Fiche Personne
Musique
Thione Seck
Griot/e musicien/ne
Sénégal
© DR
Français
Esprit épris de liberté, song-writer à la veine poétique, chanteur au grain nostalgique et au timbre imposant, Thione Seck est parmi les artistes les plus représentatifs de la musique sénégalaise et africaine depuis une trentaine d’années.
Très populaire dans son pays, où il incarne un courant original issu de l’Islam de confession mouride, Thione est connu et apprécié en Europe, à l’instar de ses compatriotes Youssou N’Dour, Baaba Maal et Ismaël Lô.
En Hollande, en Allemagne et dans les autres pays du vieux continent, ses tournées ont toujours été accueillies par le grand public et la presse l’a souvent plébiscité: « Nous avons vu beaucoup d’artistes africains très bons, mais Thione Seck est incontestablement le meilleur », a écrit le mensuel hollandais Afrika, alors que l’allemand Fpellweger Unzeiger l’a défini comme « l’autre Bob Dylan ».
En France, sa renommée est indiscutable. Une fois par an, il donne des concerts pour le public hexagonal -le dernier, en 2001, a eu lieu au Bataclan, à Paris- ou pour égayer les soirées communautaires.
Thione Seck naît à Dakar d’une famille de Geuweul, les griots sénégalais appartenant à l’ethnie majoritaire des Wolof.
Dépositaires de la tradition orale, généalogistes et moralisateurs, ces troubadours itinérants sont selon la coutume attachés aux familles nobles, dont il chantent les hauts faits et sont les intermédiaires dans les transactions sociales et commerciales.
Son arrière grand-père était chanteur à la cour de Lat Dior, le damel (roi) de Cayor, célèbre résistant à la colonisation française. A l’âge de la vieillesse, il reçut en récompense de son ?uvre le village de Marene, où il passa les dernières années de sa vie en compagnie de ses femmes et de ses enfants. Chaque année, tous les Seck vont en pèlerinage dans le site et participent à une veillée consacrée aux chants religieux et à la lecture des saurates du Coran.
Le père de Thione, adepte de la confrérie des Mourides -à laquelle sont affiliés la plupart des Musulmans au Sénégal (1)- est un chanteur attitré des Khasaïts, extraits des écrits de Cheick Amadou Bamba, fondateur et père spirituel du Mouridisme à la fin du XIXème siècle.
Avec un tel héritage, Thione Seck fait preuve, depuis l’enfance, d’une foi sincère et d’un talent remarqué de vocaliste et de percussionniste.
A l’âge de 12 ans, il intègre la troupe théâtrale de l’école primaire. Sa voix, étendue comme les larges espaces de brousse au Sahel est irriguée d’une spiritualité intense. Il devient vite l’enfant chéri des fêtes traditionnelles.
« J’étais attiré par l’appel des tam-tams qui annonçaient le début d’une cérémonie, raconte l’artiste. Je rejoignais la foule et, dès qu’on me reconnaissait, on me donnait un micro… Je gagnais beaucoup de pagnes et d’argent! ».
Ainsi, pendant les simb, apparitions de personnages déguisés en lions, les séances de lamb, la lutte traditionnelle, ou les kassak, cérémonies nocturnes de guérison des jeunes circoncis, la voix profonde et haut perchée du chanteur mouride déchirait les atmosphères empreintes d’une jouissance partagée entre la ferveur religieuse et le plaisir sensuel.
Ses envolées, ses harmonies, tout comme les tonalités ou les colorations mutantes de ses vocalises donnaient des frissons aux auditeurs.
Le pouvoir émotionnel, presque troublant, de la voix de Thione Seck découle de l’authenticité de son inspiration autant que son originalité, avec ses senteurs d’Orient et ses airs andalous, demeure dans les apports de la ligne mélodique arabe et, surtout, dans l’emploi de la gamme hindoue. « Dès mon enfance, dit le chanteur, j’étais passionné de films indiens, j’en adorais la musique. La gamme indienne est très sentimentale… « .
Les influences convergeant dans son style d’ailleurs, témoignent des échanges des civilisations méditerranéenne, négro-africaine et arabe qui ont façonné dans le temps les cultures des peuples du Sahel et donnent, par là, l’étrange rencontre d’une forte suggestion mélancolique avec une vitalité entraînante.
A l’âge de 16 ans, Thione Seck opte pour une carrière professionnelle. Soutenu par son grand père, il entre comme deuxième chanteur dans la formation de Bira Gueye. Ensuite, il se produit dans les rangs du Star Band.
De 1973 à 77, il intègre l’Orchestre Baobab, un autre groupe historique de la scène dakaroise, en compagnie de Medoune Diallo, Abdoulaye Mboup, Issa Cissokho et Barthélémy Atisso, tous pionniers da la musique sénégalaise urbaine, qui avait démarré avec un surprenant cachet latino.
Après avoir quitté ce groupe, il fonde « Thione Seck et Son Ensemble » avec les membres de sa famille, et y introduit toute la panoplie traditionnelle: guitare xalam, tambours sabar et choeurs en langue wolof . En 1984, il monte avec son petit frère Mapenda et le batteur Mountaga, seule rescapé du Baobab, le Raam Daan.
En langue wolof, raam signifie ramper et daan vaincre. Au-delà de la musique, Raam Daan est avant tout un mouvement de sensibilisation spirituelle car, Thione Seck l’a toujours affirmé, « une chanson sert à véhiculer un message, une prédiction, un avertissement ou une dénonciation sociale ».
La voix touchante, presque miraculeuse, qui se lève devant le public du Ngalam, l’ancienne boite de nuit qui avait connu les jours heureux du Baobab, puise sa force dans la beauté aurorale de ses accents mais également dans les thèmes abordés dans les tubes qui feront la notoriété du petit fils du griot de Lat Dior. Diongoma, superbe complainte toute en arabesques, est un hommage à la figure de la mère; Yeen, un appel à la tolérance; Aïda Soukeu, avec ses vertigineuses spirales rythmiques, exalte le rôle social des griots et Man mi gnoul se veut un hymne à la négritude…
Pour l’orchestration, Raam Daan choisit une formule détonante qui intègre l’ensemble des sabar (2) aux guitares électriques, batterie et clavier. Le galop débridé des percussions sur le mythique tempo du m’balax -qui sera aussi popularisé par Youssou N’Dour- donne la profondeur juste à la mélopée inspirée et dévoile les potentialités d’un genre à la fois dansant et d’une remarquable qualité musicale. D’autant que Thione Seck aime varier les arrangements et envelopper parfois ses chansons d’airs reggae ou salsa.
Trois ans après la parution de son dernier opus, « Daaly », Thione Seck revient au public avec une nouvelle création, « Orientissime ». L’album, enregistré entre Madras, Dakar, Londres et Paris, représente l’aboutissement logique d’un parcours cohérent depuis ses débuts. Les 12 titres, interprétés en wolof, ont profité du concours de deux arrangeurs, l’un arabe et l’autre indien. Avec le xalam du terroir, la veena (instrument utilisé en Inde du Sud dont le son se rapproche de celui du Sitar) et percussions hindoues se joignent à l’oüd et aux violons qui donnent la coloration arabe.
« Ce nouvel album m’a permis d’accentuer ma vision et d’établir un trait d’union entre l’Afrique et l’Orient », souligne l’artiste qui a élaboré les textes de ses chansons en syntonie avec ses principes : Doom est une ode poignante en souvenir des enfants tués, Siiw une critique de l’hypocrisie humaine, Blain Djigueul l’hommage à un ami décédé, Woyatina un motif de réjouissance populaire remontant à l’époque du damel et Assalo la reprise d’une émouvante ballade amoureuse…
Dans la subtilité des équilibres, les sabar ont disparu pour ne pas étouffer le jeu, tout en nuances, des instruments orientaux. Toutefois, la rythmique demeure efficace et accompagne sans discontinuer la voix épurée de ce chantre de la liberté et de la sagesse universelles.
(1) L’autre confrérie, plus élitaire, est celle des Tidiane.
2) C’est l’ensemble des percussions typiques de l’ethnie Wolof, dominante au Sénégal
Très populaire dans son pays, où il incarne un courant original issu de l’Islam de confession mouride, Thione est connu et apprécié en Europe, à l’instar de ses compatriotes Youssou N’Dour, Baaba Maal et Ismaël Lô.
En Hollande, en Allemagne et dans les autres pays du vieux continent, ses tournées ont toujours été accueillies par le grand public et la presse l’a souvent plébiscité: « Nous avons vu beaucoup d’artistes africains très bons, mais Thione Seck est incontestablement le meilleur », a écrit le mensuel hollandais Afrika, alors que l’allemand Fpellweger Unzeiger l’a défini comme « l’autre Bob Dylan ».
En France, sa renommée est indiscutable. Une fois par an, il donne des concerts pour le public hexagonal -le dernier, en 2001, a eu lieu au Bataclan, à Paris- ou pour égayer les soirées communautaires.
Thione Seck naît à Dakar d’une famille de Geuweul, les griots sénégalais appartenant à l’ethnie majoritaire des Wolof.
Dépositaires de la tradition orale, généalogistes et moralisateurs, ces troubadours itinérants sont selon la coutume attachés aux familles nobles, dont il chantent les hauts faits et sont les intermédiaires dans les transactions sociales et commerciales.
Son arrière grand-père était chanteur à la cour de Lat Dior, le damel (roi) de Cayor, célèbre résistant à la colonisation française. A l’âge de la vieillesse, il reçut en récompense de son ?uvre le village de Marene, où il passa les dernières années de sa vie en compagnie de ses femmes et de ses enfants. Chaque année, tous les Seck vont en pèlerinage dans le site et participent à une veillée consacrée aux chants religieux et à la lecture des saurates du Coran.
Le père de Thione, adepte de la confrérie des Mourides -à laquelle sont affiliés la plupart des Musulmans au Sénégal (1)- est un chanteur attitré des Khasaïts, extraits des écrits de Cheick Amadou Bamba, fondateur et père spirituel du Mouridisme à la fin du XIXème siècle.
Avec un tel héritage, Thione Seck fait preuve, depuis l’enfance, d’une foi sincère et d’un talent remarqué de vocaliste et de percussionniste.
A l’âge de 12 ans, il intègre la troupe théâtrale de l’école primaire. Sa voix, étendue comme les larges espaces de brousse au Sahel est irriguée d’une spiritualité intense. Il devient vite l’enfant chéri des fêtes traditionnelles.
« J’étais attiré par l’appel des tam-tams qui annonçaient le début d’une cérémonie, raconte l’artiste. Je rejoignais la foule et, dès qu’on me reconnaissait, on me donnait un micro… Je gagnais beaucoup de pagnes et d’argent! ».
Ainsi, pendant les simb, apparitions de personnages déguisés en lions, les séances de lamb, la lutte traditionnelle, ou les kassak, cérémonies nocturnes de guérison des jeunes circoncis, la voix profonde et haut perchée du chanteur mouride déchirait les atmosphères empreintes d’une jouissance partagée entre la ferveur religieuse et le plaisir sensuel.
Ses envolées, ses harmonies, tout comme les tonalités ou les colorations mutantes de ses vocalises donnaient des frissons aux auditeurs.
Le pouvoir émotionnel, presque troublant, de la voix de Thione Seck découle de l’authenticité de son inspiration autant que son originalité, avec ses senteurs d’Orient et ses airs andalous, demeure dans les apports de la ligne mélodique arabe et, surtout, dans l’emploi de la gamme hindoue. « Dès mon enfance, dit le chanteur, j’étais passionné de films indiens, j’en adorais la musique. La gamme indienne est très sentimentale… « .
Les influences convergeant dans son style d’ailleurs, témoignent des échanges des civilisations méditerranéenne, négro-africaine et arabe qui ont façonné dans le temps les cultures des peuples du Sahel et donnent, par là, l’étrange rencontre d’une forte suggestion mélancolique avec une vitalité entraînante.
A l’âge de 16 ans, Thione Seck opte pour une carrière professionnelle. Soutenu par son grand père, il entre comme deuxième chanteur dans la formation de Bira Gueye. Ensuite, il se produit dans les rangs du Star Band.
De 1973 à 77, il intègre l’Orchestre Baobab, un autre groupe historique de la scène dakaroise, en compagnie de Medoune Diallo, Abdoulaye Mboup, Issa Cissokho et Barthélémy Atisso, tous pionniers da la musique sénégalaise urbaine, qui avait démarré avec un surprenant cachet latino.
Après avoir quitté ce groupe, il fonde « Thione Seck et Son Ensemble » avec les membres de sa famille, et y introduit toute la panoplie traditionnelle: guitare xalam, tambours sabar et choeurs en langue wolof . En 1984, il monte avec son petit frère Mapenda et le batteur Mountaga, seule rescapé du Baobab, le Raam Daan.
En langue wolof, raam signifie ramper et daan vaincre. Au-delà de la musique, Raam Daan est avant tout un mouvement de sensibilisation spirituelle car, Thione Seck l’a toujours affirmé, « une chanson sert à véhiculer un message, une prédiction, un avertissement ou une dénonciation sociale ».
La voix touchante, presque miraculeuse, qui se lève devant le public du Ngalam, l’ancienne boite de nuit qui avait connu les jours heureux du Baobab, puise sa force dans la beauté aurorale de ses accents mais également dans les thèmes abordés dans les tubes qui feront la notoriété du petit fils du griot de Lat Dior. Diongoma, superbe complainte toute en arabesques, est un hommage à la figure de la mère; Yeen, un appel à la tolérance; Aïda Soukeu, avec ses vertigineuses spirales rythmiques, exalte le rôle social des griots et Man mi gnoul se veut un hymne à la négritude…
Pour l’orchestration, Raam Daan choisit une formule détonante qui intègre l’ensemble des sabar (2) aux guitares électriques, batterie et clavier. Le galop débridé des percussions sur le mythique tempo du m’balax -qui sera aussi popularisé par Youssou N’Dour- donne la profondeur juste à la mélopée inspirée et dévoile les potentialités d’un genre à la fois dansant et d’une remarquable qualité musicale. D’autant que Thione Seck aime varier les arrangements et envelopper parfois ses chansons d’airs reggae ou salsa.
Trois ans après la parution de son dernier opus, « Daaly », Thione Seck revient au public avec une nouvelle création, « Orientissime ». L’album, enregistré entre Madras, Dakar, Londres et Paris, représente l’aboutissement logique d’un parcours cohérent depuis ses débuts. Les 12 titres, interprétés en wolof, ont profité du concours de deux arrangeurs, l’un arabe et l’autre indien. Avec le xalam du terroir, la veena (instrument utilisé en Inde du Sud dont le son se rapproche de celui du Sitar) et percussions hindoues se joignent à l’oüd et aux violons qui donnent la coloration arabe.
« Ce nouvel album m’a permis d’accentuer ma vision et d’établir un trait d’union entre l’Afrique et l’Orient », souligne l’artiste qui a élaboré les textes de ses chansons en syntonie avec ses principes : Doom est une ode poignante en souvenir des enfants tués, Siiw une critique de l’hypocrisie humaine, Blain Djigueul l’hommage à un ami décédé, Woyatina un motif de réjouissance populaire remontant à l’époque du damel et Assalo la reprise d’une émouvante ballade amoureuse…
Dans la subtilité des équilibres, les sabar ont disparu pour ne pas étouffer le jeu, tout en nuances, des instruments orientaux. Toutefois, la rythmique demeure efficace et accompagne sans discontinuer la voix épurée de ce chantre de la liberté et de la sagesse universelles.
(1) L’autre confrérie, plus élitaire, est celle des Tidiane.
2) C’est l’ensemble des percussions typiques de l’ethnie Wolof, dominante au Sénégal
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