
En soulevant un coin de voile de la société maghrébine, Nouri Bouzid dénude sans complaisance les relations tendues, à vif, terriblement sensibles, et dénonce le non-dit, l’hypocrisie, les abus perpétrés au sein du mariage, et la défaillance des familles qui, guettent la moindre déviation de leurs filles contraintes à  » se taire et à être patientes « .
A travers ces trois personnages superbement joués par Amel Hedhili, Nadia Kaci et Leila Nassim, Nouri Bouzid porte à l’écran des femmes qui, comme le dit l’une d’entre elles, choisissent la vie plutôt que le silence ou la mort que la société leur propose/impose, même si le prix à payer est terriblement lourd. Aïda, le personnage le plus chaleureux et généreux du film, dont la force de caractère soutient infailliblement ses ami(e)s, est effectivement inlassablement punie pour sa révolte…
Si d’un côté Bouzid, impitoyable, nous donne à peine une lueur d’espoir, il capte par contre avec une grande sensibilité l’intimité et la solidarité touchantes qui soudent ces femmes et leur permet de survivre, une intimité parfaitement évoquée dans de beaux plans serrés et le rythme contemplatif du film.

///Article N° : 2344

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