Un programme original, véritable éloge de la création transculturelle.
Quelle est l’origine du programme Africa Exchange ?
En 1994, la Fondation Ford a mené une étude sur la présence artistique d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine aux Etats-Unis. L’objectif était de mettre en place des programmes favorisant les échanges interculturels et, à travers le dialogue artistique, contribuer à améliorer la compréhension mutuelle des peuples. En 1995, cette fondation a chargé le centre « 651 Arts » du développement d’un programme d’échanges culturels avec l’Afrique. Africa Exchange a débuté avec la constitution d’un réseau américain de responsables culturels impliqués dans le spectacle vivant africain contemporain. Aujourd’hui, l’apport financier de la fondation a pris fin – cela était prévu dès le départ. Nous poursuivons le programme, mais en limitant le nombre de projets.
Quel est l’objectif précis de ce programme ?
Il s’agit de favoriser les rencontres entre créateurs africains et américains, de générer des collaborations entre eux et de contribuer à l’émergence de nouvelles formes d’expression artistique puisant force et originalité dans leur dimension interculturelle. Concrètement, nous donnons la possibilité à des artistes africains de venir aux Etats-Unis à l’occasion de résidences d’artiste, accueillies à chaque fois par un centre culturel différent. En organisant des rencontres hors scène entre artistes, universitaires et aussi responsables culturels, notre désir est de contribuer à des échanges culturels plus étendus qu’à l’occasion d’un spectacle ponctuel.
Comment se déroulent les rencontres ?
En trois phases. Dans un premier temps, l’artiste africain – ou la troupe – se rend aux Etats-Unis pour une résidence d’artiste, d’une durée de quelques jours à trois semaines, occasion de multiples rencontres. Dans un second temps, l’artiste africain développe une phase expérimentale avec un confrère américain remarqué lors de la résidence. Cette interaction débouche ou non sur la troisième phase, la création d’une uvre commune. L’expérience peut tout à fait se limiter aux deux premières étapes. Nous faisons en sorte d’intervenir le moins possible, de laisser les choses survenir naturellement. Il n’y a aucune obligation de création. A nos yeux, l’essentiel est que des artistes de cultures différentes se rencontrent, prennent le temps d’échanger et de s’enrichir mutuellement.
Comment s’effectue la sélection des artistes africains ?
Nous fonctionnons avec un vaste comité composé d’artistes, d’universitaires et de responsables culturels d’Afrique et d’Amérique. Afin de ne pas nous retrouver submergés d’offres, nous avons tendance à privilégier les artistes africains connus directement par des personnes de ce réseau. Nous effectuons également parfois un repérage en assistant à des festivals en Afrique. Je me suis moi-même rendue deux fois au MASA, où j’ai pu observer la formidable vitalité de la création contemporaine africaine.
De quelle image jouit le spectacle vivant africain aux Etats-Unis ?
Ici, lorsqu’on évoque la création africaine, les gens pensent malheureusement à la tradition et au folklore, beaucoup plus qu’à la création moderne. Avec Africa Exchange, qui valorise avant tout la création contemporaine africaine, nous avons souhaité élargir non seulement la vision du public mais également celle des responsables culturels.
Existe-t-il une spécificité du public new-yorkais ?
Il se distingue par son ouverture d’esprit, pas seulement dans le domaine des arts africains d’ailleurs. De ce fait, imposer des artistes africains sur la scène new-yorkaise représente un moindre challenge. C’est pour cela que nous cherchons à faire porter nos efforts sur des régions plus repliées sur elles-mêmes, comme le Texas.
Vous allez bientôt publier un guide (1) sur les échanges culturels Afrique/Etats-Unis. A qui va-t-il s’adresser ?
Il constituera avant tout une ressource pour les promoteurs et tourneurs américains impliqués dans le spectacle vivant africain. Il servira aussi aux artistes africains désireux de venir aux Etats-Unis, qu’il éclairera sur le fonctionnement du système américain. Il leur permettra d’arriver plus « avertis ». Une partie du guide sera consacrée aux difficultés propres aux échanges interculturels, notre objectif étant de contribuer à améliorer la communication et la compréhension mutuelle entre Africains et Américains. Le guide offrira également des informations pratiques concernant la question des visas, assurances, droit d’auteur
1. africultures.com annoncera la sortie de la traduction en français de ce guide (gratuit), paru en anglais sous le titre « African Artists in the United States: A Handbook for Presenting and Exchange. »Impliquée trois ans durant dans le programme Africa Exchange, Krista Fabian vient de rejoindre le John F. Kennedy Center for the Performing Arts (Washington DC).///Article N° : 106