Black Diamond, l’or des fous

De Pascale Lamche

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C’est une histoire d’araignée. Plus sa toile est grande, plus elle coincera ces insectes que sont les jeunes qui ne rêvent que de déployer leurs ailes. Rares sont les talents qui peuvent accéder à la gloire et la richesse des grands joueurs de foot. Mais aux différents niveaux de la filière, il y a un paquet de fric à faire pour les intermédiaires.
C’est ce système devenu planétaire mais qui concerne surtout l’Afrique qu’explore et dénonce Pascale Lamché de fort subtile façon. Le ciment de ce système d’exploitation, c’est la fascination pour le foot. C’est un peu comme le cinéma : il y a de l’argent là-dedans, une idée qu’événements et médias entretiennent à grand renfort de paillettes et d’interviews. Pour des familles pauvres, un jeune passionné est une manne en puissance. Encore faut-il lui donner sa chance, et pour cela investir : écoles spécialisées ou revendeurs passeurs vers des clubs européens.
Pascale Lamché met toute son énergie à prévenir les jeunes et leurs familles. Mais face à la fascination et l’espoir de gagner à la loterie, les arguments rationnels n’ont pas de prise. L’enquête minutieuse qu’elle entreprend s’appuie, soulignons-le, sur des journalistes africains. Elle la mène jusqu’à Doha où l’on investit gros après avoir parcouru l’Afrique, et elle montre bien les intérêts en jeu et les arnaques à l’œuvre. Ce sont 700 000 jeunes dans une quinzaine de pays que l’on teste pour dégotter les perles rares, ces diamants noirs qui feront couler les millions ! Tout cela est parfaitement illégal et très bien organisé. On fait miroiter la richesse, on triche sur les âges, on berne les parents, on abandonne sur la route… L’enquête est édifiante. C’est sordide, pire c’est criminel et meurtrier. Aspire (incroyable nom de société au double-sens !) sélectionne des enfants partout en Afrique avec un slogan répété à l’envi : « le rêve qui sera réalisé ».
Comment être entendue ? En mobilisant les moyens du cinéma. Plutôt que de se cantonner à une enquête imparable, le film joue la poésie, c’est-à-dire la distanciation. Un vieux chef raconte un conte, celui de l’araignée Ananse et de ses escroqueries. Une grosse araignée noire s’introduit dans les images, s’accroche aux filets de foot, menace les joueurs. Des histoires en animations rappellent la force d’attraction du foot et les enjeux politiques et financiers à l’œuvre. Des orpailleurs risquent leur vie… Cette dernière image est la plus parlante : l’or des fous, prêts à tout pour échapper à la misère. Cette chasse aux talents est une traite négrière d’un nouveau type, à l’ère industrielle et de la communication. Les jeunes y sont des marchandises dont on se rend propriétaire, que l’araignée prend dans sa toile car ils rêvent d’accéder à l’eldorado des riches.
Il ne reste plus qu’à souhaiter que le plus grand nombre puisse voir ce film, qui par sa clarté autant que son inventivité sert admirablement son propos.

///Article N° : 9677

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