Métissages à la Réunion : entre souillure et complexité culturelle

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En anthropologie comme dans bien d’autres domaines, les années 90 ont été celles du métissage. Tout anthropologue  » respectable  » se devait de donner son avis sur le sujet. Quinze ans plus tard, l’effet de mode étant passé, le terme devient politiquement incorrect, tel un concept vendeur dépassé. A l’île de La Réunion, le métissage est pourtant une réalité biologique et culturelle complexe, vieille de trois siècles. Une réalité avec ses paradoxes et ses limites.

A l’île de La Réunion, le métissage est une réalité biologique vieille de trois siècles et présente depuis les débuts du peuplement de cette terre initialement vierge (1). C’est aussi une réalité culturelle car parallèlement à l’hybridation biologique, qui a donnée naissance à un peuple (2), sont nés une langue, le créole réunionnais et une culture, la culture de l’île.
Pourtant, aujourd’hui sur l’île, ces réalités prêtent encore à controverse. Certains Réunionnais dévalorisent, voire nient le métissage biologique, la langue ou la culture réunionnaises. L’émergence de discours sur les origines, possédant certains relents communautaires ou porteurs d’une idéologie sur la pureté d’une race, montrent les limites de l’emploi du terme métissage dans le contexte réunionnais. Cette notion ne réduit-il pas la complexité culturelle à ce que Lévi-Strauss aurait nommé un  » bricolage  » ?
Petit rappel géographique et historique
Connue depuis le début du XVIe siècle par les navigateurs qui y faisaient relâche, La Réunion est située au sud-est de l’Afrique, à 800 km à l’est de Madagascar et à 200 km au sud de l’île Maurice. L’île était initialement déserte. Le début de son peuplement remonte à la seconde moitié du XVIIe siècle. Durant ce premier demi-siècle d’occupation, la population européenne est numériquement la plus importante. Les Européens sont accompagnés de Malgaches, principalement des femmes. Ce premier métissage fera dire que tous les Réunionnais ont des racines malgaches.
À partir du début du XVIIIe siècle, l’apport de population se diversifie. D’autres femmes, toujours d’origine malgache, puis indo-portugaise, sont amenées dans l’île. En effet, les femmes françaises étaient rares et peu survivaient au climat tropical. Les premiers mariages mixtes, sont, comme le montrent les registres paroissiaux de l’époque, à l’origine d’un nombre considérable de naissances. Ils ont vraisemblablement été d’une grande importance dans le processus, à la fois biologique et culturel, qui a vu l’émergence d’une société, d’une langue et d’une culture créole.
En effet, durant la seconde partie du XVIIe siècle, maîtres et domestiques partagent souvent la même habitation, voire les mêmes conditions d’existence. Cette mixité de population dérange les autorités supérieures de la colonie. Le 1er décembre 1674, l’amiral et vice-roi Blanquet de la Haye remet aux habitants une ordonnance stipulant l’interdiction faite aux Français  » …d’épouser des Négresses, cela dégoûterait les Noirs du service ; et (…) aux Noirs d’épouser des Blanches, c’est une confusion à éviter  » (J. Barassin, 1989 : 101). L’ordonnance sera renouvelée trois fois, en 1689, 1701 et 1709 – preuve du manque de respect de l’interdiction.
Cette première société réunionnaise, société d’habitation, prend fin vers 1715, quand, en raison du besoin de main-d’œuvre servile dans les plantations, près de 50 000 esclaves, principalement originaires de Madagascar et d’Afrique de l’Est, sont amenés dans l’île (R. Chaudenson, 1992 : 69). Dès cette époque, la règle de séparation des esclaves de même origine est appliquée dans les habitations. De plus, il est interdit aux ilotes de pratiquer leurs coutumes, leurs religions ou leurs langues maternelles – ce qui leur est de toute façon impossible puisqu’ils sont éparpillés aux quatre coins de l’île. Toute circulation hors de l’habitation est prohibée ou soumise à autorisation du maître de la plantation.
D’autres captifs, originaires de diverses aires géographiques seront, au gré des besoins de main-d’œuvre, amenés dans l’île : indiens (essentiellement du Tamil Nadu, du Kerala et de l’Andra Pradesh), malais, polynésiens, aborigènes australiens, chinois…. Cette diversité de population se poursuivra après l’abolition de l’esclavage. Les propriétaires tenteront alors de remplacer la main-d’œuvre servile par l’engagisme, recrutement sous contrat qui débouchait sur une sorte de semi-esclavage.
Dans les plantations, la règle de séparation des ethnies, précédemment évoquée, empêche toute formation d’un noyau ethnique important (donc potentiellement dangereux pour les colons). Les antagonismes entre arrivants sont utilisés voire encouragés :  » Le mélange des races et des castes, dans les esclaves de Bourbon, contribua beaucoup à la tranquillité du pays. Les Cafres et les Malgaches étaient généralement peu d’accord avec les Indiens et les Malais, et tous ceux-ci étant considérés comme de caste inférieure par les esclaves créoles, il existait entre eux tous un antagonisme continu qui ne permettait guère aux uns de tramer quelque funeste projet, sans qu’ils fussent dénoncés par les autres.  » (L. Maillard, 1862 : 182). Il était, dans ces conditions, difficile aux groupes numériquement les moins importants de perpétuer leurs traditions. Seules les communautés les plus importantes (européenne, malgache, indienne) ont pu transmettre un patrimoine culturel. Ces acquis sont à l’origine de la culture créole (3) d’aujourd’hui.
Un rapport de dominant / dominé
Dès le premier quart du XVIIIe siècle, comme le montrent les recherches de R. Chaudenson (1992), une langue créole s’est créée. La presse réunionnaise atteste, dès la fin du même siècle, de la présence d’une nosologie populaire spécifique (4) comprise dans un système original de représentation de la maladie. Il s’agit ici des premières traces écrites de l’existence d’une culture créole, d’un tronc culturel commun à tous et issu des apports des différentes composantes initiales de la population. Cette culture créole deviendra par la suite un système autonome et spécifique.
Cependant, un rapport de force existe entre le modèle dominant européen, modèle du Blanc, du maître, et la culture créole dominée, considérée comme un héritage de l’esclave, du Noir, et souvent reléguée au rang de folklore, voire de superstitions. Ce déséquilibre s’accentue encore quand, après la départementalisation de 1946, la présence métropolitaine se renforce. De plus en plus de Métropolitains s’installent dans l’île, souvent de manière temporaire, affectés à des emplois d’encadrement ou du secteur tertiaire (éducation, fonction territoriale) (5).
La Réunion se trouve donc actuellement dans un contexte post-colonial. Celui-ci entraîne à la fois une très forte valorisation de tout ce qui est européen ou métropolitain et une dévalorisation, voire une négation des éléments propres à la culture et à la langue créole.
Il serait cependant réducteur de s’arrêter sur ce rapport de force dominant / dominé, culture de la Métropole / culture créole. En effet, le système culturel réunionnais se caractérise par sa complexité. Les origines plurielles des habitants de l’île ont permis la constitution d’un ensemble original, composé à la fois de certaines traditions issues des diverses composantes du peuplement de l’île (indien, malgache, européen, chinois) et transformées sous l’effet du nouveau contexte réunionnais, mais aussi du tronc commun à tous, continuum culturel dynamique qui s’enrichit en permanence des interactions existant entre les diverses traditions originelles. Ainsi, Dipavali, initialement fête de la déesse Lakshmi dans l’hindouisme, tend à devenir la fête de la lumière pour tous les Réunionnais, quelle que soit leur confession religieuse.
Pour de nombreux habitants de l’île, être Réunionnais, c’est être à la fois porteur d’une culture créole, partagée par tous, mais aussi être Français. C’est également, souvent, posséder une culture composée d’éléments hérités d’une ascendance indienne, malgache, européenne, chinoise, sans qu’il y ait d’exclusion, de conflit culturel. Les identités ne sont pas dans ce cas exclusives ou cumulatives mais chacun possède une identité variable qui s’adapte en fonction des registres sociaux, des contextes religieux ou culturels.
Montée des revendications identitaires
La complexité ne va pourtant pas toujours de soi pour tous. Certains voudraient réduire les individus à une seule origine, à leur seul phénotype, comme s’il était nécessaire de reconstruire une hiérarchisation au sein de la population, quitte à flirter avec un discours sur la  » pureté « , par contraste avec le métissage qui serait alors une  » souillure  » (pour reprendre une opposition de Mary Douglas, 1967).
En effet, depuis une vingtaine d’années, la richesse culturelle de la société réunionnaise se voit occultée par diverses revendications liées aux origines des différentes composantes de la population. Ainsi, on assiste à une valorisation de l’africanité, à une montée identitaire de la  » malgachitude  » qu’accompagne, chez certains Réunionnais d’origine indienne, le refus du terme malbar (6), parfois plus ou moins négativement connoté, auquel ils préfèrent substituer celui de tamoul, ou d‘hindou, mots qui font, à leurs yeux, référence à une civilisation plus prestigieuse.
Tout se passe alors comme si la culture réunionnaise, produit de l’histoire, était niée du fait de son origine hybride. Parfois, ces discours identitaires revendiquent l’origine en terme de  » pureté « , certaines familles étant qualifiées de  » tamoules pures « , de  » malgaches pures « … Ainsi, dans un colloque récent, Gramoun Lélé, musicien réunionnais célèbre qui revendiquait ses racines malgaches, était-il ainsi présenté :  » Voici Gramoun Lélé, authentique malgache Antandroy…  » – oubliant que Gramoun Lélé, s’il possédait certainement une ascendance malgache, était avant tout Réunionnais….
Mais qu’entend-on par  » authenticité  » ? Existe-t-il des sociétés  » authentiques  » ? Ont-elles jamais existé ? Cette revendication, par certains, de la famille ou de la société  » pure « , non  » polluée  » par les apports extérieurs, de  » racines  » qui se doivent d’être strictement africaines, indiennes ou malgaches, comporte des relents malsains, teintés d’ethnocentrisme, pour ne pas employer le terme de racisme. Les traditions africaines, malgaches ou indiennes seraient alors  » supérieures « . Les  » bons  » individus, membres de sociétés dignes de ce nom, localisés dans des cultures dites originelles ou traditionnelles (7) et donc nécessairement plus  » nobles « , s’opposeraient aux  » mauvais  » individus, appartenant à des sociétés métisses, donc acculturées (8) et impropres. Cette opposition entre le pur et l’impur, cette  » horreur du mélange  » dont font parfois preuve certains militants culturels (et anthropologues…) pourrait être située dans la continuité des travaux de M. Douglas (1992, 1967). Pour André Mary, cette opposition peut être rapprochée de l’attitude qu’avaient, à l’époque de la colonisation, les évangélisateurs à l’égard des cultes syncrétiques qui commençaient alors à émerger (1992 : 3).
Si les évangélisateurs ont tenté un retour aux  » origines  » pour ce qui est des cultes syncrétiques africains (sans y parvenir), à La Réunion cette obsession des origines se retrouve dans la réinvention de rituels qui sont présentés comme strictement fidèles à la  » tradition « , quand bien même cette tradition est une recomposition rituelle.
Les artistes réunionnais face au métissage
Il y a de cela quelques années, raillant ses compatriotes pour qui tout ce qui venait de France était forcément meilleur que les produits locaux, un humoriste réunionnais célèbre vantait les qualités de la  » goyave de France « . Qu’en est-il dans les expressions artistiques ? Comment le métissage, ou au contraire le désir de retour à de  » pseudos origines  » (9), s’y manifestent-ils ?
Une première attitude, qui rencontre un certain succès notamment auprès des jeunes, sans pour autant être majoritaire, revendique toujours le métissage comme source de création artistique. C’est le cas de certains groupes musicaux qui s’essaient au mélange des rythmes et des influences, créant ainsi de nouveaux styles comme le malogae, issu de maloya et du reggae, ou le maloya celtique du groupe Renessans.
Pour d’autres artistes, des plasticiens notamment, le métissage est une création qui émerge de conflits intérieurs liés aux origines. Il naît d’un combat, d’une souffrance. Ainsi, Jack Beng-Thi (cf. site Internet d’Africultures (10)) présente comme un plasticien menant  » une réflexion sur l’espace dramatique des corps : une quête identitaire qui se traduit dans des installations métissant les matériaux et transcendant les mémoires individuelles et collectives « . Mais la complexité est parfois difficile à envisager et le contresens peut intervenir de manière rapide par manque de connaissance de la société réunionnaise, de son vécu culturel et de son histoire… Ainsi, malgré la référence faite aux travaux de Paul Gilroy (11) et commentant sa performance présentée en 2003 au Musée d’art moderne à Paris, la critique Anne Gregersen écrit (12) :  » La vidéo pose des questions qui sont importantes de nos jours : l´identité des minorités, la relation entre l´Occident et le Tiers-Monde, les effets de la colonisation, la créolisation comme modèle d´hybridation, la constitution d´identités à la fois globale et locale, le rôle de la religion etc. Ce dernier point est aussi l´objet de la performance action-danse de Jack Beng-Thi. En s´inspirant des transes pratiquées dans les religions syncrétiques réunionnaises, Jack Beng-Thi a réalisé une vidéo qui confronte la religion et le chamanisme au colonialisme de l’Occident. Ainsi une femme blanche attache l´artiste de la performance à un arbre, et on découvre dans la dernière scène que les machines (sans doute de l´homme blanc) qui ont conquis la forêt, sont en train de l’exterminer. Une illustration simple des méfaits du colonialisme, où l’on trouve une nostalgie romantique pour un monde ancien, spirituel, en contact avec la nature. L´œuvre de Jack Beng-Thi semble mal placée dans une exposition qui essaye d´examiner la nature complexe du déplacement « .
Une troisième attitude se situe à l’interface des mouvements qui revendiquent le métissage et de ceux prônant le retour aux origines. Ainsi, la compagnie Talipot, compagnie théâtrale qui dirige le festival d’art Métis et qui coproduit des spectacles avec les Caraïbes, l’Asie et l’Europe définit son théâtre de la manière suivante :
 » Comment sortir de l’imitation et des mêmes scénarios sans cesse répétés sur scène ? Comment sortir de la cage de scène, de l’affrontement des stéréotypes ? Comment mettre en scène, en chair ‘le grouillement mutant’de ce que les hommes et femmes venus d’Europe, d’Afrique, d’Inde, de Chine, ont charroyé après avoir traversé l’océan ? Le théâtre que Talipot a choisi est issu de ce phénomène de créolisation et d’une façon plus large du métissage. Il va aux sources originelles. Il appelle, maille, hybride les mythes fondateurs des peuples, les souffles des origines, les élans sacrés primordiaux. Pour l’acteur, il s’agit de tenter de sortir des carcans uniformisants et des codes de vocabulaires imités ou imposés. Dans le corps de chacun des acteurs de l’Océan Indien, des torrents d’informations nous parlent de son origine, de son voyage… Le théâtre Talipot essaie de les décoder et, à partir de cela, d’inventer un vocabulaire scénique plus enraciné. Cet acte théâtral est l’occasion pour l’artiste de chercher au-delà des blessures de l’histoire, le lien. Puisqu’ici tout le monde vient d’ailleurs, il s’agit de retrouver une fraternité de destin, de formes, d’énergies, de mémoires (…) L’acteur devient médium, son corps hiéroglyphe. Il puise à un grand mouvement au-delà de la séparation de l’écrit et de l’oral, au-delà de la séparation des continents qui en lui étaient unis. Il danse, chante, transgresse les frontières dans la nostalgie de cette unité perdue, dans le désir de la retrouver. Cela exige du temps, de la recherche ; le corps de l’acteur, comme l’île, devient laboratoire, le corps : le lieu même de la représentation.  » (13)
Cette compagnie qui, de manière assez contradictoire ( » Il va aux sources originelles  » ;  » la nostalgie de cette unité perdue, dans le désir de la retrouver « ), se réclame d’un art métis tout en niant la richesse de la création consécutive de l’hybridation, mélange diverses influences culturelles tout en postulant qu’elles constituent les  » sources originelles « . Ces origines seules légitiment alors le  » métissage « .
Loin du simple mélange
Enfin, un dernier courant prône délibérément un retour vers les influences artistiques des mères patries : l’Inde, Madagascar, l’Afrique. Il se manifeste par une survalorisation des formes d’expressions liées à ces aires culturelles, qu’elles soient passées ou présentes. Ainsi, parallèlement au développement des écoles de danse enseignant le Baratha Nathyam, se développe à La Réunion, la mode de la danse inspirée de Bollywood…
Cependant, si le terme de métissage s’applique effectivement au domaine biologique, est-il adéquat lorsqu’on parle de culture ? La complexité réunionnaise peut-elle se définir par le métissage, par le mélange des cultures ? N’est-elle pas davantage qu’un mélange de cultures ?
Dans la conclusion qu’il donne à son séminaire sur l’identité, Claude Lévi-Strauss doute de l’existence et de la possibilité du mélange :  » Ce n’est jamais que du discontinu que nous appréhendons. Je veux dire qu’entre deux cultures, entre deux espèces vivantes aussi voisines qu’on voudra les imaginer, il y a toujours un écart différentiel, et que cet écart différentiel ne peut être comblé  » (1977 : 332). Si cet écart différentiel existe, ne peut-on envisager que la discontinuité puisse, justement, engendrer des structures ? Si, comme l’écrit Serge Gruzinski,  » les métissages (…) fournissent le privilège d’appartenir à plusieurs mondes en une seule vie  » (1999 : 316), un seul monde ne pourrait-il comporter plusieurs registres d’existence ? Ce qui est en jeu ici est la reconnaissance d’une culture réunionnaise qui ne soit pas réduite à un  » bricolage « , à un ensemble de  » copié / collé « . Sa richesse de l’ensemble se construit en effet à partir des discontinuités, de ces espaces situés de part et d’autre, des ruptures entre les bords des différents mondes (14). C’est là, dans le contact, dans l’interaction, que se structure la culture. Et, bien loin du simple mélange, il s’agit tant d’analyser les variations culturelles engendrées par ces interactions que de rechercher comment ces variations vivent et évoluent.
Parler de métissage, ne serait-ce pas alors nier l’existence de la complexité culturelle, de la réunionnité ?

Notes
1. La thèse de Gilles Gérard, 1997, le démontre de manière parfaite pour la commune de Saint-Leu, située dans l’Ouest de l’île. Mais cette réalité biologique est souvent, pour diverses raisons politiques et / ou liées à la montée des identités, niée au profit de l’emploi de termes tout à fait inadéquats au contexte tels qu' » ethnies « ,  » groupes « , ou  » communautés « , vocables qui tendent à nier le métissage ou à en restreindre la réalité.
2. Le terme de peuple désigne ici, et pour le contexte réunionnais, l’ensemble des individus qui peuplent l’île de manière permanente ou qui sont issus du peuplement. Cette définition comprend à la fois tous ceux qui, d’origines différentes, ont été contraints de vivre en un même lieu, par la force (du temps de l’esclavage) ou par d’autres moyens (sous contrat du temps de l’engagisme), mais également ceux qui sont venus et continuent d’immigrer de leur plein gré ainsi que leurs descendants. Je pense ici notamment aux Mahorais, aux Comoriens et aux Métropolitains qui s’installent de manière définitive.
3. J’entends par culture créole, le tronc culturel commun à l’ensemble des Réunionnais. Celui-ci est notamment composé de traditions culinaires, musicales, d’un système thérapeutique spécifique associé à un ensemble de représentations du corps et de la maladie, à diverses traditions rituelles et cultuelles. (Voir Benoist, 1993, 1998, Cohen, 2000, Pourchez, 2002, Beaulieu, 2003). Cette culture créole ne constitue qu’une partie de la culture réunionnaise, ensemble culturel complexe qui constitue un système global possédant ses logiques et ses cohérences, et non un ensemble de fragments juxtaposés.
4. Voir L. Pourchez, 2002 et notamment le CD-Rom, chapitre  » presse  » accompagnant l’ouvrage.
5. Lire à ce sujet N. Bancel, P. Blanchard, F. Vergès, 2003.
6. Ce terme est du reste impropre car les Indiens de La Réunion étaient majoritairement originaires de la côte de Coromandel.
7. Les reportages télévisés ou les émissions  » ethno  » à la mode nous les présentent souvent à moitié nus, pratiquant des rituels exotiques, mangeant de la viande crue, quand ce ne sont pas des insectes… Comme si l’exotisme, la  » sauvagerie « , si possible accessible par billet charter, constituaient des critères d’audimat, ou d’étude ethnographique, ou symbolisaient la  » pureté  » culturelle.
8. Au sens péjoratif du terme : qui perd ou qui a perdu sa culture au profit d’un modèle dominant qu’il maîtrise mal.
9. Le terme  » pseudo  » renvoie :
– à l’incertitude des origines : si le métissage biologique est avéré, il n’existe, à La Réunion, que peu de mémoire de l’ancestralité. Peu de Réunionnais peuvent affirmer avec certitude et encore moins prouver l’origine de leur arrière- grand-père. Souvent, dans cette quête des origines, l’ascendance est reconstruite, l’identité devenant un choix personnel) ;
– à l’incertitude des contenus culturels originels : toutes les cultures évoluent et souvent, ce qui est vécu comme un retour aux origines (par une modification et une tentative de  » purification  » du rituel, de l’expression artistique) n’est en fait qu’une reconstruction.
10. //africultures.com/index.asp?menu=affiche_artiste&no=2142
11. Voir notamment L’Atlantique noir : modernité et double conscience. Paris : Ed. Kargo, 2003.
12. http://www.synesthesie.com/index.php?table=textes&id=1363
13. Extrait de l’argumentaire présent sur le site de la compagnie Talipot :  » Pourquoi faisons-nous du théâtre ? « , http://www.theatretalipot.com/
14. F. Laplantine le souligne également à propos des phénomènes religieux (2003 : 29).
Bibliographie
Barassin Jean, 1989, La vie quotidienne des colons de l’île Bourbon à la fin du règne de Louis XIV 1700- 1715. St Denis : Académie de la Réunion.
Beaulieu Alexandra, 2003, Guérir à La Réunion. Éditions de l’Université Paris VII, collection Ethnologie(s) en herbe.
Bancel Nicolas, Blanchard Pascal, Vergès Françoise, 2003, La République coloniale, Essai sur une utopie. Paris : Albin Michel.
Benoist Jean, 1993, Anthropologie médicale en société créole. Paris : Karthala.
Benoist Jean, 1998, Hindouismes créoles. Paris : Éditions du CTHS.
Chaudenson Robert, 1992, Des Îles, Des Hommes, Des langues. Paris : L’Harmattan.
Cohen Patrice, 2000, Le cari partagé. Paris : Karthala
Douglas Mary, 1992 (1967), De la souillure, études sur la notion de pollution et de tabou. Paris : Éditions la Découverte.
Ghasarian Christian, 2002,  » Acculturation, créolisation et réinventions culturelles « , Ethnologie française, XXXII, 4, pp. 663-676.
Gilroy Paul, 2003, L’Atlantique noir : modernité et double conscience. Paris : Ed Kargo.
Gruzinski Serge, 1999, La pensée métisse. Paris : Fayard.
Laplantine François, 2003,  » Penser anthropologiquement la religion « , Anthropologie et Sociétés, vol. 27, n°1, pp. 11-33.
Lévi-Strauss Claude, 1977, L’identité. Paris : PUF.
Maillard Louis, 1862, Notes sur l’île de La Réunion, Archives départementales, Saint-Denis.
Mary André, 1992, Le défi du syncrétisme. Essai sur le travail symbolique des prophètes et des communautés d’Eboga (Gabon). Thèse de doctorat d’état ès Lettres et Sciences Humaines. Paris : EHESS.
Pourchez Laurence, 2002, Grossesse, naissance et petite enfance en société créole. Paris : Karthala.
D’origine réunionnaise, Laurence Pourchez est anthropologue et ethno-cinéaste. En 2000, elle a soutenu, à l’École des hautes études en sciences sociales, une thèse de doctorat en ethnologie et en anthropologie sur l’anthropologie de la petite enfance en société créole réunionnaise. Après avoir enseigné à l’IUFM de La Réunion de 1996 à 1998, elle a occupé, de 2001 à 2003, les fonctions de chargée de recherches en poste d’accueil au CNRS (UMR 8098, Muséum national d’histoire naturelle). Elle est actuellement chargée de mission académique pour le rectorat de La Réunion, associée au CNRS (UMR 8098, Muséum national d’histoire naturelle et UMR 306, Centre d’ethnologie française) et au CIRCI (Centre interdisciplinaire de recherches sur la construction identitaire) à l’université de La Réunion. Laurence Pourchez est l’auteur de ouvrage de Grossesse, naissance et petite enfance en société créole, publiée en 2002 chez Karthala, codirectrice de l’ouvrage L’enfant sujet et acteur du rituel : du soin au rite (à paraître aux éditions de l’IRD) et a publié de nombreux articles dans des ouvrages et dans diverses revues nationales et internationales. Elle a obtenu plusieurs prix pour ses publications audiovisuelles et multimédias.///Article N° : 3721

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