Une jeunesse urbaine en marge

Entretien d'Olivier Barlet avec Hubert Laba Ndao à propos de Dakar trottoirs

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Dakar trottoirs connaîtra-t-il une sortie dans les salles françaises ? Présenté dans de nombreux festivals, ce film manifeste d’une nouvelle génération vibre des contradictions d’une jeunesse urbaine dévorée par le désir de vivre (cf. [critique n°12422]).

Le film est-il sorti en Afrique ?
Oui, il est sorti au Sénégal, l’avant-première était le 13 décembre 2013 : comme il n’y a plus beaucoup de salles de cinéma à Dakar, on l’a montré au théâtre national Daniel Sorano. Ensuite le film est passé à plusieurs reprises au Centre Culturel Français, puis il fait le tour des continents : Canada, Etats-Unis, Berlin, Lausanne… Il a été bien sûr en Afrique où je maîtrise mieux la sortie : Maroc, Tchad, Burundi…
Quelle en est la réception ?
Le film a été bien perçu, bien reçu, mais il y a quand même eu des réactions mitigées. Il parle d’une histoire que beaucoup de Sénégalais ne retrouvent pas dans leur vécu au Sénégal, car il se déroule surtout la nuit, en plein centre-ville… Du coup, les gens sont étonnés…
Déclenche-t-il de l’agressivité ?
Non, pas d’agressivité manifeste, mais une réaction mitigée. Les gens trouvent ça trop glauque, trop noir, certains pensent que ce n’est pas dans la réalité sénégalaise de voir des jeunes entrer dans le milieu de la drogue, du sexe et des deals. Je comprends parfaitement ces réactions, car à Dakar on pense généralement que la jeunesse urbaine en marge de la société, vivant de la drogue et de la prostitution, n’existe qu’en banlieue, en périphérie. La journée, le centre-ville de Dakar concentre toutes les activités commerciales et administratives du pays, si bien que beaucoup de gens viennent de l’extérieur pour travailler dans la ville. Mais aux premières lueurs du soir, tout le monde rentre chez soi et cette partie du territoire est complètement livrée à elle-même puisque personne n’y habite. Il y a donc cette autre forme de vie qui se développe le soir et que les gens ne voient pas, c’est ça Dakar Trottoirs.
Le nouveau cinéma a déjà abordé cette vie nocture marginale, par exemple Mama Keïta dans L’Absence.
Absolument. Avant Mama Keïta, il y a eu Baks du regretté Momar Thiam, qui a d’ailleurs été le film qui avait fait le plus d’entrées au Sénégal à l’époque, et qui avait beaucoup fait réagir. Mon film se situe dans cette continuité. Le cinéma du Sénégal est généralement un cinéma très urbain, mais ce qui fait la particularité de Dakar Trottoirs, c’est cette atmosphère contradictoire de la ville, que l’on perçoit tout de suite. Pour moi, Dakar est une ville contrastée : on voit de vieux bâtiments collés à des bâtisses de luxe, une voiture de luxe côtoyer un vieux tacot, des gens bien habillés croiser ceux qui ne le sont pas… Le Plateau devient un lieu de croisement de toutes les toutes les formes de culture, de toutes les formes de sensibilité. Les jeunes qui débarquent de la banlieue ou des environs, complètement livrés à eux-mêmes, se battent pour leur survie dans ce territoire. A cela s’ajoute que Dakar est une ville entre ombre et lumière : c’est une ville très mal éclairée, on progresse dans un dédale de pénombre. Cet aspect m’intéressait et dans le film, j’ai beaucoup travaillé sur cette structure lumière/obscurité. Même au niveau des personnages, qui sont assez dynamiques et heureux en eux-mêmes, mais sombres parce qu’ils vivent en marge de la société et qu’ils sont prêts à tout pour survivre.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans le milieu marginal ?
Le projet m’a été proposé par Mokhtar Ba. J’étais stagiaire à la réalisation et ça ne s’appelait pas Dakar Trottoirs ; il était tiré d’une nouvelle de L’étoile qui brille de Pape Abdoulaye Tall, un ancien éducateur qui a longtemps travaillé avec les enfants en rupture sociale. Je suis issu d’un quartier populaire qui s’appelle  » le Grand Dakar », qui était réputé pour être très dangereux – les chauffeurs de taxi refusaient catégoriquement de s’y rendre à cause de l’insécurité totale qui y régnait. Mais il y avait des salles de cinéma où tout le monde se rencontrait, des gens de bonne famille, des dealers qui en profitaient pour écouler leurs produits illicites… Cette atmosphère m’a marqué et plus tard, j’ai retrouvé ce projet et j’ai dit à Mokhtar : « Ça c’est moi, c’est ma vie, j’ai côtoyé ces gens étant gamin, ces jeunes avec qui j’ai grandi, et qui actuellement ont quitté ce milieu. » C’est donc naturellement que j’ai intégré ce projet-là, car je me sentais investi d’un engagement pour témoigner de ce genre de situations, de cette jeunesse urbaine en marge de la société, qui veut réussir comme tout le monde, mais qui se trouve dans un milieu assez risqué. C’est aussi une histoire d’amour qui se passe dans ce milieu-là.
Ce n’était donc pas forcément une commande mais plutôt l’adaptation d’une histoire existante, avec la liberté d’intégrer les éléments que vous vouliez exprimer.
Oui, je me rappelle bien lorsque j’étais beaucoup plus jeune, je discutais avec ces jeunes complètement antisociaux qui avaient quitté leur famille et vivaient en bande, dirigés par un caïd qui décidait de tout. Ils me disaient qu’ils n’étaient pas heureux dans ce qu’ils faisaient, mais c’était pour eux une manière de s’en sortir, même si c’était une situation assez compromettante. D’où la question fondamentale de la prise en charge de cette jeunesse, car la population africaine est essentiellement composée de jeunes et cette jeunesse représente l’avenir de l’Afrique. Pour se développer, il faut également penser à ceux qui sont en marge et qui se battent aussi pour survivre. Je n’ai pas voulu enjoliver leurs actes ou les rendre plus misérables, je les ai traités comme des personnages qui évoluent, qui ne se préoccupent pas de leur sort, qui vivent comme tout un chacun. J’ai montré comment ces personnages réagissent aux différents événements de leur parcours. Et le Plateau de Dakar, qui est aussi un personnage principal du film. Je considère que parler de ce film et de ce thème, c’est quelque part pousser nos gouvernements à prendre conscience de la situation que vivent ces jeunes.
Au niveau du public, qu’est-ce que porte cette histoire ?
Je n’ai pas fait ce film pour créer une réaction particulière chez les spectateurs sénégalais et en général africains. Ce qui m’importe le plus, c’est d’amener le public sénégalais à se découvrir lui-même, à voir ses propres faiblesses dans le miroir. Ne pas voir que le mauvais chez l’autre et le bon chez nous… Il y a une situation qui se passe devant nous, que l’on ne veut pas voir, et à travers ce film j’ai travaillé sur la prise de conscience de cette situation. Parce qu’autrement, bien souvent, le Sénégalais qui rentre chez lui n’est pas au courant. Si ce n’est pas montré à la télé, il ne sait pas.
Les personnages sont emblématiques d’une vitalité qui leur permet d’avancer.
Absolument, ils développent de la vitalité, même si ce qu’ils font n’est pas honorable. C’est pourquoi je ne pousse pas les jeunes à s’identifier à ces personnages, c’est plutôt le contraire : quelles que soient nos motivations, nos ambitions, il faut rester dans la légalité. C’est pourquoi aussi le film est noir : il raconte l’histoire de personnages qui sont heureux, qui bougent, mais qui quelque part n’ont pas le droit de réussir, donc c’est une sorte de tragédie sociale. Tous les rêves sont permis, on peut tout se permettre, mais ça vire ensuite au cauchemar.
Cela me fait penser au cinéma bollywoodien où un personnage incarne toujours le hors-la-loi, qui fut longtemps incarné par Amitabh Bachchan. Le public va s’identifier à lui : il défie à tous niveaux l’ordre établi mais finit par mourir car la loi doit toujours gagner. Le public aime les personnages transgressifs…
C’est un peu ça. La moralité voudrait que cette jeunesse ne réussisse vraiment pas, pour ne pas montrer l’exemple à d’autres. Comme nous sommes dans une population composée essentiellement d’analphabètes, beaucoup de jeunes de banlieue se sont retrouvés dans le film, mais quand ils ont vu que ça ne se terminait pas comme ils le voulaient, ça a créé quelque chose.
Vous n’avez pas été tenté de faire une fin plus optimiste ?
Non car j’ai connu des gens qui n’ont pas eu la chance de sortir de ce milieu. Finalement ils deviennent victimes de la drogue et ont une existence courte. Mon film parle de cette réalité mais ce n’est pas l’exemple à suivre. Je veux amener les pouvoirs publics à s’intéresser davantage à cette jeunesse, à la prendre en compte.
Prendre en compte leurs problèmes ou chercher les moyens de les intégrer ?
Les politiques sont faibles. Des jeunes qui sont dans l’oisiveté totale ou la délinquance, c’est quelque part qu’ils sont délaissés. Une bonne politique africaine serait de réussir à intégrer ces jeunes en rupture sociale avec leur famille. Car une fois que le père ne peut plus prendre en charge les dépenses quotidiennes de la famille, ses enfants se retrouvent vite à la rue, exposés à toutes sortes de dangers. C’est ce qui crée cette délinquance et c’est un peu ça aussi Dakar Trottoirs.
Dans Viva Riva ! de Djo Munga, film congolais, le héros était un looser différent car il s’agissait d’un truand professionnel. Dans Dakar Trottoirs, le héros Siirrou est plutôt trivial : il veut juste survivre.
Oui, il a un rêve modeste de survie. Tout ce qui l’intéresse c’est de pouvoir entretenir la relation avec sa femme. Mais quelque part il est assez stable dans sa tête, malgré tout ce qu’il fait. Ce qui est encore plus intéressant, c’est cette femme, Salla, qui est au cœur de ce groupe et qui représente tout pour lui. Alors qu’elle a envie de quelque chose de beaucoup plus sain, de sortir de cette vie de rue, d’être comme toutes les autres femmes, d’avoir une vie de princesse… Un peu comme les femmes sénégalaises qui en veulent toujours plus…
N’est-ce pas une vision réductrice de la femme sénégalaise ?
Non, je ne crois pas. Il y a aussi cette responsabilité de la femme quand quelque chose ne marche pas dans le foyer. Quand l’homme ne trouve pas, la femme a plus de ressources pour trouver la solution au problème. Salla a porté Siirrou, l’a porté vers d’autres dimensions, mais il est tellement resté enfermé dans l’amour pour elle – qui est d’ailleurs un amour platonique, il n’a jamais couché avec elle, et très idéaliste -, et d’erreur en erreur, il perd sa Salla. C’est ce qui crée le bouleversement du groupe et qui va le mener vers le drame.
Comment un jeune peut-il s’identifier à un personnage principal dans sa descente aux enfers ? Comment repositive-t-il les choses ?
Le film s’adresse aux jeunes, afin qu’ils prennent conscience que l’on a beau être dans une situation difficile, la seule solution c’est de travailler, mais pas dans la délinquance. Car au départ l’argent est très facile à obtenir, mais à la fin, on se fait toujours rattraper par le passé. L’argent facile n’est pas forcément la clef de la réussite.
Vous laissez la fin ouverte…
Oui, il y a un coup de feu qui part, on ne sait pas qui est tué, donc cette fin est incertaine.
Pour conforter le fait que le film ne porte pas de jugement ?
Je n’ai pas voulu être dans le jugement de valeurs. Je considère que c’est un film vérité ; toute l’esthétique du film repose dans le réalisme. C’est une fiction à forte consonance documentaire car il rend compte de la réalité crue de Dakar. Je n’ai pas voulu m’ériger en donneur de leçons. J’ai posé le problème, à chacun d’en tirer la leçon.
Beaucoup de scènes de nuit : cela devait poser de gros problèmes d’éclairage, de décor, d’équipe technique ?
Oui, c’était assez difficile, surtout du fait que l’on était en pleine ville. Mais on a quand même pu tourner dans de bonnes conditions. Tout cela est tributaire d’une longue préparation qui a duré trois ans : personnages, décors, communication avec les populations chez qui on allait tourner… Ça a amoindri le problème. Niveau lumière, j’avais demandé à mon chef opérateur de retranscrire exactement les nuits dakaroises, mal éclairées. C’est pourquoi l’éclairage sur les personnages est très contrasté, entre ombre et lumière.
C’est un film très attendu, 10 ans d’attente…
Oui, 10 ans d’attente pour le traitement du scénario. Mais les choses se sont vraiment accélérées au festival de Cannes, quand j’y étais en 2011. On a eu la chance d’être financés par l’Union Européenne qui a mis environ 300 000 €, par le Fonds Sud qui a mis 100 000 €, la région Sud-Est avec 50 000€, Canal + également… Donc on a eu à grappiller de ci de là les financements, mais on n’a vraiment pas eu de problème pour cela car on avait l’équipe nécessaire et une longue préparation.
Combien de temps a duré le tournage ?
Six mois, dont l’essentiel était de nuit. C’était éprouvant. J’en profite pour remercier toute l’équipe technique sénégalaise qui s’est donnée à volonté, qui a cru en ce film ; merci aussi aux financeurs. Ce n’était pas évident pour moi de raconter une telle histoire qui doit se passer dans des milieux déstructurés où il y a d’autres règles, d’autres codes, d’autres comportements… Ce n’est pas évident de retranscrire exactement ce que vivent ces jeunes-là. Pour moi, ce serait dommageable de raconter une histoire en déphasage avec ce qui se passe en réalité sur les trottoirs de Dakar, et de se retrouver avec un film qui ne serait pas identifiable par ces jeunes. Ça aurait été pour moi le premier échec.
La musique joue un grand rôle dans le film.
Oui, c’est très important. J’ai travaillé avec Didier Awadi, le rappeur très connu en Afrique et dans le monde. Je l’ai connu dans mon premier film, Teuss Teuss. On a tout de suite accroché, on a un peu le même discours, c’est un ami qui s’intéresse beaucoup au cinéma. Pour lui c’est une forme de prolongement de ses messages, c’est pourquoi ça ne m’a pas étonné qu’il fasse une incursion dans le cinéma avec son documentaire Le Point de vue du lion. Comme sa musique est assez dynamique et assez parlante, j’ai remarqué qu’effectivement il pouvait faire la musique du film. A cela s’ajoute une autre forme de musique à base de djembé, l’Assiko, qui est assez populaire dans le Plateau. C’est une musique que les jeunes ont l’habitude de chanter et de danser lors des matchs de football. C’est une musique très parlante, très chaleureuse, qui pousse les joueurs à se surpasser. Et c’est ça aussi Dakar Trottoirs : malgré toutes les difficultés, on a toujours l’envie de vivre, de bouger, d’être avec les autres, d’aller de l’avant. C’est une musique assez intéressante et qui colle à l’histoire.
Est-ce pour les mêmes raisons que vous avez choisi une forme de polar thriller ?
Ce sont des formes qui m’intéressent beaucoup et je pense qu’à l’avenir vous allez beaucoup m’entendre sur ça. Je pense que ce sont des réminiscences qui m’ont accompagné pendant longtemps dans mon subconscient, des films que j’ai vus quand j’étais gamin, et dont je ne me rappelle plus car j’en ai vu énormément à cette époque-là.
En vidéo club ou en salle de cinéma ?
C’était en salle de cinéma. Mon quartier était entouré de quatre salles de cinéma, donc chaque jour on pouvait aller au cinéma.
Quelles salles ?
El Mansour, Al Akbar, Liberté… J’habitais dans les HLM donc j’étais plus proche du Magique. Les séances étaient à 18h30, mais je m’arrangeais pour y être à 17h et faire le tour des quatre cinémas pour choisir le film que j’irais voir. Chaque jour j’étais au cinéma.
Au niveau de Colobane, je fréquentais beaucoup la salle de cinéma Lux. Il y avait El Malick près du centre-ville, le Palace, Rex, Vox, ABC… Toutes ces salles étaient fréquentées et passaient beaucoup de films de série B américains, des westerns et des films hindous aussi. C’était l’époque où les jeunes se bagarraient pour avoir une place de cinéma, une époque vraiment glorieuse. Même si la salle était comble, il y avait toujours des personnes qui s’arrangeaient pour voir le film debout.
Vous aimiez les films hindous ?
Non, ça ne m’a pas accroché, ça pleurait trop, il y avait trop de mélo, ce n’était pas mon genre. Par contre, les chansons étaient bien. Mais disons que l’on n’avait pas trop d’autre choix.
Le casting de Dakar Trottoirs est international.
Absolument, c’est pour moi une forme d’ouverture. Je pense qu’on doit pouvoir composer avec toutes les compétences africaines, pas seulement celles de son propre pays. Il faut ouvrir le casting à d’autres personnes qui peuvent aussi s’intégrer. On ne voit pas que des Sénégalais sur les trottoirs de Dakar. Et le principal souci était de trouver des acteurs qui correspondent au rôle.
Cela ne provoque pas des reproches des acteurs sénégalais ?
Si, je me suis fait taper sur les doigts ! Mais je pense qu’il faut arriver à dépasser ces a priori. Quand on est cinéaste, ce n’est pas que pour son propre pays, c’est aussi pour l’Afrique, pour le monde… Donc je me vois mal en tant que réalisateur, pour mes futurs projets, travailler uniquement avec des acteurs locaux ; je veux ouvrir autant que possible mes films sur divers horizons.
Lors de la conférence de presse à Dakar, le producteur Mokhtar Ba a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une production sud-sud, donc un côté-là aussi panafricain.
Oui, exactement, on a voulu que l’Afrique s’y retrouve. Que l’on sache que c’est une production locale, même si les financements viennent de l’extérieur. Tout s’est fait ici, on a eu très peu de techniciens français à part le chef opérateur, son assistant et la scripte. Il y a aussi eu une connexion avec le Maroc pour la postproduction… C’est une manière de faire bouger les choses en Afrique, de valoriser nos compétences, de ne pas compter que sur les compétences européennes ou américaines mais au contraire, autant que faire se peut, d’utiliser les compétences africaines. En Afrique, il faut que l’on prenne notre destin en main. Je pense que cette coopération sud-sud est intéressante ; si tout le monde cherche des financements à l’extérieur mais qu’entre nous on ne cherche pas à développer des choses à l’intérieur, on échoue. D’où le combat que l’on doit mener entre pays africains pour sortir l’Afrique tout entière de ses marasmes.

Interview réalisé au festival des films d’Afrique en pays d’Apt en novembre 2014.
Transcription Tobie Tourre et Olivier Barlet///Article N° : 13094

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Hubert Laba Ndao © Véro Martin





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