Le Festival international » exit « , organisé du 18 au 28 Mars à la Maison des Arts de Créteil, a permis une fois encore de découvrir une palette esthétique de danses et de créations percutantes. Parmi elles, la pièce » Empreintes on posera les mots après » de la compagnie congolaise Baninga (1).
Le titre en soi pose clairement l’état d’esprit du chorégraphe Delavallet Bidiefono : déterminé et pragmatique qui s’affirme résolument ici en homme d’actions, » on posera les mots après ! « .
Né à Pointe Noire (Congo), au début des années 80, il est aujourd’hui l’une des figures montantes de la danse contemporaine Africaine. C’est en 2005 qu’il crée la Cie Baninga pour laquelle il signe sa première pièce » Liberté d’expression « , en juillet de la même année suivie par » Pollution » (octobre 2006) et » Nidjila na nidjila- d’une route à l’autre » (septembre 2007).Lors d’un stage au CDC (Centre de formation pour la danse) de la Termitière à Ouagadougou, il rencontre le chorégraphe Salia Sanou qui collabora à ces deux dernières pièces et dont on peut reconnaître quelque fois la » touche « .
Delavallet Bidiefono fait partie de ces artistes résistants et visionnaires qui, l’esprit vif et combatif, s’attellent à abattre les murs de silence qui sclérosent l’art et les consciences dans son pays. Alors il se bat, danse, manifeste et avance. Convaincu, il poursuit sa route artistique féline, endiablée et minutieusement cadencée.
Accompagné sur scène de quatre fervents acolytes (Dimitri Babakila, Malone Bayimissa, Ella Ganga et le musicien Morgan Banguissa), il s’aventure et danse à la recherche de traces précieuses
Serait-il un peu question d’identité ? Quoi qu’il en soit, c’est un chemin scénique non pas parsemé d’embûches mais de sept mystiques piliers de bambou qui orchestre ce saisissant voyage chorégraphique
Sur les traces des anciens ? Sur les traces d’un nouveau chemin
? Le contexte quasi subliminal en tout cas, happe poétiquement le spectateur vers des temps inconnus.
Empreintes s’inscrit dans un Brazzaville nocturne et tumultueux. La dynamique des mouvements, la véracité des mimiques et le strident de certaines onomatopées aux accents hip-hop témoignent de l’urgence sociale à laquelle la jeunesse congolaise est confrontée. Car ici tous les éléments scéniques dialoguent entre eux. Regards, gestes, voix, instruments (batterie, basse), décors (chaise, piliers), s’ajustent et se répondent dans une alchimie presque mathématique. Les danseurs font preuve d’une extraordinaire écoute non seulement entre eux mais également vis-à-vis du musicien qui n’hésite pas à orienter leurs mouvements par un travail vocal et instrumental finement mené.
La danse est alors épurée tout en gardant une fulgurante spontanéité. On y retrouve tous les fondements de la danse contemporaine : répétitions et insistances des gestes, onomatopées, chuchotements, chutes soudaines mais jamais l’abstraction ne s’avère gratuite.
Le travail chorégraphique maintient un ensemble cohérent singulièrement fluide et très ancré dans le sol laissant d’ailleurs jaillir de beaux moments de danse notamment lorsque les piliers en bambou se font partenaires des danseurs ! Saluons tout particulièrement l’interprétation d’Ella Ganga, seule femme venant tempérer la masculinité de cette belle tribu artistique. Incontestablement, ces 55 minutes de représentation auront tenu en haleine un public conquis.
Car la fusion esthétique que propose cette pièce contemporaine laisse découvrir une danse africaine d’une prometteuse théâtralité.
1. Les 22 et 23 Mars au Festival international Exit, Maison des Arts de Créteil
www.maccreteil.com/index.php?rubrique=exitSite de la Compagnie Baninga : www.baninga.org////Article N° : 9397