9 histoires lumineuses où le bien est le mal, le recueil de nouvelles de l’écrivaine camerounaise Jo Güstin, est sorti en octobre dernier chez Présence africaine. Une plume poétique et brutale, un contenu troublant : baptême de feu pour cette première œuvre.
Avec ses neuf histoires de lumières, Jo Güstin n’a pas peur d’éclairer ce qui est, d’habitude, enfoncé dans l’obscurité la plus profonde. L’une des nouvelles, « Marie-Lise ou l’initiative », illumine donc, par de majestueux phares de vérité, une enfant de treize ans dont le corps est déjà trop vieux pour plaire aux touristes, un prêtre violeur de prépubères pour lequel les villageois font des kilomètres à pieds, à la recherche d’une bénédiction, ou encore un maquereau à la présentation impeccable, qui flâne en ville la nuit et retourne dans son bidonville le jour.
A son tour, « Ibeji ou le génie » fait briller, près des flammes, le profil d’un enfant considéré comme un sorcier : il est éclatant, à l’instar du surplus d’intelligence qui l’a amené dans cette forêt où personne ne pourra le sauver, mais où tout le monde s’empresse de le purifier. Le murmure de ses comptines est déjà englouti par les vagues d’un océan imperturbable, aux plages convoitées par des vacanciers affamés de nourriture et chair fraîches.
Au loin, en Occident, à l’ouest des désirs, là aussi d’autres nouvelles affichent une lumière sinistre. Celle qui ressort d’écrans Ipad où des amours virtuels étalent leur potentiel destructeur. Ou celle qui amène un des personnages du recueil, transexuel, à ouvrir grand les volets de son studio pour que les rayons solaires éblouissent la décharge dans laquelle il vit. L’auteure porte ainsi sur la pointe des doigts l’étincelle qui montre les injustices liées au genre et à l’orientation sexuelle : alors voilà qu’une torche militaire dessine la surprise sur le visage de deux femmes découvertes dans un acte hors la loi, rapport dont seule la plus démunie payera les conséquences.
Des dominés sur-exposés
Dans un monde où les plus faibles sont les plus ignorés, la sur-exposition que l’auteure accorde à leurs frêles silhouettes ne doit pas nous étonner : il n’y a pas que les étoiles qui brillent, mais aussi des hommes qui ne sont pas considérés comme de vraies hommes, des fillettes noires qui n’acceptent pas d’être noires, des enfants-soldats de moins en moins enfants.
Ce sont neuf histoires truculentes, la plupart situées au Cameroun, dans des lieux réels ou fictifs. Elles ont la tâche de nous brûler, avec un humour ardent, au feu des privilèges sociaux et économiques régissant toute relation entre dominants et dominés. Ainsi, quand Jo Güstin emprunte le regard d’un chiot dont la race est questionnée, elle choisit de nous parler d’animaux pour dénoncer, de façon subtile, l’obsession humaine de définir et classifier selon des critères arbitraires frôlant l’eugenisme. Et quand elle donne la parole à une femme qui prêche le bien et fait le mal, c’est pour pointer, avec sa lampe, les traitements aberrants dont peuvent être victimes, au sein de leur foyer domestique, les personnes atteintes par un handicap mental.
Dans ce recueil, la violence ne porte pas son nom, jamais, pour cela les titres des 9 histoires lumineuses offrent à chaque fois une option comme « Maïmouna ou l’altruisme », « Innocent ou l’humanité ». La violence se niche donc dans les déclarations les plus sereines, les aveux les plus naïfs, les actes les plus insouciants. Qui se dit sauveur, ne sauve personne et ne sera non plus sauvé. Ou du moins, pas par les éclairages implacables de Jo Güstin, flamboyante écrivaine.