L’Afrique subsaharienne que des illuminés arabo-musulmans et leurs laqués négro-africains voulaient encore mettre à sac aujourd’hui, en recommençant par le Mali, a longtemps été méprisée par ceux-là même qui ont toujours traité les Africains de « Abdos » c’est-à-dire esclaves. Pourtant nombre de voyageurs rencontraient dans l’univers subsaharien, d’abord des steppes couvertes de grandes herbes, puis des contrées boisées et des champs cultivés où le bétail s’élevait sans soins, dans un univers riche et luxuriant. Sur cette terre aussi douce que la soie à certains endroits, de petites chaînes de montagnes s’allongent entre les cours d’eau. Du haut de ces montagnes, les Africains contemplaient le ciel dans toute sa splendeur. Pour eux là finissait le monde et commençait l’éternité. Dans ce milieu naturel et riche, des forêts de mimosas ou d’acacias nourrissaient dans leurs profondes solitudes des rhinocéros, des singes et des éléphants. Ces derniers vivaient là depuis plus de cinquante millions d’années, avant que des prédateurs humains ne viennent les massacrer pour leur ivoire. Grâce à ces forêts, les artistes africains ont perfectionné leur art, à l’image des masques et statuettes des civilisations du Nigeria, du Bénin etc. et donnent une idée des rapports, que ces peuples entretenaient avec leurs divinités. Les populations étaient nombreuses et avaient domestiqué toutes les richesses de leur univers. Dans cet espace/temps l’homme vivait en symbiose avec son environnement. Ils formaient un ensemble indissociablement harmonieux. L’Africain n’a jamais cherché à dominer la nature, mais vivait avec. Les hommes exploitaient ses richesses, uniquement pour les mettre au service de leur survie. Ils maîtrisaient l’agriculture sur laquelle s’étaient bâties leurs civilisations multiséculaires. La portion occidentale du continent s’étend le long de l’Océan atlantique, tandis que sa portion orientale donne sur l’Océan indien. De ces mers sortent quatre grands fleuves – dont la source du Nil -, avec leurs innombrables affluents. D’autres rivières qui surgissent de la terre y dominent aussi la vie. Dans ces contrées paisibles et d’une richesse inouïe, poussaient en abondance et à l’état sauvage des produits naturels, plantes, arbres et végétaux de toutes sortes. Chaque ethnie s’intégrait à son paysage et à son climat, tout en maîtrisant ses propres indicateurs du temps. Les populations les plus nombreuses étaient localisées au centre du continent, où s’élèvent de hauts plateaux. Cette altitude qui tempère le soleil, fait que le climat y est plus doux, l’air plus salubre et le sol plus favorable aux cultures. Pendant très longtemps l’asservissement de peuples y était marginal, voire inconnu dans de nombreux pays. La paix y régnait, les sociétés étaient matriarcales, pacifiques et les armes à feu inexistantes. C’est grâce à tous ces éléments, que naquirent ici des civilisations raffinées, très avancées et qui s’épanouirent pendant des milliers d’années.
Encore au cours d’une période relativement récente, dans son ouvrage L’Esclavage et la traite en Afrique (1875) Joseph Cooper notait : « En quittant les rives du Nassau, j’arrivai par bonheur sur une terre que les pieds des marchands d’esclaves n’ont pas encore foulée. C’était une contrée neuve et vierge ; aussi, comme je l’avais déjà remarqué, les naturels étaient vraiment bons et hospitaliers ; moyennant quelques morceaux de toile, ils portèrent mon bagage de village en village
Aucune nation n’est féroce sans motif. La population de Nama est particulièrement belle. Parmi les hommes beaucoup ont des têtes aussi régulières que celles que l’on pourrait voir dans une réunion d’Européens. Tous ont de belles formes, de petites mains et de petits pieds. En vérité je crois que cette région de montagnes et de forêt est la véritable demeure du Nègre. Les femmes de ce pays excitaient l’admiration des Arabes. Leurs traits sont fins, délicats et bien faits. Ma longue expérience d’Afrique centrale m’a prouvé que les Nègres que l’esclavage et la traite n’ont pas encore corrompus sont remarquables par leur hospitalité et leur bon sens. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est qu’ils sont honnêtes. »
Avant l’arrivée des Arabo-musulmans, chaque communauté africaine avait sa propre culture, un système original de croyances et de coutumes. Ce que les Européens ont longtemps qualifié chez les Africains de religions animistes, implique la croyance en une infinité d’esprits, habitant le monde matériel. C’est parce qu’il avait conscience du caractère éphémère et fragile de l’existence, que l’Africain évoluait dans une profonde religiosité. Ces peuples – voire même chaque ethnie -, ont développé des formes de croyances, pouvant être assimilées à une religion spécifique. Cette dimension spirituelle, fait partie intégrante de leur héritage culturel. Chaque religion traditionnelle est directement liée à l’identité d’une population déterminée. Le prosélytisme n’est pas répandu parmi les peuples africains. Il est donc impossible de trouver une origine historique commune aux différentes religions. Il n’existe pas une seule carte géographique qui permette de suivre leur expansion à travers le continent. L’essence même de l’Afrique étant son infinie diversité, il n’y a pas de « culture africaine » unique. On peut dire, qu’avant que ne s’imposent les grandes religions importées, comme l’Islam ou le Christianisme, il y avait en Afrique autant de religions qu’il y a de peuples. Quant aux civilisations négro-africaines, voyons ce qu’en pensent des voyageurs étrangers, comme l’explorateur arabe Ibn Batouta, qui visita le Soudan en 1352. Il fait une description des séances publiques du roi Mandingue Soliman Mansa en ces termes : « Le Sultan se tient très souvent assis dans une alcôve communiquant par une porte avec le palais. Du côté du mi houé, cette alcôve a trois fenêtres en bois revêtues de lames d’argent et au-dessous, trois autres garnies de plaques d’or ou de vermeil. Ces fenêtres sont cachées par des rideaux qu’on relève aux jours de séance pour qu’on sache que le Sultan doit s’y trouver. Quand il s’assoit, on passe à travers le grillage d’une des fenêtres, un cordon de soie auquel est attaché un mouchoir à dessin de fabrique égyptienne et aussitôt que le peuple l’aperçoit, on fait résonner les tambours et les cors (…) Doucha l’interprète se tient debout à la porte donnant sur le mi houer, revêtu de riches habits de zerdkana et d’autres étoffes. Il est coiffé d’un turban à franges, façonné d’une manière très élégante d’après la mode du pays ; il porte à son côté, une épée à fourreau d’or ; il a pour chaussure, des bottes, privilège dont personne autre que lui ne jouit en ce jour ; il porte des éperons et tient en mains deux javelots, l’un d’or et l’autre d’argent, garnis de pointes de fer. Les soldats, les fonctionnaires civils, les pages, les messouflits et toutes les autres personnes, restent au dehors du michouer dans une large rue plantée d’arbres (…) Chaque ferrari a un carquois au dos et un arc à la main ; il est à cheval et ses subordonnés, tant fantassins que cavaliers, se placent devant lui
» C’est ce continent et ces vieilles civilisations, que la conquête arabo-musulmane, devait plonger dans les ténèbres, par de sanglantes razzias, accompagnées de massacres, d’incendies, de terribles actes de dévastation, qui la dépeupleront et stériliseront cette terre de l’or, des pierreries, des épices, des palmiers et d’une prodigieuse fécondité. L’énergie vitale qui nourrissait par vases communiquant tous ces éléments, allait s’estomper au rythme de l’avance du mal arabe. Les Arabes chasseurs d’hommes transformeront en véritables enfers, des régions entières, où les habitants vivaient heureux.
Aujourd’hui comme si nous n’avions rien retenu de l’histoire, celle-ci a failli se répéter. Ceci parce que le malheur de l’Africain actuel, est qu’il se trompe de batailles, en pensant que l’intervention française qui a partiellement empêché que l’histoire se répète ici, relève uniquement de considérations d’intérêts néocolonialistes. En fait le monde a toujours fonctionné par des intérêts. Quant à cette France devenue principale actrice du dénouement, n’oublions jamais que De Gaulle, l’un des rares dirigeants de ce monde, a être aussi franc que cynique déclarait : « La France n’a pas d’amis elle n’a que des intérêts ». Lors du 1er conflit mondial, des millions d’hommes sont allés mourir pour les intérêts de monarchies décadentes et d’autres pour préserver ceux des pseudo-démocraties participatives et qui flouent toujours leurs peuples en les pompant au maximum. Lors du second, 58 millions de femmes et d’hommes sont morts, pour autant d’intérêts divergents. C’est la logique même du fonctionnement de notre monde depuis les guerres menées par Thoutmosis, Alexandre, César, Napoléon etc. Que les Français ou les Américains interviennent pour sécuriser des zones en fonction de leurs intérêts économiques ou pour prévenir des périls qui risquent de les toucher par ricochet, cela ne change pas grand-chose pour l’Afrique, qui continue à se mouvoir dans des préoccupations bassement existentielles. L’essentiel est ailleurs. Ce que l’Africain d’aujourd’hui devrait intégrer dans sa logique, surtout aux temps de la mondialisation culturelle et économique, c’est que le variable intérêt, n’empêche pas d’évoluer en bonne intelligence avec même ses bourreaux d’hier, car qu’on le veuille ou pas, nous marchons tous dans la même direction. La Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres pays d’Asie du Sud Ouest ont tous été colonisés et subi l’humiliation et les brimades comme les Africains. Mais s’ils sont aujourd’hui des pays émergents et en passe de dominer les anciens maîtres d’hier – pendant que nous restons en queue de peloton -, c’est parce qu’ils ont eu l’intelligence d’intégrer les leçons culturelles, économique et stratégique qui faisaient la puissance et l’arrogance de ceux qui les dominaient, au lieu de perdre leur temps à disserter sur le sexe des anges. La recette est simple :
– Travailler pour son pays dans une logique de bonne gouvernance et non piller ses richesses comme l’ont fait nos dirigeants depuis les indépendances. Et leur responsabilité dans la pénétration subsaharienne des « Jihadistes narcotrafiquants » moyennant corruption passive, n’est plus à démontrer.
– Investir ses ressources en matière de santé, d’éducation et de recherches. Ceci permet entre autres, d’avoir des hommes bien formés par des officiers maîtrisant parfaitement l’art de la guerre, pour former des armées dignes de ce nom et capables de bien défendre leurs nations. Au demeurant depuis que les connaissances sont universalisées, Asiatiques, Européens ou Américains ne sont supérieurs aux Africains dans aucun domaine par quelque déterminisme imaginaire que ce soit. Le tout est d’appliquer les recettes qui leur ont servi de ressorts pour décoller, au lieu de flouer son peuple par de grands mouvements d’esprit, qui n’ont jamais eu de traductions concrètes pour l’Afrique. Dirigeants et penseurs africains gagneraient à méditer sur cette boutade de notre ami Wolé Soyinka : Le tigre ne perd pas son temps à affirmer sa « tigritude », il bondit sur sa proie
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