Le dynamisme littéraire à Maurice : Leurre ou lueur ?

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« L’Île Maurice compte un million d’habitants et autant d’écrivains. (1) » écrivait un observateur local. Les écrivains mauriciens sont en effet nombreux et talentueux : Ananda Devi, prix des Cinq Continents et prix RFO en 2006 éditée dans la collection blanche de Gallimard, Natacha Appanah, prix Fnac 2007 pour son quatrième roman, Le dernier frère, Shenaz Patel, Prix Beaumarchais des écritures dramatiques de l’Océan Indien pour sa première pièce La phobie du caméléon qui suit l’édition de trois ouvrages, Carl De Souza, auteur de quatre romans dont La maison qui marchait vers le large, Alain Gordon Gentil (Le voyage de Delcourt et Quartier de Pamplemousse), le poète Édouard Maunick, grand prix de l’Académie française en 2003… La liste est longue et surprend pour un si petit pays (1.3 millions d’habitants), éloigné du centre éditorial parisien dont la langue maternelle se divise entre le créole (85 % de la population) et le bojhpuri (15 %), et où la langue de l’école est l’anglais.
Ce dynamisme littéraire n’est pas un hasard. Si le talent de ces écrivains est indiscutable, la longue relation culturelle et linguistique entretenue par l’Île avec la France explique pour beaucoup la réussite apparente des auteurs mauriciens dans ce pays. La clef de ce succès repose surtout sur une vie littéraire dynamique et stimulante qui valorise le statut d’écrivain.
Des conditions matérielles différentes.
En terme d’Indice de Développement humain (IDH), Maurice se situe dans le peloton de tête avec l’Afrique du Sud et Les Seychelles. Cela a évidemment des conséquences sur les conditions de vie au quotidien des habitants : à Maurice, peu de coupures quotidiennes de courant ou d’eau, d’habitations surpeuplées empêchant l’isolement nécessaire à l’écriture, de réseaux Internet trop lents ou de service de santé insalubre. De plus, bien que la situation économique actuelle soit difficile et fragile, elle n’est en rien comparable à l’effondrement qu’ont eu à subir certains pays d’Afrique et l’écart entre la grosse bourgeoisie et le peuple est moins profond que dans beaucoup d’autres pays du Sud (2). Cet état de fait a bien évidemment une influence sur l’existence d’un milieu littéraire, souvent issu de la classe moyenne, mais également sur la production éditoriale des auteurs locaux.
Une tradition de revues littéraires.
Après avoir engendré le premier roman de l’hémisphère sud (3), l’activité littéraire de l’île Maurice se déplaça vers des sociétés littéraires (Les kangourous, La table ovale, La Société d’Émulation Intellectuelle au XIXème siècle, le Cercle littéraire de Port Louis, la Société des écrivains mauriciens… au début du XXème siècle) et surtout des revues littéraires.
Celles-ci foisonnent à Maurice puisque Jean Georges Prosper compte 185 titres de revues et de journaux littéraires de 1173 à 1993 (4). Certains titres ont eu un grand succès à leur époque, ce fut le cas de L’essor (de 1919 à 1956), édité par le cercle littéraire de Port Louis et qui fut la véritable caisse de résonance des écrivains mauriciens de la première moitié de ce siècle mais également des îles voisines : le malgache Rabearivelo, les réunionnais Raphaël Barquissau et les cousins Marius et Ary Leblond y sont publiés à plusieurs reprises. D’autres revues « naissent et vivent plus ou moins longtemps. La revue historique et littéraire, fondée en 1887, dure une dizaine d’années. La semaine littéraire de l’île Maurice ne se maintient que deux ans (1890 – 1892). De même que Mauritiana (1908 – 1910), fondé par Léoville L’homme et qui se faisait remarquer par son excellente qualité. (5) » De fait, ces revues ont été durant très longtemps le principal (le seul ?) moyen d’expression des écrivains mauriciens (6). Jusqu’à la création de la première maison d’édition en 1975, les éditions de l’Océan Indien, les grands hommes de lettre comme Malcolm De Chazal ou Robert Édouard Hart publiaient à compte d’auteur ou avec le soutien de mécènes.
Cette tradition de revues littéraires est toujours active, offrant la possibilité aux auteurs mauriciens d’être publiés dans leur pays.
Le nouvel essor a repris le flambeau de son illustre prédécesseur et publie annuellement un numéro de qualité sur des thèmes précis, le dernier numéro de 2007 se penchait sur les rapports entre littérature et cinéma, le prochain traitera de la poésie.
En 2000, un groupe d’écrivains mauriciens, parmi lesquels Shenaz Patel, Carl De Souza ou Alain Gordon-Gentil, ont créé la revue littéraire Tracés, quiparaîtra durant un an (quatre numéros). Gratuite, imprimée sur du papier journal et diffusée à plus de 25 000 exemplaires par le réseau de distribution du quotidien L’express, elle tendait à la fois à être un espace de création contemporaine et un moyen de conquérir un lectorat peu enclin à fréquenter les librairies du pays.
Ce n’était pas la première fois que la presse quotidienne, très populaire à Maurice, s’engageait dans ce genre d’expérience. Le Mauricien, journal rival de L’express, avait lancé au début des années 80, Forum, le magazine culturel de l’île Maurice où Alain Gordon-Gentil avait fait ses premières armes. Autre revue culturelle, Autopsie créée par l’illustrateur Eric Koo Sin Lin, publia plusieurs numéros entre 1998 et 2000, accueillant à la fois des écrivains, des graphistes et illustrateurs, journalistes et poètes. Italiques, le magazine annuel des livres créé par Issa Asgarally au début des années 90, joue également un rôle important dans la vie littéraire locale en éditant des textes inédits, des critiques littéraires, des notes de lecture et des interviews. La Revi kiltir kreol est une des grandes revues de langues créoles dans le monde et accueille des signatures prestigieuses des Caraïbes et de l’Océan Indien. Maurice fut également le lieu de l’une des premières revues féminines du continent africain avec Virginie, fondée en 1975 par Annie Cadinouche qui accueillit les premiers contes de Ananda Devi en 1979 ainsi que d’autres écrivains féminins.
Les revues Ticomix et Koli explosif ont permis – entre 2002 et 2005 – à des bédéistes, dont Laval Ng, aujourd’hui publié chez Glénat, de montrer leur travail à leurs compatriotes.
Enfin, la revue de poésie Point barre, 30 ans après L’étoile et la clef créée par Raymond Chasle, Jean Claude D’avoine et Joseph Tsang à Bruxelles, sortira son 4ème numéro en mars 2008. Ayant déjà accueilli les œuvres de poètes connus de La Réunion, France, Belgique, Cameroun, Tunisie (Tahar Bekri), Maroc (Abellatif Laâbi), Guadeloupe (Daniel Maximin et Ernest Moutoussamy), Haïti (Claude Pierre, James Noël, Joséphat-Robert Large) et, bien sûr, Maurice (Ananda Devi, Édouard Maunick), Point barre prend peu à peu sa place dans le milieu poétique francophone. Son mode de fonctionnement pourrait être un bel exemple de ce que pourrait être l’avenir de la littérature en Afrique. Créée et gérée par un petit groupe de poètes mauriciens, n’ayant aucune autre ambition que d’être publié et de publier les « collègues », Point barre est édité par la librairie papeterie Le cygne, qui y voit un outil de promotion et une façon moins onéreuse de se faire de la publicité qu’une campagne de presse. Imprimée sur du papier de qualité moyenne, en couverture souple avec peu de couleurs, la revue ne paie pas de mine. Mais avec un contenu de qualité et un prix de vente inférieur à deux euros, elle pourrait servir d’exemple à d’autres revues du tiers-monde trop soucieuses d’imiter leurs consœurs occidentales dans la forme au détriment de leur propre viabilité économique.
Une presse généraliste influente
La presse généraliste, à 80 % francophone, a une importance énorme à Maurice. Elle est dominée par quelques groupes : La Sentinelle Ltd, propriétaire de L’express (1er quotidien en vente et tirage), L’express dimanche (4e hebdomadaire en vente et tirage), 5-Plus (2e hebdomadaire en vente et tirage), l’hebdomadaire sportif L’Ekip, L’express Turf. Le groupe la Sentinelle imprime le mensuel économique Business Magazine, détient une partie du capital de Radio One– première radio privée – et possède à plus de 40 % L’express de Madagascar.
Le groupe Defi / British American Investment détient plusieurs journaux : Le Defi Plus (3e hebdomadaire en terme de vente et de tirage), Defi Jeunes, Bollywood, Defi Sexo, L’hebdo, News on Sunday ainsi qu’une partie du capital de Radio Plus.
Le groupe Le Mauricien dirige Weekend (1er hebdomadaire en terme de vente et tirage), Le Mauricien (2e quotidien de l’île), Weekend Scope. Enfin, le groupe indien RacetimeGroupe AAPCA détient le Matinal (3e tirage et vente de quotidien, très loin derrière l’express et Le Mauricien). Ce nombre conséquent illustre est illustré par une boutade qui a cours à Maurice : « Il y a plus de quotidiens publiés à l’Île Maurice qu’à Paris. (7) » !
Ces journaux ont également de forts tirages, autour de 20 000 pour L’express (jusqu’à 35 000 pour l’édition du dimanche) et peuvent même dépasser les 60 000 pour certaines éditions de Week end, l’hebdomadaire le plus lu du pays. La bonne santé de la presse (8) a des conséquences sur la vie littéraire locale. Tous les titres ont des pages culture, avec, en particulier, une page littéraire au moins hebdomadaire. Chaque livre édité sur place ou édité à l’étranger par un mauricien fait l’objet de comptes rendus ou d’articles de présentation, lui assurant une lisibilité rarement atteinte dans un autre pays d’Afrique. De plus, les revues luxueuses des groupes hôteliers ou de compagnies aériennes, soucieuses de valoriser l’Île Maurice, évoquent régulièrement les écrivains locaux (9).
L’autre conséquence positive tient au fait que nombre d’écrivains sont aussi journaliste et peuvent ainsi vivre de leur plume. C’est le cas, actuellement, de Shenaz Patel (10), journaliste depuis 1985, chargé de la page Culture et Société et de la rubrique Interrogations dans l’hebdomadaire Week end.
Bien d’autres écrivains sont dans le même cas : Bertrand De Robillard (11) vient de prendre sa retraite du Mauricien après en avoir animé la page culturelle durant de nombreuses années, le poète Michel Ducasse (12) a été secrétaire de rédaction au Mauricien, Emmanuel Juste (13) a longtemps occupé les mêmes fonctions à L’express, Sedley Assone (14) assure la rubrique culture du Matinal après avoir travaillé à L’express, Natacha Appanah fut journaliste au Week-end scope jusqu’à son départ pour la France. Édouard Maunick tient une rubrique dans L’express tous les lundis, comme Malcolm De Chazal le faisait à son époque dans le journal Advance dont Marcel Cabon était rédacteur en chef.
De même, Thierry Château (15) fut successivement journaliste à 5 plus (1990), au Week-end scope (1991-1995), au Mauricien (1995 – 2003), à l’Echo austral (2003-2004) et enfin à L’express de 2004 à 2007 ; Alain Gordon-Gentil a également travaillé dans la plupart des journaux de la place, dont le célèbre Cernéen (16), aujourd’hui disparu, tout en lançant plusieurs journaux, entre autres, Le nouveau Virginie à la fin des années 80, mensuel d’informations générales et Le mag, un magazine d’enquêtes au milieu des années 80.
Concernant la télévision, la Mauritius Broadcasting Company (MBC) compte une émission littéraire bimestrielle, Passerelle, produite par Issa Asgarally, ainsi qu’une série de documentaires littéraires de Odile Le Chartier.
Des éditeurs littéraires
L’Île Maurice compte une petite dizaine d’éditeurs, la plupart ayant investi essentiellement dans l’édition scolaire. Néanmoins, quelques catalogues proposent des ouvrages littéraires. C’est le cas de Vizavi qui a édité en novembre 2006 une compilation des articles de Malcolm de Chazal, intitulée Comment devenir un génie ? (Chroniques). Les Editions de l’Océan Indien comptent 39 romans, contes et recueils de nouvelles, 13 recueils de poésie et plusieurs études et critiques littéraires. Certains écrivains comme Ananda Devi ont commencé à y publier leur premier titre (17). D’autres écrivains mauriciens, aujourd’hui décédés, sont également au catalogue alors qu’ils ne sont plus disponibles en France, lieu de leurs premières publications : Léoville L’homme, Loys Masson, Marcel Cabon, André Masson… Les Éditions Le Printemps, autre grand éditeur a également un catalogue littéraire fourni dont des œuvres de Ananda Devi et de Marcelle Lagesse.
Une tradition de mécénat et de sponsoring
L’Île Maurice est un cas à part dans le monde francophone. Comme Les Seychelles et le Canada, elle fait partie des pays de la première vague de colonisation, passé sous l’orbite anglais. De fait, bien que fortement attachée à la francophonie, Maurice est influencée par le mode de pensée anglo – saxon. L’Île a par exemple une culture du mécénat et du sponsoring quasiment unique pour un pays francophone du Sud. Beaucoup d’ouvrages sont soutenus par des entreprises privées. C’est le cas en particulier de la Collection Maurice lancée en 1994 par l’agence de communication Immedia. Chaque année, en novembre, Immedia publie des nouvelles d’une vingtaine d’auteurs nationaux, connus et moins connus, dans l’une des trois langues de leur choix (anglais, français, créole) (18). L’édition est assurée par Rama Poonoosamy (19) et Barlen Pyamootoo (20). Cette initiative, soutenue par plusieurs entreprises privées (21), permet de lancer certains auteurs, d’en stimuler d’autres et de permettre aux auteurs confirmés, publiés à l’étranger, de garder un lien avec leur pays d’origine. Des écrivains comme Édouard Maunick (qui s’essaie à la prose à cette occasion), Shenaz Patel ou Ananda Devi y sont publiés chaque année.
Cette initiative permet aussi aux lecteurs, qui n’ont pas les moyens d’acheter leurs ouvrages édités en Europe, de continuer à lire des auteurs mauriciens reconnus internationalement mais aussi de suivre la nouvelle vague. Elle constitue également un formidable laboratoire d’écriture pour beaucoup de ces auteurs, dans un genre quelque peu délaissé en France. Le mécénat a une telle importance que Brigitte Masson, éditrice et auteur, a pu lancer en 1991, une maison d’édition, La maison des mécènes qui, comme son nom l’indique, trouvait son financement dans des ressources extérieures privées. « […] petite maison d’édition alternative financée par une trentaine de particuliers réunis autour d’une même passion : l’épanouissement de la littérature mauricienne (22) », cet éditeur a pu, de cette façon, éditer huit ouvrages et lancer, par exemple, la carrière de Vinod Rughoonundhun (23), aujourd’hui installé à Paris. L’existence de plusieurs prix littéraires participe d’une forme de mécénat public. Le plus connu d’entre eux est le prix Jean Fanchette, créé par la municipalité de Rose Hill, en 1992, qui récompense tous les deux ans un auteur ayant soumis un manuscrit dans le genre littéraire sélectionné. Le prix permet au lauréat d’être édité et de recevoir une somme d’argent.
Les origines littéraires de l’île.
Cette abondance littéraire, cet intérêt pour la littérature peuvent s’expliquer par le succès originel de Paul et Virginie, qui fonctionne à Maurice comme un mythe littéraire fondateur de la construction identitaire mauricienne. Du point de vue de l’histoire romanesque, l’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre est aussi le point de départ avéré du romantisme français, l’origine du roman sentimental moderne et du roman exotique et, surtout, l’un des best-sellers internationaux du XVIII, du XIX et du début du XXème siècle. De ce fait, l’île Maurice s’est constituée comme un espace littéraire dans l’inconscient national. Le passage de Baudelaire, qui se révélera si fécond par la suite, la personnalité de Malcolm de Chazal et son inspiration india – océanique, ont accentué cette image d’une île fertile du point de vue littéraire.
Cela peut expliquer l’intérêt que les mauriciens ont porté à la création romanesque, le goût affiché pour la littérature et le sentiment d’en être des acteurs, chez les écrivains, bien sûr, mais aussi pour l’ensemble de la société. Ce sentiment diffus a été superbement transcris par Malcolm de Chazal qui puisait dans son pays la matrice même de ses livres : « Tous les étrangers qui viennent ici sont frappés de l’aspect de nos montagnes. Irréelles, artificielles, visions martiennes ou lunaires. Moi qui ai vécu parmi elles et qui les regarde avec l’œil impressionniste du visionnaire, voici ce que j’ai vu : partout sont semés sur les versants et les crêtes des gisants, des sphinx esquissés, des initiales clairement entaillées, des hiéroglyphes, des signes, des gestes d’homme. À tel point que nous avons des montagnes portant des noms comme ceux-ci, le Pouce (doigt et lingam), les Trois Mamelles (dont parle Marie-Thérèse Humbert, La Montagne des signaux)… Les plus étonnantes de toutes sont peut-être le Corps de Garde, montagne « habité » par une forme d’homme étendu qui fixe les plaines de la Rivière Noire, et notre Pieter Both qui est un Sisyphe poussant sa pierre. (24) »
Au royaume des aveugles…
D’aucuns considéreront cette analyse comme étant trop positive, voire quelque peu angélique. Elle peut bien sûr être nuancée par d’autres aspects de la réalité mauricienne : les tirages d’ouvrages édités sur place tournent autour des 1 000 exemplaires, ce qui ne dépare pas de la moyenne des pays du continent africain (pour une population plus faible, cependant). À Maurice, la solitude de l’homme de lettre peut être ressentie aussi durement que dans beaucoup d’autres pays, c’est ce que rappelle Umar Timol dans un très beau texte publié en juin 2007 : « Il n’empêche que la pratique de la poésie à Maurice vous apprend la solitude pénible des incompris car vous vous heurtez constamment à un mur, indestructible et impassible, nommé indifférence. Je ne vais évidemment pas vous parler des libraires qui se débarrassent de votre recueil dans le coin le plus obscur de leur épicerie, pardon, librairie ou du nombre d’exemplaires vendus en une année (entre 3 et 5), […] ou des enseignants de littérature qui ne lisent jamais. […] Je ne vais pas vous parler de ces gens qui claquent des milliers de roupies à l’hôtel et qui trouvent qu’un livre coûte cher ou de ces jeunes, diplômés des meilleures universités, qui disent fièrement ne jamais lire ou de l’interminable attente d’un lecteur, d’un seul petit lecteur qui voudra bien évoquer votre ouvrage […] ou de ces conférences d’auteurs mauriciens qui ne réunissent qu’une dizaine de personnes dont cinq membres de leur famille. […] Je ne vais pas vous parler de tout ça car c’est un combat inutile… », terminant son propos par « quiconque veut atteindre la plénitude dans son expression artistique, dans le cadre enchanteur et paradisiaque de l’île Maurice, se doit de tuer tout désir de reconnaissance, se doit d’extirper de son cœur tout espoir d’être lu, d’être compris (25) ». Ce constat négatif est confirmé par une étude, encore inédite, de Brigitte Masson sur Les pratiques de lecture à Maurice qui révèle qu’en 2006 – 2007, 67,3 % des mauriciens n’ont lu aucun livre.
Tout cela relativise bien sûr, de façon conséquente, le dynamisme apparent, d’autant plus que la plupart des revues citées ont, pour la plupart n’ont pu s’inscrire dans la durée.
Même si à Maurice, tout n’est pas que « luxe, calme et volupté« , il n’en est pas moins vrai que le parcours des différents écrivains mauriciens est lié aux possibilités existant malgré tout sur place. En d’autres termes, leurs parcours sont le fruit d’une maturation que la physionomie du milieu littéraire local a tout de même permis d’éclore. En ce sens, Maurice se distingue des autres pays francophones du Sud où le fait d’écrire relève d’un engagement très fort, où le Centre culturel français est bien souvent le seul soutien. Les écrivains mauriciens ne sont pas complètement livrés à eux-mêmes et sont peut-être moins isolés que d’autres face au monde de l’édition occidentale. Ceux qui parviennent à en ouvrir les portes ont déjà un long chemin d’écriture derrière eux qui leur a permis d’être confronté au public, aux critiques et aux éditeurs. Il n’y a pas de fumée sans feu…

1. Yvan Lagesse, Comment vivre à l’île Maurice en 25 leçons, éditions IPC, p. 109.
2. De plus, la gratuité des soins de santé et de l’école atténue quelque peu les différences sociales.
3. Sidner ou les dangers de l’imagination publié en 1803 par Barthélemy Huet de Froberville.
4. Jean Georges Prosper, Histoire de la littérature mauricienne de langue française, Éditions de l’Océan Indien, 1994, ISBN 99903-0-156-5
5. Jean Louis Joubert, Littératures de l’Océan Indien, Edicef, Vanves, 1991.
6. Pour avoir une vision de l’activité littéraire en terme de revues à cette époque, Cf. Une mauricienne d’exception : Marie Leblanc, présentation et anthologie de Danielle Tranquille, Vicram Ramharai, Robert Furlong, 2005, ISBN 99903-25-29-4
7. Yvan Lagesse, Comment vivre… Op. Cit. p. 179.
8. Le groupe La sentinelle, par exemple, a déclaré un chiffre d’affaires de 402 millions de roupies (10 millions d’€) et un bénéfice avant impôt de 28 millions de roupies (700 000 €) en 2006.
9. Depuis plusieurs années, certains hôtels de haut de gamme ont même lancé un prix littéraire : le prix littéraire des mers du sud pour le Saint-Geran, le prix du roman d’amour pour le Prince Maurice…
10. Auteur de Le portrait Chamarel (2002), Sensitive (2003), Le silence des Chagos (2004)
11. Auteur de Blues horizon (La maison des mécènes – 1991), L’homme qui penche (Ed. de L’olivier – 2003), il vient de participer au recueil collectif : Nouvelles de l’Île Maurice, publié chez Magellan en 2007.
12. Auteur de trois recueils de poèmes : Alphabet, Mélangés et Soirs d’enfance et membre de Point barre.
13. Auteur de Pleine lune pour les morts ainsi que de nombreux poèmes disséminés dans différentes revues.
14. Editeur (Les éditions de La tour) et auteur (Tizann)
15. Auteur, entre autres, de Septembre noir, Cité taule et porlwi fam nwar
16. Le cernéen, fondé en 1836 et disparu en 1982, fut, un temps, le plus vieux journal francophone au monde.
17. La fin des pierres et des ages en 1992, toujours disponible de nos jours.
18. Les quatorze volumes successifs ont exploré différents thèmes imposés : la mer (2004), la sensualité (2006), les femmes (1995), l’enfance (1999), l’amour (1997), le voyage (2002), le paranormal (2007)….
19. Poonoosamy est le PDG de Immedia et le Premier ministre de la culture mauricien (en 1982).
20. Auteur (Benares, le tour de Babylone) et réalisateur (Benares) mauricien.
21. L’édition de 2007 (Histoires incroyables) a reçu l’appui de 23 entreprises.
22. Prospectus de présentation de La maison des mécènes, p. 1.
23. Auteur de trois recueils de poésies : Mémoire d’étoile de mer et La saison des mots (La maison des mécènes), Chair de toi (Grand Océan – Réunion), un recueil de nouvelles : Daïnes et autres chroniques de la mort (La maison des mécènes, réédité par Naives en France). Il vient de participer au recueil collectif : Nouvelles de l’Île Maurice, publié chez Magellan en 2007.
24. Petrusmok, Ed. Scheer, page 34.
25. Ecrire de la poésie à, Maurice ou comment devenir fou in //africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=6648
Cet article doit beaucoup à un échange avec Olivier Appollodorus.///Article N° : 7280

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