« Il est plus facile de tuer son voisin qu’un inconnu »

Entretien d'Olivier Barlet avec Anne Aghion à propos de Mon voisin, mon tueur

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Votre film est en sélection officielle au festival de Cannes 2009. Est-ce une grosse surprise ?
C’est dingue ! Ça a un petit côté schizophrène, mais il faut apprendre à jouer le jeu. Et puis c’est un tel cadeau d’être là, à la fois pour le film, pour moi et pour les gens qui sont dedans, l’idée que leur voix puisse porter aussi loin ! Enfin, en tout cas, qu’elle puisse porter ici et qu’elle ait le potentiel de porter beaucoup plus loin.
A l’inverse des films qui pointent les contradictions des gacacas ou les ambiguïtés du gouvernement rwandais en la matière, vous n’abordez jamais cette question.
Effectivement. Dès le départ, j’ai voulu travailler sur la complexité des choses tout en pensant que je ne suis absolument pas en mesure de juger ce qui marche ou non ; et puis je pense que ça change, ça évolue. C’est cela que je voulais montrer : que les émotions humaines sont mouvantes. Et comme il s’agit d’émotion, montrer comment les gens ressentent le processus des gacacas. Je voulais que l’on comprenne que rien n’est figé. C’était très important d’essayer, autant que faire se peut, de ne pas juger et de toujours me souvenir que quand je parle à des génocidaires, ce sont des génocidaires présumés, et qu’ils ont le statut d’accusés d’avoir participé au génocide jusqu’à leur jugement. D’autre part, il faut aussi être conscient qu’il n’est pas non plus facile d’être génocidaire, de vivre avec ça, et d’essayer de comprendre ce que veut dire « vivre avec ce qu’on a fait », et aussi, et cela va sans dire, de comprendre les rescapés. Je pense que du côté des rescapés, l’identification est plus simple, même si la distance à trouver n’est pas forcément simple. Quoi qu’il en soit, j’ai le sentiment de ne pas m’être trompée à ce niveau.
Dans votre manière de cadrer, vous évitez toute théâtralisation. Vous ne restaurez le rituel du gacaca que dans ce moment extrêmement important de la minute de silence, qui est complètement émouvante, parce qu’elle est respectée dans sa durée et qu’elle tranche avec la parole. Vous cadrez les personnes qui témoignent dans leur entier, sans gros plans.
Absolument. Depuis le début j’ai résisté aux gros plans. Il y en a quelques-uns qui sont passés entre les gouttes, mais je leur ai résisté pour une histoire de distance. Vous savez c’est marrant, parce qu’au départ, je voulais mettre les gens ensemble.
Vous voulez dire les victimes et les bourreaux ?
Laissez-moi revenir en arrière et expliquer cela. Quand je suis allée au Rwanda au début (c’était il y a près de 10 ans), j’avais imaginé que le film serait un film où tout le monde serait ensemble ; c’est-à-dire que les gens parleraient entre eux de ce qui s’était passé. Pas forcément les victimes et les bourreaux, mais que les gens d’une même colline, d’un même endroit géographique : c’était ce que les gacacas étaient censés être. Il a fallu cinq ans avant que cela commence véritablement. Au départ, je me suis donc retrouvée dans une situation où j’essayais d’interviewer deux ou trois personnes à la fois pour qu’il y ait une dynamique, et cela ne marchait pas du tout. Très vite, je me suis rendu compte que c’était impossible. Nous avons fini par nous retrouver dans une situation de face à face, et en fait, j’ai l’impression que ce sont davantage des témoignages que des interviews que nous avons recueillis. Cela a donné le ton. Cela, plus les problèmes de langue, qui ont donné le ton du film. Il y a eu la première époque, je dirais, ce qui a correspondu au premier film. Ensuite, il y a eu la deuxième époque, qui a correspondu au deuxième film. Après, il y a eu la troisième époque sur les cinq dernières années, avec un troisième film que personne n’a encore vu. Celui-ci, Mon Voisin, Mon Tueur, englobe les trois. Le premier porte sur les pré-gacacas. C’est le moment où je suis allée voir tout le monde et où l’on présente les prisonniers à la population, en disant « les gacacas vont commencer. » C’est le début de Mon Voisin, Mon Tueur. La deuxième époque commence avec la libération des prisonniers, notamment l’un d’entre eux avec qui j’avais commencé à travailler. Je me suis donc intéressée à l’impact de son retour sur la communauté. Il y a ce passage dans le film où un jeune homme dit : « Pourquoi n’arrêtes-tu pas d’aller parler aux uns et aux autres ? Pourquoi ne nous mets-tu pas ensemble ? ». Ce qui est drôle, parce qu’à ce moment-là, je ne voulais plus les mettre ensemble, ce n’était plus mon intention.
Une demande d’intermédiation intéressante, quand même !
Absolument ! Et c’est quelque chose que je n’ai pas compris tout de suite, notamment à cause des problèmes d’interprétation. Je n’ai pas eu le détail, j’ai compris trois mois plus tard, au montage. Nous nous sommes retrouvées, avec la monteuse Nadia Ben Rachid, à nous demander : « Alors, que fait-on avec ça ? » Et en réalité, le sentiment que l’on a eu en regardant les images, était que les gens étaient perdus. C’est-à-dire qu’on leur avait asséné les gacacas à coups de marteaux et que finalement, les gacacas n’étaient pas venus. Ils attendaient cette confrontation, parce qu’ils pensaient que cela pourrait les aider…
Mais cette confrontation n’était pas spontanée. Les gens ne vont pas s’excuser, ne vont pas rencontrer l’autre et cohabitent pourtant dans un voisinage extrême…
Chacun dans son coin, sachant qu’ils se rencontrent tous les jours ! Il existe une espèce de méfiance, ce que je trouve assez normal. Ils se saluent avec beaucoup de réticence, avec beaucoup de retenue. Finalement, j’ai décidé de les mettre ensemble. Il y a ce moment dans le film qui dure six ou sept minutes, et qui est une réunion qui dure en réalité quatre heures…
Quand ils sont assis sur des bancs au café ?
Oui, c’est cela. Cela a pris une dizaine de jours pour organiser cette réunion. Parce que je voulais le faire de façon très soft, que je voulais que personne ne se sente obligé ; parce qu’on peut très vite mettre les gens en situation d’obligation au Rwanda.
Est-ce que les gacacas sont obligatoires ?
Oui.
Tout le village doit être là ?
Oui. Normalement on a une amende si l’on n’est pas là au gacaca. Mais en même temps, c’est très flou, ce n’est pas aussi simple que cela. C’est-à-dire qu’il y a quand même des gens qui ne viennent pas : on peut ne pas venir si l’on est malade ou si l’on a un cas de force majeure. Après, où est la limite entre malade, pas malade, cas de force majeure ou non ? Mais normalement, l’on paie une amende si l’on n’est pas là. C’est un peu limite. Le gacaca correspond à cette troisième période, une mise ensemble que je n’ai pas orchestrée moi-même. À présent, j’ai l’impression que je suis allée jusqu’au bout.
Vous ne pensiez pas devoir passer dix ans sur ce sujet. Il vous a fallu revenir plusieurs fois.
Un grand nombre de fois, oui.
Parce que les choses ne vont pas si vite que ça.
Non. C’est drôle parce que je vis à New York normalement. Quand j’ai débarqué au Rwanda, quand je suis arrivée au début, les quatre fois avant de commencer à tourner, j’ai dû y passer deux mois, deux mois et demi sur une période d’un an. J’ai récolté toutes les autorisations possibles et imaginables, de tous les ministères, j’ai rencontré tous les ministres concernés : de la Justice, de l’Intérieur qui gère les prisons, le procureur général, etc. Je les ai rencontrés pour leur demander des autorisations, pour leur dire ce que j’allais faire… Ils n’ont pas vraiment percuté sur l’ampleur de la démarche. Je naviguais un peu à vue, ils ne savaient pas qui j’étais, je n’avais pas de nom…
Le fait que vous étiez française était-il un problème ?
Je me suis présentée comme américaine !
Et vous parliez anglais ?
Je ne me suis pas cachée. Je parlais anglais mais français avec les francophones, qui ont bien vu que je n’avais pas d’accent. Je suis rentrée au Rwanda avec mon passeport américain parce qu’il n’y a pas besoin de visa, ça aide, mais je ne me suis jamais cachée, j’ai dit que je vivais entre Paris et New York. Mais il y avait aussi une logique de rythme : dans les ministères à Kigali, j’étais New-Yorkaise : je débarque, j’ai besoin d’eux, je fais bouger plein de trucs dans tous les sens ; et dès qu’on arrive sur la colline, le rythme change forcément, ça ralentit. Cette tension entre les deux temps était très importante dans le rapport avec les gens.
J’imagine que pour eux, il y a à la fois le temps de la parole et le temps de pouvoir parler devant vous. Ce sont deux choses qui ne sont pas simples, ni l’une ni l’autre, et qui prennent chacune du temps.
Absolument. La complexité, le fait que je ne parle pas la langue font que je les ai laissés parler… Et après, on a cherché le film au montage.
Il y a une question fondamentale dans votre film, dans votre travail, c’est une question qui nous concerne tous et qui dépasse le Rwanda : c’est celle de la réconciliation.
Absolument.
Comment arriver à vivre ensemble dans un monde où l’on se tape dessus ?
Il y a eu plus de 125 guerres civiles depuis la chute du mur de Berlin, il y a 20 ans. Il faut se le représenter, ce n’est pas n’importe quoi.
C’est donc un peu de l’avenir du monde qui se joue au Rwanda. En tournant sur le terrain, vous avez évoqué cette recherche personnelle qui est de comprendre comment l’homme peut être capable de ces atrocités, mais aussi…
Comment il fait après.
C’est ça. Comment on vit avec ça, comment on vit avec ce qu’est l’humain. Et j’imagine que ça devait être présent en permanence.
Tout le temps. Vous savez, on cherche toujours des réponses, noires ou blanches, à ce genre de questions et il n’y en a pas ; et c’est là-dessus que j’ai voulu travailler. Mais c’est très compliqué de résister tout le temps à cela. Même au sein de l’équipe, il y avait toujours la tentation de glisser vers l’anecdotique, vers le « qui a fait quoi », les conversations. On travaille à deux heures de Kigali et l’on est à cinq ou six dans un 4×4, dans les deux sens ; cela dure deux heures le matin, et puis il y a le retour ; et à chaque fois que l’on va d’un endroit à un autre sur la colline, même s’ils sont à 500 mètres l’un de l’autre, on prend la voiture, parce qu’on ne peut pas porter tout le matériel. Donc la voiture est un endroit ou l’on parle entre nous de ce que l’on pense, de ce que l’on a entendu, on essaye de se raconter l’histoire qui s’est passée sur cette colline ; et c’est vrai que la tentation de vouloir juger est toujours présente. Moi, j’essaie toujours de prendre un peu de recul, sur place déjà et a fortiori au montage, de résister vraiment à l’anecdotique, parce que je trouve que c’est très important. L’important n’est pas pour nous de savoir qui a tué qui. Bien sûr, les gens concernés ne s’en foutent pas. Pour eux, il est important de savoir qui a tué leur enfant !
Vous prenez un exemple très fort, que vous allez suivre longtemps, ce qui rend quelques détails nécessaires.
Oui, mais en même temps, c’est vraiment le minimum de détails pour permettre de sentir l’émotion. Il ne s’agit pas vraiment de comprendre, parce qu’il n’y a rien à comprendre véritablement.
Le kinyarwanda est une langue très imagée et complexe. Les formules ouvrent à l’émotion mais j’imagine qu’il est délicat de les conserver car, avec la traduction, on risque de tomber dans la belle phrase. Vous avez eu l’occasion d’essayer de rentrer un peu dedans ?
En fait, c’est au montage que je rentre dans la langue. Je comprends assez mal, mais je fais des progrès ! Je comprends, en gros, de quoi on parle mais je ne connais pas le détail.
Le rapport au langage est essentiel. Vous montrez ainsi la dérive des mots vers le vocabulaire guerrier, qui fait du génocide une guerre.
Absolument. C’est chaotique, tout ça est très mêlé. Ce n’est pas le propre des génocides, mais pour la plupart d’entre eux, on fait semblant de ne pas les voir car ils se masquent derrière des guerres. Dans le cadre du Rwanda, tout le monde savait ce qui était en train de se passer. Mais on peut se cacher derrière le fait qu’il y a une guerre pour ne pas reconnaître un génocide.
La question des mots a été déterminante durant le génocide, pour accepter que ce soit effectivement un génocide.
Exactement. Tout le monde savait ce qui était en train de se passer mais on bataillait sur les mots ! C’est important pour l’histoire et pour la mémoire d’appeler les choses par leur nom. Au Rwanda, on a tendance à parler de guerre parce que c’est le mot du langage courant. Je pense qu’il est important de parler de génocide. Cela dit, il y a eu une guerre, et il y a eu aussi des crimes de guerre ; il ne faut pas le cacher non plus.
Il y a tant de choses qui s’imbriquent ! Ce qui me frappe, c’est que votre film restaure une complexité.
C’était mon objectif premier.
N’est-il pas essentiel de dégager la singularité des choses, pour ne pas tout ramener à une sorte de schéma qui s’appliquerait à n’importe quelle situation ?
C’est vrai, c’est tentant. On a envie de réponses simples, on a envie de réponses tout simplement. On a envie que l’on nous explique… Mais non, ce n’est pas simple. L’humain est compliqué, les émotions humaines sont compliquées, et en plus, on n’est pas toujours de la même humeur tous les jours ; c’est aussi cela que je veux montrer dans le film : si la récolte est meilleure, l’humeur sera meilleure. Même si le propos du film est de parler de l’après-génocide et des conséquences de ce cataclysme, la réalité est qu’il faut aussi manger, et que si l’on est malade, c’est plus compliqué. L’autre jour, quelqu’un me disait : « votre film est un film sur la vie. On parle tout le temps de mort, mais votre film est un film sur la vie ».
Finalement, ces familles décimées se sont affaiblies à côté de celles qui ne le sont pas. Mine de rien, le génocidaire triomphe ! On se demande de même dans la crise actuelle qui va sortir fort de l’affaire… Finalement, c’est efficace un génocide, c’est terrible.
C’est sûr, mais au Rwanda, c’est beaucoup plus compliqué que cela. Oui, les génocidaires triomphent, mais c’est un autre débat, qui n’est pas dans le film. Mais au Rwanda, ce qui marque surtout, c’est que toute une catégorie de Hutus modérés a été complètement écartée.
Une autre complexité est frappante, celle du rapport à la peur. Une femme dit : « je sursaute à chaque bruit dans la maison », et une autre femme dit : « de toute façon, je suis déjà morte, je n’ai plus peur, ils peuvent revenir. » Cette intégration de la peur rappelle l’histoire douloureuse de l’Afrique, mais cette dimension de la mort s’installe aussi.
Je pense que ce sont comme des fantômes. Elles savent, elles sont conscientes du fait qu’elles sont une génération perdue…
…et qu’elles errent avec leur solitude.
Oui. C’est une conscience que l’on retrouve à travers tout le Rwanda. Mais la motivation des rescapés à aller aux gacacas et à faire ce travail concerne les générations à venir. Ces femmes sont assez conscientes que ce n’est pas pour elles. Les femmes qu’on voit dans ce film sont, pour la plupart, encore plus marginalisées que les rescapés tutsis, parce que ce sont des rescapées hutues. Ce sont des veuves hutues dont les maris et les enfants tutsis ont été tués.
C’est la raison pour laquelle elles ont été épargnées.
Voilà. Elles ne sont pas intégrées dans la famille des rescapés, et elles ne sont pas intégrées dans la famille des Hutus, parce qu’elles ont tout vu et témoignent contre les gens. C’est un cauchemar pour elles.
Le Rwanda ramène dans le même petit lieu, sur la même colline, tout le monde ensemble, comme si, après la Guerre, les Juifs étaient rentrés vivre en Allemagne.
Oui, après la Guerre, beaucoup de Juifs sont partis aux Etats-Unis, ou en Israël.
Pourquoi ce long métrage alors que vous avez déjà trois documentaires pour chacune des périodes ?
J’ai fait le premier, et j’ai eu l’impression que ce n’était pas fini. Puis j’ai fait le deuxième, et puis j’avais la même impression. En même temps, j’étais obligée de faire ces premiers films parce que sinon, je n’aurais pas pu financer. Ces films intermédiaires m’ont permis de trouver des sous, c’est très simple.
Finalement, c’est un engrenage.
C’est un peu ça.
C’est un peu le rapport à l’Afrique en général. Il y a une complexité, quel que soit le sujet.
Oui, mais je voulais aller jusqu’au bout. Faire ces films intermédiaires était une façon de continuer. Je suis contente de l’avoir fait. Et puis, aujourd’hui, j’ai 350 heures de rushes. Je ne sais pas exactement, mais j’ai entre 150 et 200 heures de procès exclusivement. Donc j’ai toute la mémoire de cette petite colline, et toutes les traductions qui vont avec. Tout est traduit, avec des time codes toutes les cinq ou dix secondes. C’est un document extraordinaire, je vais donner ça à une institution, une université, quelqu’un qui ait les moyens d’en faire quelque chose.
Comment s’est fait le choix de cette colline en particulier ?
Cela s’est fait par élimination. Le procureur que l’on voit au début allait commencer sur trois cachots dans la province de Gitarama, qui ne s’appelle plus comme cela aujourd’hui. Il allait travailler dans trois cachots, les deux autres cachots étaient près de la route goudronnée. Il y avait eu des choses médiatisées dans ces zones-là. J’ai donc choisi d’aller dans le cachot le plus éloigné. Le procureur m’a donc emmenée là-bas à l’époque, le jour où il parlait aux prisonniers. C’était la première fois que je venais aux cachots. Il m’a présentée. Le lendemain je suis revenue, je leur ai expliqué ce que je voulais faire, puis j’ai demandé qui cela intéressait. Il y en a qui se sont manifestés. Je suis allée voir l’association locale des rescapés, parce que c’était au niveau du district, enfin, à l’époque, cela s’appelait une commune. Il y a environ 50 000 habitants dans un district. Après, je suis allée sur une colline ; je voulais avoir des rescapés et des prisonniers qui venaient du même endroit. Petit à petit, au bout d’une semaine, il y a eu un processus d’élimination qui s’est fait. En fait le premier film se passe sur trois collines. Puis les choses se sont resserrées, jusqu’à ne plus être que sur une seule colline.
J’aurais une dernière question, qui n’est peut-être pas la meilleure. Je suis toujours frappé du fait que quand on essaie de rentrer dans une complexité, on s’y heurte, c’est difficile, et puis arrive un moment où quelques idées simples se dégagent. Y a-t-il des choses qui s’imposent à vous après ces 10 ans de travail ?
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais ce qui me vient à l’esprit c’est que je crois que j’ai compris à travers ce travail que c’est beaucoup plus facile de tuer son voisin que de tuer quelqu’un que l’on ne connaît pas. C’est un peu bizarre de finir là-dessus.
Mais c’est entre les frères, dans la famille, que la violence est la plus forte.
Absolument.
C’est ce que nous dit la Genèse d’ailleurs, et tous les textes sacrés.
Tout à fait. Parce que l’on oublie cela aussi. On croit que l’on est tous frères et que l’on s’aime, etc., mais ce n’est pas vrai. D’une part, c’est plus facile de tuer son voisin que de tuer quelqu’un qu’on ne connaît pas, et d’autre part, c’est profondément inscrit dans l’humain. L’autre idée simple est que je ne suis pas du tout optimiste.
Tout peut recommencer à tout moment. A la faveur de la crise ou autre.
Oui, et je ne parle pas que du Rwanda.

Cannes, mai 2009///Article N° : 8681

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