La dimension universelle du conte

Entretien d'Olivier Barlet avec Mustapha Dao

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Les Contes animaliers du Burkinabè Mustapha Dao viennent de ressortir sur les écrans français dans la série Terres africaines (POM Films). Une bonne occasion de lui demander sa conception du cinéma pour la jeunesse.

Une rencontre
J’ai fait des études de Lettres modernes, puis l’Inafec, l’école de cinéma de Ouagadougou, dont j’ai été viré pour opposition en deuxième année. J’ai ensuite travaillé comme perchman et ingénieur du son à Cinafric, une société de production et de post-production de Ouaga, puis au son à l’Office national du cinéma burkinabè et enfin à la télévision burkinabè. Ma rencontre avec le cinéaste éthiopien Haïlé Guerima a été décisive : il m’a encouragé et m’a donné sept boîtes de pellicule pour tourner. J’ai écrit A nous la rue et ai trouvé l’argent auprès de ma famille pour le réaliser… Le film a été bien reçu.
A nous la rue a été préparé pendant un mois avec les enfants, à Koulouba, un quartier de Ouaga. On s’amusait ensemble et la confiance était réciproque. C’est cette complicité qui donne sa valeur au film. Les enfants étaient contents mais l’ont trouvé trop court !
Actualité du conte
Je ne sais si je suis un réalisateur ! Je laisse les choses mûrir et le fait quand c’est possible… Pour Le Neveu du peintre, un film où un enfant envoyé en ville cherche ce qu’il pourrait y trouver à raconter à sa grand-mère qui soit aussi beau que ses propres histoires, on a travaillé de façon très artisanale mais le film a trouvé sa cohérence. Les contes africains issus de la tradition orale sont nourrissants pour tout le monde. J’ai lu des contes du monde entier : si les personnages sont différents, la morphologie du conte est semblable. C’est sur cette base que je travaille.
J’ai même en tête une adaptation du Cid de Corneille dans un collège en Afrique. Je cherche à faire ressortir la dimension universelle du conte. Les masques portent eux aussi dans leurs formes des symboles sociaux d’une grande richesse… Dans un continent où les gens ne lisent pas, tout cela reste d’une grande actualité. Une pédagogie s’impose, à visée didactique, alors que les enfants se gavent d’une culture télévisuelle qui nivelle. Après qu’en Seine-et-Marne, j’ai présenté L’enfant et le caïman et L’Oeuf à un millier d’enfants de CE1, ils l’ont réécrit et dessiné avec leur maîtresse : le message ne pouvait que passer ! En Afrique, ils connaissent ces contes par cœur ! Ils s’attacheront davantage au détail, comment sont fait les masques etc. Mais ce que je fais s’adresse aux enfants de sept à soixante-dix-sept ans ! Chacun a besoin de quitter son quotidien…
Garder la spontanéité
Je travaille avec l’Atelier Quart-monde à Ouagadougou. Durant le tournage en brousse du Neveu du peintre, un paysan est venu nous trouver. Il amenait un poulet pour me remercier de lui avoir permis de retrouver son fils ! Un des enfants du tournage était parti du village depuis deux ans… Je me demande parfois si c’est vraiment du cinéma que je fais ! J’essaye de continuer dans cette voie mais j’hésite car il faut deux ou trois ans pour arriver à boucler un court métrage…
Le budget de L’Oeuf était assez important, produit par mon compatriote Idrissa Ouedraogo. J’ai bénéficié d’un préachat de Canal +, d’une avance du CNC, d’une aide de la Procirep, de l’ACCT et du ministère de la Coopération. C’est la démarche qui est appréciée… en ce qu’elle peut toucher les gens d’ici comme les gens de là-bas. J’ai la chance d’avoir une approche universelle qui ne rebute aucun public.
L’Oeuf ne me donne pas entièrement satisfaction. Je voudrais à l’avenir travailler davantage l’articulation entre la voix-off et les voix des animaux, choisir des voix plus adaptées, des costumes teints à l’indigo par exemple qui donneraient plus de relief… Les acteurs sont issus d’une troupe de Ouagadougou. Ils souffraient de masques en latex par des chaleurs de 35 à 40 degrés… Mais des non-professionnels auraient été moins coincés. Je préfère retravailler avec des enfants de l’Atelier Quart-monde qui sont plus spontanés…

Le premier court-métrage de Mustapha Dao, né en 1955 à Koudougou, Burkina Faso, A nous la rue (1987), sur des enfants dans une rue de Ouagadougou, a fait par sa spontanéité l’unanimité de la critique. Dans Le Neveu du peintre (1989), il s’intéresse au monde imaginaire des contes à travers les rêves d’un enfant envoyé en ville chez son oncle peintre en bâtiment. Avec L’Enfant et le caïman (1991), il s’essaye à l’animation en un conte moral sur un caïman qui ne tient pas sa promesse de ne pas manger un enfant. Dans L’Oeuf (1995), il retrouve les animaux de la tradition orale burkinabè, joués par des acteurs déguisés. ///Article N° : 1064

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