Édito : Violences policières : arts et médias témoignent

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« Dans ce sombre récit dont personne se méfiera Il s’agira de sang sur les murs au crépuscule d’une bavure Je murmurais la haine enclavée dans les ZUP en région parisienne L’amour comme rempart à la dérive »
L’ombre sur la mesure, La Rumeur

En juillet 2016, Adama Traoré succombe après son interpellation par des gendarmes. De manière inédite, la question des violences policières et leur impunité se retrouve au centre de l’agenda médiatique. Entre 2005 et 2015, les opérations de police ou de gendarmerie ont provoqué « un décès par mois », selon l’ACAT1, et « les minorités visibles constituent les catégories surreprésentées parmi les victimes de violences policières ». Votre magazine met en lumière des artistes et journalistes qui contribuent à faire émerger cette question politique sur le devant de la scène. Et ce, par une réfl exion sur le long terme et non pas un traitement du fait divers isolé qui contribue à invisibiliser les problématiques de fond. Déjà, lors de la Marche pour l’égalité de 1983, on pouvait entendre dans les rangs « Rengainez on arrive, la chasse est fermée ! »2. Dénonçant les crimes racistes ou sécuritaires, perpétrés notamment par des représentants de l’Etat. En 2013, nous y revenions dans un numéro spécial du magazine Afriscope. Nous avions aussi rencontré ses héritiers, comme l’association Urgence notre police assassine. Cette fois, nous sommes allés à la rencontre du collectif ŒIL, membre de la rédaction Fumigène 3. Avec leurs appareils photos, ces photojournalistes documentent les luttes sociales actuelles. Ils montrent comment la problématique des violences policières se pose sur plusieurs fronts : dans l’affaire Adama Traoré, mais aussi à Calais ou à Paris contre les réfugiés ou pendant les manifestations anti-Loi Travail. Le collectif Cases Rebelles publie, quant à lui, un recueil en dessins et textes : 100 portraits contre l’État policier. Cent personnes qui sont décédées lors d’arrestations, de courses poursuites, de mobilisations sociales entre 1948 et 2016. Tandis que Rachida Brahim termine une thèse, intitulée « La race tue deux fois ». Elle étudie la dénonciation et le traitement des crimes racistes commis à l’encontre de Maghrébins depuis 1971, incluant ceux perpétrés par des agents assermentés de l’État. Ces travaux, alliés à des œuvres de fi ctions, permettent de questionner une réalité et de lui opposer une demande de justice. Pour briser le silence. Et pour empêcher que ne se creusent des fossés sur fond de discriminations sociale, raciale, économique. Car le sentiment d’injustice nourrit le rejet vis-à-vis d’élites politiques jugées partiales, de médias complaisants qualifi és « de préfecture », de gardiens de la paix devenus des « forces de l’ordre »4 dans un contexte d’État d’urgence infi ni. Sentiment explosif à l’aune d’une année présidentielle, où tout est possible. « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » disait Camus. Nous essayons dans ce numéro de mettre en avant des mots, des réfl exions, des images, des « rempart[s]à la dérive ».

1. RAPPORT « L’ORDRE ET LA FORCE. ENQUÊTE SUR L’USAGE DE LA FORCE PAR LES REPRÉSENTANTS DE LA LOI EN FRANCE ». ACAT (ACTION DES CHRÉTIENS POUR L’ABOLITION DE LA TORTURE), MARS 2016.
2. LIRE À CE SUJET RENGAINEZ, ON ARRIVE ! CHRONIQUES DES LUTTES CONTRE LES CRIMES RACISTES OU SÉCURITAIRES, CONTRE LA HAGRA POLICIÈRE ET JUDICIAIRE DES ANNÉES 1970 À NOS JOURS, ÉDITIONS LIBERTALIA, 2012.
3. À LIRE LE N°4 DE FUMIGÈNE SUR LES VIOLENCES POLICIÈRES. À LIRE AUSSI LE N°2 DU MAGAZINE NEGUS, « SILENCE ON TUE LES NOIRS ».
4. EXTRAIT DE L’ENTRETIEN AVEC BÉNÉDICTE DESFORGES DANS « HANDS UP, DON’T SHOOT ». Fumigène, n°4
///Article N° : 13924

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Un commentaire

  1. Super j’adore et c’est très intéressent inspirant a la fois , ce partage entre les mots et le coeur et l’esprit du monde . Merci

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