« Ici tous les moutons sont français ! » Cette réflexion au moment de l’Aït de ce père algérien qui fait venir sa famille grâce à la loi de 1974 autorisant le regroupement familial résume le beau film de Yamina Benguigui : Zouina, sa femme, devra vivre malgré elle la séparation d’avec sa mère, le déracinement, l’exil, le déchirement de la perte de ses repères dans un monde provincial hostile où l’enfermement de la femme maghrébine devient une véritable prison. Mais la radio, une voisine aussi, par leur liberté de ton, lui ouvre les portes de l’affirmation de soi. Ayant appris qu’une autre famille algérienne vit non loin de chez elle, elle entreprendra chaque dimanche à la barbe de son mari et de sa belle-mère acariâtre et tyrannique à souhait une expédition risquée avec ses trois enfants pour tenter de la retrouver. Mais ce n’est pas là que sera l’espoir et c’est tant mieux, car Zouina devra s’ancrer dans cette société pour survivre.
Ce film parle aux femmes, mais c’est à tous qu’il s’adresse. Témoignage puisé dans le vécu de la réalisatrice, il donne à comprendre combien la relation peut aider des immigrés à trouver une place si difficile à prendre et à quel point ce sont finalement les femmes qui intègrent leur famille à la société d’accueil. Film de mémoire, cette fiction ne vit ainsi que sur la volonté documentaire. C’est bien sûr ce qui gêne, tant cette construction tend à stéréotyper les personnages, comme ces voisins intolérants et craintifs. Mais la sincérité l’emporte et finit par convaincre, sans compter ces moments d’émotion pure où s’expriment la déchirure de cette femme qui perd ses assises ou, plus encore, l’éveil de sa détermination. On oublie pas Zouina, elle s’inscrit en nous, et c’est là l’essentiel.
1 h 38, 2001, image Antoine Roch, coprod. Bandits longs, ARP. Avec Fejria Deliba (Zouina), Rabia Mokedem (Aïcha), Amina Annabi (Malika), Anass Behri (Ali), Hamza Dubuih (Rachid). Distr. ARP, www.arpselection.com. Sortie France le 5 décembre 2001.///Article N° : 68