Le film s’ouvre sur un carton signé du philosophe Michel Serre : « Pendant les incendies de forêt, le feu et ses flammes, le crime des pyromanes, l’héroïsme des pompiers
nous fascinent. Qui parle des planteurs d’arbres ? » C’est bien de feu que parle Allez Yallah !, celui qui dévore ces femmes marocaines qui chantent : « Si jamais ce feu te brûle comme il m’a brûlé, mets ta main dans ma main, femme d’avenir ! » Et c’est bien elles qui plantent des arbres d’avenir en se mobilisant pour les droits des femmes, avec une caravane qui parcourt les douars du Maroc et les cités de banlieue en France : sous les tentes tamazightes, elles disent leurs droits et dansent leur force.
Film engagé qui laisse une grande place à la parole, Allez Yallah ! n’est jamais rasoir ou sentencieux : sa poésie est à la dimension de ces femmes dont le chant récurrent rythme le film : « Lève-toi et admire les bourgeons des amandiers éclore de tous côtés ». Car face à l’intégrisme, elles font des petits dans la conscience d’êtres libres. Là où la caravane passe, des peintures murales apparaissent, le quartier est nettoyé, les habitants sensibilisés pour envoyer leurs filles à l’école, à l’égalité hommes-femmes, etc. Yallah ! signifie « En avant », à la rencontre des gens ! Elles puisent leur énergie dans la chaleur du groupe et la pertinence de leur combat.
Si le film émeut, ce n’est pas seulement par ses témoignages accablants, comme celui de cette femme qui fut mariée de force à 14 ans puis battue par son mari, mais aussi par la solidarité qui unit ces femmes. Elle la fondent sur la connaissance de leurs droits : les avancées au Maroc avec le nouveau code de la famille, la lutte contre le code rétrograde de 1984 encore en vigueur en Algérie. Leur ennemi est le machisme, l’intégrisme qui les enferme dans des rôles traditionnels.
Pourtant, des femmes en apparence modernes revendiquent l’aliénation, comme cette jeune maghrébine habillée serré étalant ses cheveux longs dont le discours sur le voile et la soumission au mari est en parfaite contradiction avec sa décontraction corporelle. Elle se raccroche à une appartenance identitaire et religieuse car rien d’autre ne la structure dans une société qui la rejette.
C’est donc bien d’une inversion de vision qu’elle et ses consoeurs ont besoin et c’est ce qu’offre ce film, sans pancarte mais en simple témoignage du combat des femmes et des débats qu’elles provoquent. « C’est la responsabilité des hommes d’images de restituer une image positive alors qu’on ne parle que des incendiaires », indiquait Jean-Pierre Thorn dans un débat lors de la présentation de son film à la sélection ACID du festival de Cannes. « Il faut parler des forces démocratiques qui construisent de la vie et de l’espoir. » C’est exactement ce que fait son film, avec simplicité, sincérité et pertinence.
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