Dans le cadre du focus sur le Burkina Faso opéré cette année par le festival Vues d’Afrique, Gaston Kaboré a été appelé à donner « un atelier de maître », selon l’expression québecoise, à l’Office national du film. Le présentateur est Christian Medawar, producteur à l’ONF.
Christian Medawar :
Un atelier de maître est pour apprendre à connaître le maître mais aussi apprendre du maître. Wend Kuuni, troisième long métrage du Burkina Faso, permettra au cinéma burkinabè de prendre son envol. Gaston Kaboré a été une voix dominante en multipliant les activités, dans tous les domaines du cinéma avec sa société Cinécom mais aussi comme enseignant, président de la Fepaci, voyageur infatigable, travaillant sans relâche pour créer des stages de formation dans le domaine du cinéma. Le centre Imagine poursuit cette activité. L’ONF a eu l’occasion d’y animer un stage de développement documentaire et direction photo. Imagine s’avère être la poursuite et la concrétisation de toutes les passions de Gaston.
Extrait de Wend Kuuni (1982)
Gaston Kaboré :
C’est toujours un exercice assez périlleux de parler ainsi de ses films et de sa carrière mais c’est aussi une façon de faire le point. Je vois cela comme une rencontre autour de ce que j’ai tenté de faire dans ma petite carrière de cinéaste. Le cinéma est venu d’un cheminement un peu imprévisible. En 1969-70, je faisais mes études à Bobo Dioulasso où je suis né un certain 23 avril 1951, ce qui me donne 53 ans au jour d’aujourd’hui (applaudissements), et ce n’est qu’après que j’ai été à Ouaga et ai pu rencontrer les cinéastes au Fespaco. J’adorais le cinéma et allait voir aussi les westerns et les films d’espionnage qui étaient à la mode dans les années 70. Ce n’est pourtant que par le biais de mes études d’Histoire que j’ai eu envie de faire du cinéma : il me semblait important aussi de raconter des histoires pour réhabiliter l’Afrique, lui redonner sa conscience d’être et son propre regard.
Me voilà donc dans une école de cinéma pour apprendre le langage des images comme outil de vulgarisation. Ce n’est donc pas une vocation d’adolescent mais le résultat d’une prise de conscience du fait que tout était raconté et pensé du point de vue du regard et de la culture des autres. C’était donc dans le désir que l’Afrique se voie avec ses propres yeux.
Mon désir était d’adapter le conte, forme la plus populaire du récit, au cinéma. Donc en partant de l’imaginaire spécifique où j’ai baigné. Wend Kuuni est ainsi ma première tentative de raconter une histoire qui parle des miens : je voulais le situer dans l’intemporalité du conte pour échapper à la prison du temps. J’y suis allé avec le maximum de simplicité, presque de la naïveté : je voulais que ce soit très épuré.
Ch. M. : Ce regard n’a rien de complaisant : il montre de façon sobre la culture mais la montre dans sa diversité.
G.K. : Nous sommes assujettis au regard de l’Occident et cela nous empêche d’éclore. Je me suis aperçu que des Historiens et non des moindres niaient une Histoire à l’Afrique avant la période coloniale. L’Histoire européenne a été essentiellement écrite au Moyen Age par les moines. Nier à la tradition orale sa capacité de véhiculer l’Histoire et la mémoire me paraissait incensé : cela a été un déclic. Nous existions avant que d’autres nous découvrent. On a fêté le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique alors qu’il y avait des populations autochtones qui avaient leur culture et leur civilisation. Il s’agissait donc de reprendre possession de nous-mêmes par le cinéma. Les cours du professeur Ki-Zerbo ont été une formidable introduction, sur laquelle je fonde ma démarche. Nous avons été abrutis par des images venant d’ailleurs : nos films, quelque soit leur modestie, constituent des petits fragments de reconquête de nous-mêmes et de la mémoire. Tous mes films portent ainsi sur l’identité, avec l’adage qui dit qu’une image vaut mille mots.
Ch. M. : Quel parti-pris cinématographique as-tu pris avec Wend Kuuni et quel impact cela a-t-il eu ?
G.K : C’était mon premier film. Je n’ai pas essayé d’imiter un quelconque chef d’uvre. J’avais vu essentiellement de mauvais films que je n’avais pas envie d’imiter. Ce fut une expérience de liberté et de courage pour raconter cette histoire très simple qui tient avec je ne sais quoi. Cela m’a rassuré dans le fait qu’on pouvait parler de chez soi et parler ainsi au reste du monde. Mon parti-pris était d’épurer au maximum : que derrière une grande simplicité demeure une profondeur. Je ne suis qu’un conteur : je ne suis pas propriétaire des personnages impliqués dans l’histoire que je raconte. Quand j’ai décidé que ce garçon serait muet une grande partie, il me fallait baser les choses sur l’image, sur les situations, sur le paysage qui joue un grand rôle dans le film. Mes cousins du village qui venaient durant les vacances me racontaient leurs récits de bergers et cela m’a nourrit : j’étais jaloux de cette connaissance que j’aurais voulu acquérir. Ouagadougou était à l’époque une petite ville. Ils connaissaient le nom des oiseaux, des serpents, le climat : ils avaient la science de la vie. Ils étaient mes professeurs et j’ai compris avec le temps qu’ils m’avaient réellement formé. Ils racontaient autour de la lampe tempête le soir des histoires que je buvais véritablement. Je suis donc allé dans ce film avec l’envie de raconter aux gens de chez moi une histoire qui leur soit familière. Les spectateurs l’ont perçu comme un conte qui leur appartenait déjà et cela m’a fait immensément plaisir.
Extrait de Buud yam (1997).
Buud yam est devenu de façon inattendue la suite de Wend Kuuni. Une fois, j’essayai de rentrer dans la salle où était projeté Wend Kuuni sans succès et, bloqué par un portier, j’échappe à la présentation du film au début et je me mêle aux spectateurs dont l’un disait à l’autre qu’il y aurait une deuxième partie où les enfants se marient. Le film appartient aux spectateurs. Je n’ai pas respecté le diktat de ce spectateur mais ai fini par répondre à la demande à titre d’exercice. L’histoire de cette quête du personnage a commencé à germer dans ma tête. Ce qui m’a pris le plus de temps était ce travail d’épuration pour lui donner une apparence, une texture et un contenu qui soit le plus proche du récit du conte. Ce qui me fascine le plus est de pouvoir proposer une histoire faite des choses de la vie, avec une personne qui essaye de répondre aux questions auxquelles nous sommes soumises dans notre vie, sans que ce soit particulièrement un héros. On est à la recherche de soi-même pour se comprendre mais aussi pour comprendre l’aventure humaine de façon plus générique.
Ch. M. : pourquoi cette histoire très particulière quinze ans plus tard ?
G.K. : Il fallait moi-même savoir quelle était l’histoire de mes personnages : il y avait une remise en contact à faire. Je partais à zéro en essayant d’imaginer ce que la vie pouvait être dans l’intervalle. C’est exactement le même garçon qui a joué les deux personnages à quinze ans d’intervalle. C’est parce que je savais que je pouvais réutiliser les enfants que je pouvais être fidèle à l’histoire comme au public. Pognéré tombe malade car elle est très sensible et est sujette à des rêves prémonitoires : elle voit son frère adoptif partir pour un voyage interminable. Elle meurt indéfiniment et il est envoyé à la recherche d’un guérisseur légendaire. Le retrouver relève du pari : sa mission est ainsi de partir à cheval pour sauver sa sur adoptive. Il s’extrait donc de ce village qui a été son salut mais est aussi devenu un microcosme étouffant. Sa mère adoptive ne fait plus que des mauvaises couches : il est indexé comme ayant le mauvais il. Ce voyage est pour lui aussi une façon de pouvoir s’éloigner définitivement du village. Il voyage à l’intérieur de sa propre histoire : j’ai pu utiliser des extraits de Wend Kuuni comme des fragments de sa mémoire. Il croise un vagabond qui se révèle être un prince en rupture de ban avec son père et il comprend que sa frustration envers son père absent est à revoir. Il comprend les contradictions de la vie : on a les problèmes du matin, du milieu du jour et de la nuit. Il comprendra qu’on peut être malheureux de ne pas avoir hérité des siens mais qu’on est responsable de laisser un héritage. Le titre du film signifie le désir d’appartenance : buudu signifie semence, ancêtre, descendance ; yam signifie l’esprit mais aussi la conscience d’être : comment on se définit dans la société et qui on sait qu’on est. On est donc dans la même quête d’identité et de mémoire que dans Wend Kuuni.
Ch. M. : Comment Buud yam a-t-il été reçu en Afrique ?
G.K. : Cette histoire leur appartenait déjà. C’était une nouvelle nuit de conte. Comme j’ai laissé la fin ouverte, tous sont persuadés qu’il y aura une troisième nuit de conte. Une spectatrice me disait qu’elle avait l’impression qu’on avait ciré les images. Les entrées au Burkina se sont chiffrées à 637 000, ce qui est le chiffre des exploitants et donc le chiffre minimum puisqu’ils se basent dessus pour calculer ce qu’ils me versent ! Cela donne donc 1,5 million de spectateurs au Burkina et ensuite le travail fait par les pirates vidéo puisque le film est passé sur Canal Horizons. Nous avons montré le film dans le village où il a été essentiellement tourné. Une femme expliquait aux autres avec anticipation ce qui allait se passer dans le film aux autres femmes : c’est un cadeau quand le spectateur entre dans votre film et se l’approprie.
Extrait de Zan Boko (1988).
G.K. : J’étais en 1979 avec Inoussa Ousseini qui me demandait de trouver un lieu pour héberger le CIDC (centre interafricain de distribution cinématographique). Nous visitons un appartement d’où je vois en contrebas une maison paysanne, comme dans le film. Je ne savais pas que cette cohabitation était à ce point poussée. J’enseignais aussi à l’INAFEC, avec un cours d’initiation à l’écriture du scénario où je leur disais que les histoires naissent de la vie. C’est donc l’histoire de la disparition d’un terroir villageois. Dans le monde paysan, on appartient plus à la terre que la terre nous appartient. Le titre signifie : « le lieu dans lequel on a enterré le placenta » – c’est le lieu de la terre nourricière et des ancêtres. Le paysan est en train de perdre ce lien identitaire avec la terre. C’est aussi un film sur la liberté d’expression, puisqu’un journaliste est sensible à cette problématique mais sera saqué pour cela. Je me demande comment entrer dans une modernité sans perdre le fond de soi.
Ch. M. : le film n’est-il pas plus politique dans son propos mais aussi dans sa forme ?
G.K. : C’est le même acteur qui joue le paysan dans Zan Boko et le père adoptif dans Wend Kuuni, en fait un professeur d’histoire naturelle ! De même, Sanou Kolo, qui présente aujourd’hui Tasuma, a joué dans le film et était assistant. J’ai adopté le même procédé de tournage. Documentaire oui, car je voulais filmer les derniers signes de vie d’un terroir villageois. C’est le problème d’aborder la modernité : la moindre poignée de mains engage les gens et on perd cette communication. Ici, on ne se salue même pas dans l’ascenseur : ce n’est pas comme ça que notre destin d’homme pourra s’épanouir. C’est une opposition entre une culture de l’être et une culture de l’avoir. J’ai essayé de raconter l’histoire de gens qui ont besoin de courage pour rester eux-mêmes. L’enfant riche n’accepte pas le cadeau de l’enfant pauvre car il ne peut l’acheter. J’ai voulu montrer des notes sur la confrontation entre deux mondes. Ce n’est pas un réquisitoire contre l’urbanisation mais une réflexion sur la société que nous bâtissons dans la modernité.
Ch. M. : La ville apparaît de plus en plus proche dans la façon dont le film est tourné au fur et à mesure du film.
G.K. : Nous sommes tous issus de la terre à quelques générations près, mais on peut s’en éloigner très vite. Que laisse-t-on derrière soi ? Il faut voir si ce qu’on perd n’est pas l’essentiel. Il nous faut préserver notre part d’humanité.
Ch. M. : Lumière et Compagnie et Le Joueur de kora.
La coproduction avec le Canada a été essentielle pour ce travail d’animation. J’aime aussi entrer dans les rêves d’autres personnes. J’ai coréalisé des films documentaires et de fiction avec mes anciens assistants : ce travail d’équipe est toujours enrichissant, pour moi aussi ! J’adore enseigner car c’est là qu’on apprend le plus car il faut se remettre en question et comprendre le pourquoi de ce qu’on fait pour pouvoir le transmettre. Le plus grand malheur qui peut arriver à un cinéaste est de faire un film qui ne lui ressemble pas, mais cela n’empêche pas de se couler dans le projet d’autres personnes.
J’ai toujours essayé d’utiliser les techniciens de chez moi car tous les métiers contribuent à créer la patte d’une cinématographie nationale : ce ne sont pas des presse-boutons mais des gens qui une sensibilité à transmettre.
Extrait de Le Joueur de kora.
Il a été fait par Cilia Sawadogo dans le cadre de la série « droit au cur » de l’ONF, sur le droit d’aimer et de vivre des enfants. L’histoire raconte la discrimination d’un enfant de griot qui ne peut aller avec une fille qui ne l’est pas. Le grand-père comprend qu’il faut ouvrir la tradition aux besoins de son temps. La fille se met à chanter comme si elle était griotte à la fin du film.
Ch. M. : quel est le but du centre Imagine ?
G.K. : Imagine est venu comme un aboutissement logique même s’il n’était pas prévisible au départ de ma préoccupation dans le domaine de la formation. J’ai été directeur du cinéma national pendant douze ans au Burkina, et pendant douze ans aussi secrétaire général de la fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI), qui s’était créé dans le souci d’une participation du cinéma à la prise en mains de l’Afrique par les Africains. Mon souci était de voir comment former des gens au cinéma et à la télévision. L’INAFEC a existé à Ouaga au sein de l’université et a formé nombre de cinéastes burkinabé comme Idrissa Ouedraogo, Fanta Regina Nacro, Dani Kouyaté
J’ai toujours été baigné dans cette préoccupation et comme enseignant, j’ai constaté que nous n’avions que des réponses fragmentaires aux questions de formation. Dans la majorité des pays, il faut envoyer les gens en Europe pour les former. Les ateliers sont trop sporadiques. J’ai ainsi voulu créer un lieu permanent doté d’un concept assurant la cohérence des ateliers. En mars 2001, j’ai tracé les fondations sur une parcelle que je possédais à Ouagadougou : je n’ai pas commencé par des dossiers à présenter aux institutions mais par du concret. Je ne recherche que les partenaires pour payer les formations. Nous avons déjà tenu huit ateliers avec des collaborations diverses, notamment les ateliers Padeava avec Vues d’Afrique et ceux de l’ONF sur le documentaire et sur la photo. Autres ateliers : montage numérique, analyse de scénario, fabrication de la bande sonore etc. un niveau est aussi de former à la formation des professionnels aguerris pour qu’ils continuent dans leur pays.
Au-delà de ça, je voudrais qu’Imagine soit le centre d’une réflexion sur le production d’images en Afrique, sur le mode de narration, qu’on puisse en parler sous une forme théorique sous la forme d’un partage de préoccupations. Le cinéma et la télévision ont besoin de passerelles avec les autres formes d’expression artistique.
Question sur la vidéo
G.K. : J’ai fait quatre films de fiction en 35 sauf pour Rabi en super 16 : j’ai donc toujours travaillé en celluloïd. Il est plus facile de travailler avec les laboratoires parisiens que Rabat ou Tunis. Sembène ou Duparc travaillent avec les Marocains sur leurs derniers films. L’aide de la France a été fondamentale pour les cinémas africains. Il y a des labos en Afrique du Sud avec des tarifs très intéressants : cela va se diversifier.
Mais pour la vidéo, je suis encore très attaché au support film, surtout pour une question de profondeur de champ. Les pratiques avancent mais il faut des salles pour voir les films, donc une adaptation générale.
Olivier Barlet : j’ai un fils qui est grand maintenant mais que j’avais bien sûr une grande envie d’amener au cinéma. Le premier film que nous avons vu ensemble était Wend Kuuni. Sans pouvoir lire les sous-titres, il a parfaitement compris le film et l’a beaucoup apprécié. Ensuite, nous sommes allés voir La Belle au bois dormant de Walt Disney et il a une peur bleue du passage du bois et des mains tendues. Du coup, il n’a plus voulu aller au cinéma jusqu’à ce que je le traîne à dix ans pour voir Retour vers le futur pour l’accrocher de nouveau !
C’était donc un rythme que pouvait apprécier un enfant de trois ans et pour moi une expérience extraordinaire. Plus tard, j’ai interviewé Ferid Boughedir en lui demandant la raison de son intérêt en tant que critique de cinéma tunisien avant d’être cinéaste pour les cinémas d’Afrique noire : il me répondit que Wend Kuuni avait été fondamental par la grâce qu’il y découvrait dans ces moments où le cut qu’on apprendrait dans une école de cinéma n’est pas respecté, ce qui donne au film un rythme tout particulier. Ce cut déplacé est-il du domaine de l’intuition ou pensé et théorisé ?
G. K. : C’est par intuition. Je n’étais pas vierge de modèles mais j’ai essayé de faire quelque chose d’atypique. J’ai tourné en 33 jours. La seule fois où on a utilisé un groupe électrogène, c’était pour la scène de nuit. Sinon, c’était des réflecteurs : on était peu expérimentés. C’était un film fait en famille, avec un esprit spécial : je n’avais pas d’enjeu, rien à prouver, je voulais raconter une histoire avec mes moyens et les repères de ma propre culture. Malgré le fait que j’ai un problème de vue, tous les caméramans ont toujours aimé que je mette un il à la caméra : j’ai essayé d’amener un sens des volumes et du décor. Si c’était pour être hérétique, ce n’était pas théorisé. J’ai entièrement découpé le film sur papier : j’avais pris un congé d’un mois de mon boulot de fonctionnaire pour le découpage technique qui faisait plus de 200 pages. Mon film est presque fidèle au découpage technique. Il n’y a pas énormément de plans dans Wend Kuuni : je voulais que quelque chose aille à la rencontre du spectateur : il y a de l’espace pour chacun.
Question : dynamisme Burkina et synergie panafricaine.
G.K. : On s’enorgueillit un peu du dynamisme du cinéma au Burkina mais il faudrait faire plus encore ! On a pas encore pas fait suffisamment. Le Burkina doit relever des paris : pour connaître une accélération, il faudrait des moyens. Il faudrait un nouveau saut dans la production d’images au Burkina. C’est un pays où le public est là : on lui a offert le Fespaco et il se l’est approprié. Imagine va compléter le paysage de l’audiovisuel au Burkina, en synergie avec le Fespaco et la cinémathèque africaine.
Nombre de techniciens burkinabè vont tourner dans d’autres pays africains : une certaine tradition de collaboration est en place. Mon matériel d’éclairage est allé en Côte d’Ivoire, au Niger, au Mali etc. L’expérience panafricaine existe, n’est pas encore un phénomène continental mais se développe. Ce sont de petits signaux qui restent des exemples emblématiques car on ne tourne pas beaucoup de films. Il faudrait une augmentation de la production.
Question sur la direction d’acteurs.
G.K. : Quand je cherchais les acteurs pour Wend Kuuni, j’ai lancé à la radio l’information que je cherchais des acteurs pour mon film. J’ai plus sélectionné des acteurs qui faisaient du théâtre radiophonique que des acteurs du théâtre sur les planches : ils n’étaient pas déformés par un jeu mécanique et très démonstratif. Je les fait répéter beaucoup : les fait parler. Je leur dis que le dialogue est une musique : si ça ne vient pas de vos tripes, cela va s’entendre. Quand je tourne beaucoup de prises, c’est surtout à cause du dialogue. Les acteurs deviennent complices et c’est un vrai travail collectif. La mise en scène de mes films est assez dépouillée par choix. Ils comprennent cela assez facilement. Dans Zan Boko, où des acteurs parlent français, j’avais une volonté caricaturale d’une monde factice où les responsables parlent tous de la même façon. Quand ils jouent en français, ils sont mal à l’aise : le comportement intérieur n’est pas en adéquation avec ce qui sort de la bouche, il faudrait davantage de formation et d’expérience pour que ce puisse être le cas. On travaille beaucoup et ils comprennent pourquoi.
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