Murmures
Déni de l’Information sur les départements français d’Outremer
octobre 2011 | Faits de société | Média | Mayotte
Français
Lettre ouverte à Rémy Pflimlin, PDG de FTV
A
Monsieur Rémy PFLIMLIN
Président Directeur Général
de France télévisions
7, esplanade Henri de France
75907 PARIS cedex 15
Paris, le 18 octobre 2011
Monsieur le Président,
La CGT ne peut admettre la manière dont votre directeur délégué chargé de l’Information conçoit le traitement de l’actualité française à la grand-messe du 20h de France 2, quand il s’agit des réalités ultramarines de départements qui sont tout aussi français que le Haut Rhin ou le Var et sur lesquels on fait l’impasse quasi quotidiennement.
Qu’avez-vous l’intention de faire, Monsieur le Président, pour que cesse la « discrétion » avec laquelle on évoque essentiellement à travers des « off » la répression brutale de manifestations, qui ont jeté dans la rue la population mahoraise dont la vie est rendue de plus en plus impossible par les prix prohibitifs imposés par les monopoles sur les importations et la grande distribution.
Depuis plus de 3 semaines un département français est à feu et à sang. Les entreprises sont fermées, les rues bloquées, l’économie en plein effondrement. Face à un préfet qui pour seule réponse a demandé l’intervention des blindés contre une population en plein désarroi et un gouvernement attentiste qui semble vouloir laisser pourrir la situation, malgré les 2 visites de sa ministre de l’Outremer, qui a proposé des bons d’achat aux mahorais pour résoudre leur problème de hausse de prix ce qui a renvoyé plus de 20.000 mahorais dans la rue samedi dernier, c’est le grand silence à France Télévisions.
C’est sur le net qu’il faut aller pour découvrir le nouveau visage de Mayotte : « l’ile aux parfums, » qui ressemble désormais à une zone de guerre engagée contre la population, telle qu’on pouvait la voir au Chili sous Pinochet. La semaine dernière un enfant de 9 ans a perdu un oeil à cause des violences policières quotidiennes. Impossible de faire la moindre course, même les pharmacies ont été fermées. Savez-vous, Monsieur le Président, que le revenu moyen est à Mayotte de 310 euros par mois et que le RMI proposé pour les mahorais dépasse à peine les 100 euros mensuels ?
Face à cette crise historique, pas le moindre sujet de fond, pas la moindre analyse réelle de ce qui se passe dans ce département dans nos journaux télévisés nationaux durant les 3 semaines écoulées.
Comment justifiez-vous, Monsieur le Président, d’un tel choix de traitement de l’Information ? Notre rôle n’est-il pas d’Informer de manière honnête et complète ? Quelle est donc l’éthique professionnelle de ceux que vous avez nommés pour gérer l’Information ? Pourtant la Rédaction de Mayotte fait son travail, prenant des risques énormes, chaque jour, pour faire circuler l’information. Elle renvoie des images proposées par Outremer 1ère, pour les JT de 20h et pour le 19/20 de France 3. TFI nous en a même achetées. Pourquoi donc une telle posture des « stars du 20H » alors que tous les éléments sont à portée de main pour informer ?
Nous avons le 3 octobre dernier posé à Monsieur Thuillier une série de questions, vous étiez vous-même destinataire de cette interpellation de la CGT : « A quoi sert un directeur chargé de la diversité dans l’Information si ce genre de négation de l’actualité Outremer perdure sur France 2 et France 3 ? Qu’entendez-vous faire pour mettre un terme à ce déni permanent de l’existence des régions ultramarines en termes d’information quotidienne… Merci de nous faire une réponse sur le fond… etc. » Il lui aura fallu une semaine entière pour nous faire une réponse sans rapport avec les interrogations que nous avions posées et longuement argumentées, « j’ai bien noté votre vigilance et je vous en remercie. Le travail de nos équipes sur le terrain nous a permis de rendre compte des événements dans nos différentes éditions nationales de F2 et F3. Nous avons demandé aux équipes de l’information de poursuivre cette couverture tant que la situation restera bloquée. » (sic Thierry Thuillier !)
Pouvez-vous réellement qualifier de « couverture de l’information » ce que fait votre présentateur du 20H de France 2, depuis que la CGT a adressé ce courrier, se contentant d’inclure quelques « off discrets » perdus dans son journal, sans aucune mise en perspective de la situation. Il est même allé jusqu’à mélanger le problème des yaourts trop sucrés vendus dans les Outremer avec les images de son « off quotidien » sur les manifestations à Mayotte. Une situation qui fait pourtant éclater au grand jour un problème de société, comparable à celui des autres départements d’Outremer, pour lesquels France télévisions avait aussi attendu des semaines avant de commencer à en rendre compte sur les éditions d’informations nationales.
Mardi 11 octobre le gouvernement a été interpellé à l’assemblée nationale à propos de ce qui se passe à Mayotte. Un député a cité un représentant de la majorité à Mayotte, qui luimême a dit qu’il avait honte de ce qui se passe dans ce département ! Vendredi dernier
l’Europe a été saisie par les élus mahorais et une enquête devrait être menée sur les dérives des prix, liées aux monopoles de quelques uns sur l’économie locale.
Et pendant ce temps là, à France télévision, on produit un « petit off » le soir sur France 2 et c’est sur le net qu’il faut aller pour voir les blindés foncer sur la population désemparée.
Auriez-vous des consignes strictes venues d’ailleurs pour mettre un tel couvercle sur l’Information à Mayotte ? L’Etat pense-t-il que c’est en cachant ce qui se passe à la grande majorité des français qu’il va régler les problèmes qu’il a lui-même créés tant à Mayotte que
dans les autres départements et pays d’Outremer, par sa gestion coloniale inchangée depuis le siècle dernier, refusant le droit à la dignité de populations de plus en plus pauvres et permettant l’enrichissement scandaleux de quelques uns sur le dos du plus grand nombre ? Quel est le but poursuivi par une telle négation de ces réalités au journal de 20h sur la 2 ?
Nous vous demandons, Monsieur le Président, de bien vouloir vous en expliquer publiquement, puisque vous êtes comptable des manquements à leurs obligations professionnelles des responsables que vous avez choisis pour garantir tant le pluralisme de l’Information sur la totalité de nos chaînes, qu’une information réelle de ce qui se passe dans TOUTES les régions françaises, dans le respect de cette « diversité » dont vous parlez tant, mais pour laquelle vous oeuvrez si peu, pour ce qui concerne l’Information et les programmes.
Nous n’avons pas retenu en effet dans le cahier des charges de France télévisions que France Ô avait pour vocation à ressembler à un « ghetto » qui serait dédié à la diversité dans l’audiovisuel public, ce qui vous permettrait de faire l’impasse sur les autres chaînes de ce que vivent les populations de ces départements français entièrement à part, vous contentant de réduire les réalités ultramarines à une succession de clichés éculés, qui semblent tragiquement perdurer à France télévisions si l’on s’en tient à la lecture qu’en font une trop grande partie de ces quelques « savants journalistes » décideurs de ce qui doit ou pas être exposé dans les JT du soir et sous quelle forme.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, nos sentiments les meilleurs.
Pour la CGT de France télévisions,
les délégués syndicaux centraux,
Marc CHAUVELOT,
Sophie AROUET,
Jean-François TEALDI,
Luc DELEGLISE,
Pierre MOUCHEL,
Monsieur Rémy PFLIMLIN
Président Directeur Général
de France télévisions
7, esplanade Henri de France
75907 PARIS cedex 15
Paris, le 18 octobre 2011
Monsieur le Président,
La CGT ne peut admettre la manière dont votre directeur délégué chargé de l’Information conçoit le traitement de l’actualité française à la grand-messe du 20h de France 2, quand il s’agit des réalités ultramarines de départements qui sont tout aussi français que le Haut Rhin ou le Var et sur lesquels on fait l’impasse quasi quotidiennement.
Qu’avez-vous l’intention de faire, Monsieur le Président, pour que cesse la « discrétion » avec laquelle on évoque essentiellement à travers des « off » la répression brutale de manifestations, qui ont jeté dans la rue la population mahoraise dont la vie est rendue de plus en plus impossible par les prix prohibitifs imposés par les monopoles sur les importations et la grande distribution.
Depuis plus de 3 semaines un département français est à feu et à sang. Les entreprises sont fermées, les rues bloquées, l’économie en plein effondrement. Face à un préfet qui pour seule réponse a demandé l’intervention des blindés contre une population en plein désarroi et un gouvernement attentiste qui semble vouloir laisser pourrir la situation, malgré les 2 visites de sa ministre de l’Outremer, qui a proposé des bons d’achat aux mahorais pour résoudre leur problème de hausse de prix ce qui a renvoyé plus de 20.000 mahorais dans la rue samedi dernier, c’est le grand silence à France Télévisions.
C’est sur le net qu’il faut aller pour découvrir le nouveau visage de Mayotte : « l’ile aux parfums, » qui ressemble désormais à une zone de guerre engagée contre la population, telle qu’on pouvait la voir au Chili sous Pinochet. La semaine dernière un enfant de 9 ans a perdu un oeil à cause des violences policières quotidiennes. Impossible de faire la moindre course, même les pharmacies ont été fermées. Savez-vous, Monsieur le Président, que le revenu moyen est à Mayotte de 310 euros par mois et que le RMI proposé pour les mahorais dépasse à peine les 100 euros mensuels ?
Face à cette crise historique, pas le moindre sujet de fond, pas la moindre analyse réelle de ce qui se passe dans ce département dans nos journaux télévisés nationaux durant les 3 semaines écoulées.
Comment justifiez-vous, Monsieur le Président, d’un tel choix de traitement de l’Information ? Notre rôle n’est-il pas d’Informer de manière honnête et complète ? Quelle est donc l’éthique professionnelle de ceux que vous avez nommés pour gérer l’Information ? Pourtant la Rédaction de Mayotte fait son travail, prenant des risques énormes, chaque jour, pour faire circuler l’information. Elle renvoie des images proposées par Outremer 1ère, pour les JT de 20h et pour le 19/20 de France 3. TFI nous en a même achetées. Pourquoi donc une telle posture des « stars du 20H » alors que tous les éléments sont à portée de main pour informer ?
Nous avons le 3 octobre dernier posé à Monsieur Thuillier une série de questions, vous étiez vous-même destinataire de cette interpellation de la CGT : « A quoi sert un directeur chargé de la diversité dans l’Information si ce genre de négation de l’actualité Outremer perdure sur France 2 et France 3 ? Qu’entendez-vous faire pour mettre un terme à ce déni permanent de l’existence des régions ultramarines en termes d’information quotidienne… Merci de nous faire une réponse sur le fond… etc. » Il lui aura fallu une semaine entière pour nous faire une réponse sans rapport avec les interrogations que nous avions posées et longuement argumentées, « j’ai bien noté votre vigilance et je vous en remercie. Le travail de nos équipes sur le terrain nous a permis de rendre compte des événements dans nos différentes éditions nationales de F2 et F3. Nous avons demandé aux équipes de l’information de poursuivre cette couverture tant que la situation restera bloquée. » (sic Thierry Thuillier !)
Pouvez-vous réellement qualifier de « couverture de l’information » ce que fait votre présentateur du 20H de France 2, depuis que la CGT a adressé ce courrier, se contentant d’inclure quelques « off discrets » perdus dans son journal, sans aucune mise en perspective de la situation. Il est même allé jusqu’à mélanger le problème des yaourts trop sucrés vendus dans les Outremer avec les images de son « off quotidien » sur les manifestations à Mayotte. Une situation qui fait pourtant éclater au grand jour un problème de société, comparable à celui des autres départements d’Outremer, pour lesquels France télévisions avait aussi attendu des semaines avant de commencer à en rendre compte sur les éditions d’informations nationales.
Mardi 11 octobre le gouvernement a été interpellé à l’assemblée nationale à propos de ce qui se passe à Mayotte. Un député a cité un représentant de la majorité à Mayotte, qui luimême a dit qu’il avait honte de ce qui se passe dans ce département ! Vendredi dernier
l’Europe a été saisie par les élus mahorais et une enquête devrait être menée sur les dérives des prix, liées aux monopoles de quelques uns sur l’économie locale.
Et pendant ce temps là, à France télévision, on produit un « petit off » le soir sur France 2 et c’est sur le net qu’il faut aller pour voir les blindés foncer sur la population désemparée.
Auriez-vous des consignes strictes venues d’ailleurs pour mettre un tel couvercle sur l’Information à Mayotte ? L’Etat pense-t-il que c’est en cachant ce qui se passe à la grande majorité des français qu’il va régler les problèmes qu’il a lui-même créés tant à Mayotte que
dans les autres départements et pays d’Outremer, par sa gestion coloniale inchangée depuis le siècle dernier, refusant le droit à la dignité de populations de plus en plus pauvres et permettant l’enrichissement scandaleux de quelques uns sur le dos du plus grand nombre ? Quel est le but poursuivi par une telle négation de ces réalités au journal de 20h sur la 2 ?
Nous vous demandons, Monsieur le Président, de bien vouloir vous en expliquer publiquement, puisque vous êtes comptable des manquements à leurs obligations professionnelles des responsables que vous avez choisis pour garantir tant le pluralisme de l’Information sur la totalité de nos chaînes, qu’une information réelle de ce qui se passe dans TOUTES les régions françaises, dans le respect de cette « diversité » dont vous parlez tant, mais pour laquelle vous oeuvrez si peu, pour ce qui concerne l’Information et les programmes.
Nous n’avons pas retenu en effet dans le cahier des charges de France télévisions que France Ô avait pour vocation à ressembler à un « ghetto » qui serait dédié à la diversité dans l’audiovisuel public, ce qui vous permettrait de faire l’impasse sur les autres chaînes de ce que vivent les populations de ces départements français entièrement à part, vous contentant de réduire les réalités ultramarines à une succession de clichés éculés, qui semblent tragiquement perdurer à France télévisions si l’on s’en tient à la lecture qu’en font une trop grande partie de ces quelques « savants journalistes » décideurs de ce qui doit ou pas être exposé dans les JT du soir et sous quelle forme.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, nos sentiments les meilleurs.
Pour la CGT de France télévisions,
les délégués syndicaux centraux,
Marc CHAUVELOT,
Sophie AROUET,
Jean-François TEALDI,
Luc DELEGLISE,
Pierre MOUCHEL,
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