Le Bleu du caftan, de Maryam Touzani

Le dévoilement

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Présenté au festival de Cannes de mai 2022 dans la section Un certain regard, où il a obtenu le prix Fipresci de la critique internationale, le nouveau film de Maryam Touzani était également en sélection officielle au Fespaco 2023 où il a obtenu le prix du meilleur scénario. Il sort le 22 mars 2023 sur les écrans français.

Le Bleu du caftan développe deux thèmes éloignés en parallèle : l’amour transgressif et la transmission. Sa subtilité est de les relier sans jamais le dire. Amour transgressif d’une part car Halim (le comédien palestinien Saleh Bakri) est homosexuel. Il vit avec Mina (Lubna Azabal) mais entretient une relation secrète dans les toilettes du hammam. Lorsque le beau Youssef (Ayoub Missioui) est engagé comme apprenti, il est déstabilisé. Transmission d’autre part car Halim est un mâalem : passionné pour la couture, il confectionne des caftans, un habit de mariée traditionnel qui se transmet de mère en fille et qui exige, quand il est fait à la main, un savoir-faire et une application vertigineux, un véritable don de soi. La beauté du caftan et cet art en perdition résonnent avec la pureté de l’amour d’Halim, aussi bien envers Mina qu’il essaye de satisfaire et « ne pas salir » que dans son attirance pour Youssef, lui-même également amoureux de lui.

C’est bien sûr assez culotté. L’enjeu du film est dès lors de faire ressentir en finesse cet écho thématique. Comme dans Adam (également sélectionné à Un certain regard en 2019, qui posait la question de l’avortement, cf. critique n°14872), Maryam Touzani privilégie les intérieurs feutrés et les clairs-obscurs, avec la même directrice de la photo, Virginie Surdej, pour une approche sensible des corps dans des lumières diffuses.

On retrouve la même actrice, Lubna Azabal, dans un rôle équivalent : à la fois rude, transgressive et humaine, elle campe une Mina contradictoire qui va finalement à l’essentiel. Elle est au centre d’un film émouvant qui vise la tolérance face au poids de l’interdit tout en magnifiant l’artisanat traditionnel. Comme Adam, Le Bleu du caftan cherche une sensualité qui bouscule les tabous et surpasse les refoulés. Il fait pour cela exploser les non-dits. Son classicisme épuré sert délicatement son propos, même si cette approche retenue, ouatée, sopitive, peut tendre à diluer des tensions qui sont de vrais enjeux de société.

 

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