Un conflit au village

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Deux camps, ou deux clans, ou simplement deux familles de paysans, les Mvog Abbah et les Mvog Mezog se disputaient une minuscule portion de terrain ; un conflit qui durait depuis deux générations et qui avait déjà causé beaucoup de dégâts. La tombe d’un ancêtre des Mvog Mezog, qui avait toujours délimité les deux propriétés, aurait été avancée de quelques mètres une nuit, mordant sur un terrain qui ne leur appartenait pas ; et depuis, rien n’allait plus entre les deux familles. Et toutes les solutions envisagées jusqu’ici pour satisfaire les deux parties et apaiser les esprits se heurtaient sur le point qu’on ne pouvait déplacer délibérément une tombe, et qui plus est la tombe tutélaire d’un ancêtre, sans la profaner. C’était là un sacrilège insurmontable pour toute personne sensée et saine d’esprit. La tombe ne pouvait bouger. Restait la solution que les Mvog Mezog offrissent en contrepartie aux Mvog Abbah une portion de terrain équivalente ailleurs. Mais cette option rencontrait aussi une difficulté non moins insurmontable : d’abord c’était pour les Mvog Mezog admettre qu’ils avaient effectivement dérobé du terrain aux Mvog Abbah, mais surtout, et ça, c’était le plus grave, qu’ils avaient donc dû pour cela profaner eux-mêmes la tombe de leur ancêtre. C’était tout simplement inconcevable, inacceptable et injurieux. D’un autre côté, ce qui venait compliquer les choses, le fait de se voir offrir un bout de terrain ailleurs, aussi vaste eût-il pu être, ne pouvait absolument compenser pour les Mvog Abbah la malédiction de vivre sous la protection d’un ancêtre étranger, une malédiction dont les effets commençaient déjà à se faire sentir ; aussi les Mvog Mezog devaient retirer au plus tôt cette tombe de sorte qu’elle se retrouvât dans les limites de son emplacement initial et cessât d’occuper un terrain qui appartenait aux Mvog Abbah depuis des lustres. Les Mvog Mezog avaient commis une première faute, celle qui comptait vraiment, ils pouvaient bien en commettre une seconde sans qu’il leur en coûtât davantage. Évidemment les Mvog Mezog ne l’entendaient pas ainsi.
Chacun campa donc sur ses positions. L’on décida d’en rester là, tout en se promettant de se retrouver à une prochaine réunion dans les mois à venir pour de nouveaux pourparlers. Il fallait bien trouver une issue à ce conflit qui durait depuis trop longtemps et qui avait déjà causé suffisamment de drames. Le problème apparaissait cependant insoluble aux yeux de nombreux observateurs présents. À moins que…

Extrait de La Magie des lianes (à paraître)///Article N° : 10461

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