Cannes 2001 ou l’Afrique des ténèbres

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Le Festival de Cannes 2001 semble rimer avec mondialisation de la culture. Autrement dit avec 7e art et domination économique. À l’autre pôle, forcement, la réalité de l’exclusion. Ainsi, une sélection quasi nulle de films en provenance d’Afrique subsaharienne. Il est vrai que Cannes se déroule en parallèle avec la IIIème conférence mondiale sur les pays les moins avancés (PMA) à Bruxelles. Il est vrai que l’Afrique qui compte 33 PMA sur les 49 appartient forcément à une géographie du chaos plus qu’à la sphère des arts, en particulier du cinéma qui est à la fois l’expression d’un art stellaire et d’essor économique.
Bien sûr dans la sélection : « Un certain regard », on retiendra le film  » Hijack Stories » d’Oliver Schmitz. C’est là une exception qui permet de découvrir l’oeuvre d’un cinéaste blanc sud-africain dont le sujet (humain) se concentre sur la communauté noire dominante sud-africaine. Il y a aussi « ABC Africa » d’Abbas Kiarostami. Une exploration par le cinéaste iranien d’une Afrique des exclus parmi les exclus, autrement dit une Afrique vue à travers l’Ouganda de la condition supposée ténébreuse des femmes et des enfants du continent des nègres. À souligner que sans remettre en question la liberté de l’indépendance de l’auteur, son oeuvre de par son financement (des organismes internationaux tel que l’UNICEF) relève dans le rapport aux sujets filmés d’une démarche quasi ethnographique. Soyons gentils de ne pas dire voyeuriste ou encore oeuvre de témoignage. Enfin citons « Bintou » de la réalisatrice burkinabé Fanta Nacro. Un court métrage de la série Mama-Africa en sélection à la « quinzaine des réalisateurs ». Disons qu’il s’agit là d’un confetti filmique qui se rapporte au sérail du cinéma africain sensé incarner par le Burkina-Faso. Paradoxalement, le film est assorti d’une carte d’identité Zimbabwéenne. C’est peut-être là, d’un exotisme plus lointain que les anciennes colonies de l’empire Français d’Afrique.
Voilà en tout et pour tout, la présence directe ou périphérique du cinéma d’Afrique subsaharienne à Cannes cette année. C’est à croire que Monsieur Gilles Jacob et les mandataires chargés, tout au long de l’année de parcourir le monde pour établir la sélection du plus grand forum mondial du 7e art, connaissent peu les chemins qui mènent vers l’Afrique. Il est vrai que le continent, encore de nos jours, demeure davantage un décor de cinéma, qu’une source de productivité et création cinématographiques.
Il serait cependant imbécile de rendre les maîtres de la cérémonie du Festival de Cannes seuls responsables de cette absence du cinéma africain. Il est incontestable que la production continentale, et le nombre de films réalisés chaque année est des plus réduits et sans jeu de mot, des plus courts. Mais cette réalité semble hélas considérée par les sélectionneurs de Cannes pire qu’un handicap, mais tel un cimetière cinématographique.
Dans un contexte récent où l’on faisait feu de tout bois de l’exception culturelle, l’Afrique (notamment le fameux pré-carré francophone) avait alors été hissé à la tribune des droits à tous les expressions culturelles dans leur diversités et leur richesse et identité. À Cannes, le modèle américain demeure cependant plus que jamais l’opus de la réalité de ce forum du 7e art, c’est aussi le ferment du festival autour duquel tout le reste s’aligne tandis que l’inexistant résidu de cette merveilleuse foire aux films est symbole d’une Afrique qui n’a jamais autant rimé avec le titre du roman « Au coeur des ténèbres « de Joseph Conrad, oeuvre travestie sous le nom « d’Apocalypse now » par le géant Américain Francis Ford Coppola.

///Article N° : 2372

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