Nous ne pouvons passer sous silence ce documentaire vu l’importance de son sujet. Il est certes d’une facture télévisuelle classique devenue de plus en plus obligée dès qu’on parle d’actualité géopolitique : fragmentation des interviews en phrases isolées qui viennent s’encastrer dans des images d’illustration accompagnées d’un commentaire permanent et d’une musique dramatisante. C’est lourdingue et cette démonstration ne laisse aucune liberté de réflexion au spectateur. Le danger est bien sûr que cela peut masquer des discours idéologiques ou des réalités (et donc prête le flanc au rejet pour « manipulation »). Mais dans le cas du Darfour, une telle enquête minutieuse n’est pas sans intérêt : qui peut prétendre maîtriser la compréhension de ce conflit dramatique ?
Voici donc une proposition d’analyse à prendre comme telle mais qui a l’avantage d’être factuelle et bien fouillée, résultat de l’association d’un réalisateur de télévision, Vincent de Cointet, et d’un journaliste à Libération, Christophe Ayad, spécialiste du monde arabe et de l’Afrique, qui fut longtemps correspondant de ce journal au Caire. Le moins que l’on puisse dire est que ce film restaure une clarté dans cet embrouillamini politico-dramatique et permet d’aborder l’actualité d’un regard neuf.
Partant des racines du conflit et de la transformation d’un conflit entre fermiers et nomades en une opposition raciste entre Noirs et Arabes, le film montre combien en 2003-2004, les massacres se sont déroulés à huis clos. Sont mises en avant les erreurs de jugement de la diplomatie occidentale, qui pensait que le problème se résoudrait si l’accord de paix entre la rébellion du Sud-Soudan et le gouvernement de Khartoum était respecté. L’espoir des années 2004-2006 de faire évoluer les choses et que la communauté internationale se mobilise sera déçu. Les milices assassines Janjaouites sont incorporées dans l’armée et continuent leurs massacres. La Chine refuse toute sanction pour préserver ses intérêts pétrolifères, mais elle finira par persuader Karthoum d’accepter une force de l’ONU chargée de restaurer la paix. Nouvel espoir ou illusion ? Le film se garde bien de prévoir l’avenir, mais il nous a aidés à comprendre le présent.
Le film est diffusé sur Arte le 4 décembre 2007 au sein d’un Thema « Darfour, la fin de l’enfer ? » comportant également un documentaire de Jean-Philippe Lacaille sur les réfugiés « Les déplacés du Darfour » ainsi qu’un débat avec Bernard-Henri Lévy, Rony Brauman et Torben Brylle, représentant spécial de l’Union européenne pour le Soudan.///Article N° : 7144