L’urgence de la création est la marque de fabrique des réalisateurs indépendants. Jean-Pascal Zadi (JP), 32 ans, fait figure d’ovni dans le milieu du cinéma. Adepte du « faire soi-même », issu du milieu du rap, il vend ses films en DVD et connaît un franc succès.
« Dans le milieu du cinéma, les décideurs ne nous ont jamais parlé et nos grands frères se sont mis de côté. C’est difficile d’y entrer », affirme Jean-Pascal Zadi, surnommé JP. Né à Bondy en 1980, il déménage à Caen avec sa famille à l’âge de 5 ans. De ses parents ivoiriens, il hérite de la conscience du poids de l’histoire des rapports sociaux entre Noirs et Blancs. Inspirés par son vécu et celui de son entourage, ses films abordent tous « la situation de l’Afrique, les Noirs de France, les sans-papiers, la violence ». Les bancs de l’école le mènent jusqu’au bac littéraire (« pour les filles« ) puis à un Deug d’économie. Inscrit au renommé cours d’art dramatique parisien, le Cours Simon, JP n’y reste que deux semaines : il veut interpréter Molière, on lui rétorque qu’il ne sera pas crédible.
« Je me revendique hip-hop à 200 %. Ce que j’ai appris dans le rap, je le fais dans le cinéma. » Entreprendre avant tout, créer avec rien, JP se réjouit que ce mouvement suscite autant de vocations : « S’il n’y avait pas de rap, il y aurait deux fois plus de délinquance ». Après avoir réalisé des clips, il passe au cinéma en 2004. Visionnaire, son premier documentaire Des halls aux bacs retrace le parcours de rappeurs indépendants désormais reconnus (Sefyu, Youssoupha, Seth Gueko
).
Véritable ovni dans son entourage, où être réalisateur n’est pas considéré comme un métier, JP réalise en 2008 son premier long-métrage de fiction, Cramé, autoproduit avec cinq mille euros. Il écoule dans la foulée dans les Fnac quatre mille DVD. Deux ans plus tard, African Gangster, coproduit avec le rappeur Alpha 2.0 pour vingt mille euros, se vend à dix mille exemplaires.
En 2011, le long-métrage Sans pudeur ni morale est réalisé avec cinq mille euros et quelques invités de choix, dont Thomas N’Gijol, Fabrice Éboue, Mokobé, et Alibi Montana. Vendu à trois mille exemplaires, le film lui ouvre de nouvelles portes. Double page dans le quotidien Libération, écriture d’un long-métrage avec le rappeur Rohff et l’acteur Saïd Taghmaoui – repéré dans La Haine de Mathieu Kassovitz- et série télévisée en pourparlers avec France Télévisions.
« Le plus important n’est pas que Les Cahiers du Cinéma écrivent sur nous mais que mon public soit au courant. Et comme il ne lit pas Les Cahiers
» Sans illusion sur l’industrie du cinéma, JP estime que « depuis que les producteurs ne mettent plus d’argent de leur poche, il y a beaucoup de navets ». Comme dans le rap, il affirme que ce sont ceux qui ont des choses à dire qui pourront durer. Si les producteurs commencent à s’intéresser à la banlieue, c’est parce qu’il y a un marché. Et se souvient que dans son enfance, « les histoires de Blanc, de Paname, ça nous paraissait loin ». JP conclue que si des gens vivent du cinéma, il faut que ses « frères » s’y intéressent et prennent leur part. Parce qu’ils y ont droit.
1980 : Naissance à Bondy (93) / 2003 : Des halls aux bacs / 2004 : Cramé / 2006 : African Gangster/ 2011 : Sans pudeur ni morale avec Thomas N’Gijol, Fabrice Éboue, Mokobé (113), Shone (GhettoFab), Alibi Montana.
Lire aussi [l’article 10791] et [l’article 10792]Cet article est également publié dans Afriscope n° 26, mai-juin-juillet 2012///Article N° : 10796