Dans la pièce chorégraphique et sonore, Evidence of things not seen, Stéphanie Kayal dresse le récit troublant d’une famille hantée par la douleur d’un membre disparu. Dans un salon recomposé, orné d’une tapisserie au sol, la chorégraphe, accompagnée, sur la scène de la cinquième édition du festival Carthage Dance, du musicien Abed Kobeissy, nous transporte dans un espace mental intérieur où son et mouvement se mêlent intensément pour faire surgir les traces du passé. Reportage.
Evidence of things not seen se déploie dans une installation intime. Un canapé drapé d’un tissu bleu, une table sur laquelle est déposé un ordinateur, une loop machine, un oud et un grand tapis au sol, cadrent l’espace. Deux interprètes occupent la scène, conversant ensemble de façon inaudible, en même temps qu’ils écoutent de la musique. Passant de Michael Jackson à des chansons traditionnelles, le spectateur se retrouve face à une scène qui lui parait familière, celle du foyer. Les gestes routiniers sont ponctués de pauses des interprètes semblables à celles que nous pouvons voir dans les portraits de famille.
Très vite, ces mouvements du quotidien basculent vers la danse, isolation, lenteur ou micro accélération de certaines parties du corps, comme la bouche et les mains, viennent exprimer un mal-être, accentué par la musique électronique d’Abed Kobeissy qui nous immerge dans un espace émotionnel intérieur plus sombre.
L’écriture chorégraphique de Stéphanie Kayal réunit des techniques de danses traditionnelles et contemporaines, cheminant entre arrêts sur image pour les pauses photographiques, ralenti et mise en mouvement accélérés.
Par les moyens du son façonné en direct sur la loop machine, les interprètes traversent différents états physiques et émotionnels. Passant des tonalités graves aux aigus, le spectateur passe de sensations de joie, de douceur du quotidien à celles de douleurs et de complexité de l’être. Originaires du Liban, Stephanie Kayal et Abed Kobeissy laissent apparaître progressivement dans la pièce, les émotions, les réminiscences, et les traumatismes de la guerre et de la perte d’êtres chers.
Présentée au théâtre El Hamra à Tunis, dans le cadre de la 5e édition des Journées Chorégraphiques de Carthage, la pièce Evidence of things not seen, est lieu d’expression des traces, de réactivation d’une mémoire collective, délivrée avec puissance.
Deicy Sanches