Pas d’histoire!

Douze films sur le racisme au quotidien

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Alors que 63 % des Français se déclarent racistes ouvertement, cette initiative est généreuse et utile : cette série de films de l’ordre de six minutes est un événement. L’idée était d’enfer : une appel à scénarios de films courts auprès des 16-26 ans, ensuite confiés à des cinéastes confirmés (le racisme étant un sujet délicat). 500 scénarios, 60 sélectionnés et proposés aux cinéastes, une fois éliminés ceux qui étaient trop manichéens et inaboutis. Et chacun de remplir son panier, avec des résultats inégaux bien sûr, comme dans tout ouvrage collectif, mais d’une grande qualité générale.
Cela commence par une animation, Sans autre t’es rien, de Philippe Julien, où quatre marionnettes se disputent le monde comme un ballon en un éternel jeu de tensions et de détentes selon les tentatives de possession de l’une des marionnettes…
Rochdy Zem est excellent dans Le Vigneron français de Christophe Ochzenberger où il est clair qu’un Arabe ne peut vendre du vin français mais qu’il peut être finalement déterminé à affirmer son existence.
C’est l’engrenage de la peur que met subtilement en scène Pas d’histoire de Philippe Lionet : un vieil arabe accepte toutes les humiliations pour ne pas faire d’histoire, mais ne fait que semer des graines de révolte chez son petit-fils.
Avec Lettre à Abou, Emilie Deleuze oppose la dureté des conditions de vie des immigrés qui du coup ont tendance à « ne pas faire confiance aux mangeurs de porc » aux échanges qui peuvent naître dans le melting pot scolaire.
La Burkinabè Regina Fanta Nacro montre dans Relou que le racisme est bien partagé et qu’il est un rapport de force : de jeunes Arabes draguent lourdement deux filles dans un bus. La tension monte jusqu’à un dénouement qui ferme le bec à Faudel, interprète d’un des jeunes. Il n’est pas inintéressant de voir une Africaine noire mettre en scène des Arabes et surtout inverser la donne en prenant pour sujet les comportements tout aussi racistes des jeunes machos. Une réussite.
Cette montée en émotion, Vincent Lindon la réussit aussi pleinement dans Cyrano, certainement le plus fort des douze films présentés. Une fille de famille riche reçoit des lettres d’amour anonymes auxquelles elle est loin d’être indifférente, jusqu’à venir à un rendez-vous. Nous résonnons bien sûr aussi à la poésie des lettres et c’est cette façon de mettre le spectateur sous le charme qui fait la réussite d’un film qui fait douloureusement sentir la force du préjugé.
Emouvant et sympathique, Maman, regarde ! de Paul Boujenah qui tourne autour de la découverte de l’Autre… dans un supermarché : un enfant joue à l’extra-terrestre lorsqu’il rencontre une femme noire !
La couleur, c’est aussi le thème de Mohamed de Catherine Corsini. Un jeune se fait traiter de négro par un grand Noir et voudrait changer d’identité, jusqu’à ce que sa sœur lui dise qu’il est beau car il est Noir et qu’il est son petit Mohamed, ce qui nous apparaît aussi comme une excellente raison !
Le harcèlement raciste, rare dans ces films, est le thème de Petits riens de Xavier Durringer. Même si tout cela est parfaitement vraisemblable, ce film est le seul à être essentiellement descriptif d’une situation, mais pose une question de taille : comment réagir ?
Yamina Benguigui (connue pour son passionnant Mémoires d’immigrés) a choisi pour Pimprenelle l’arrivée d’une fée maghrébine dans un goûter d’anniversaire très bourgeois. Elle en oubliera sa baguette magique, pas nous… Une série de détails font mouche dans ce film sensible.
Tadeus est une animation un peu touffue mais très originale sur un jeune Tchetchène arrivé de son pays en guerre et qui vivra à l’école une nouvelle exclusion.
C’est Jean-Pierre Darroussin qui clôt la série dans Poitiers, voiture 11 deYves Angelo et François Dupeyron. On passe d’étonnement en étonnement devant tant de racisme puis devant la tentative du père de famille maghrébin de se concilier le personnage, ainsi que devant le dénouement final très bien trouvé qui montre qu’on se sert bien de l’Autre quand on a besoin de lui !
En définitive, les 12 films contre le racisme sont une impressionnante réussite à voir absolument : les télévisions sont bien frileuses à les acheter et Pyramide, qui avait annoncé une sortie salles, s’est finalement rétracté. Dommage.

1h10, Prod. Dfcr, Little Bear, JPL. Distr. Gebeka Films. Sortie France le 17 janvier.///Article N° : 1707

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