Contre-histoire de la France Outre-mer

La télévision réécrit le récit national

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A ne pas rater sur France Ô du 16 avril au 10 mai 2013, chaque mardi. Et sur les neuf chaînes d’Outre-mer 1ère en mars-avril 2013.

Dans la foulée d’autres séries documentaires de qualité produites par la télévision française (1), une alternative au discours national étriqué se met en place qu’il convient de célébrer : c’est dans ces remises en cause des oublis de l’Histoire et des idées reçues que se forge l’avenir de notre société dans la prise en compte de ses richesses interculturelles autant que dans la reconnaissance de ses tares passées.
On s’étonne encore aujourd’hui que Diderot ou Voltaire profitaient de la traite négrière, que les théories kantiennes favorisaient le racisme, ou que des théoriciens du libéralisme comme Tocqueville avaient soutenu l’esclavage et le colonialisme. Pourtant, de plus en plus de travaux de grande diffusion le montrent, comme la série justement appelée Contre-histoires de Michel Onfray (Grasset). Il ne s’agit pas de se flageller mais de regarder l’Histoire en face, de restaurer les faits et d’en expliquer les tenants en rapport avec les contradictions de l’époque. Toujours, un discours dominant légitimait des actes aujourd’hui inconcevables, et des résistances étaient à l’œuvre de la part des dominés. C’est dans cette dialectique que doit s’inscrire tout travail historique et c’est bien ainsi qu’est conçue cette passionnante série de Xavier-Marie Bonnot et Dorothée Lachaud en donnant la parole aux descendants des personnes concernées tout en écoutant à la fois les historiens et les archives. C’est bien sûr par cette inscription dans le présent, qui évoque aussi les contestations contemporaines, que sont mises en lumière la source et la continuité des problèmes actuels dans ces outre-mer qui, dans des antipodes opposés, ne partagent finalement que cette Histoire commune.
Cinq épisodes de 52 minutes sont axés sur les leviers qui ont permis la colonisation de ces contrées : l’enseignement, la répression, l’impérialisme économique, la foi catholique et l’esclavage. Nos ancêtres les Gaulois montre combien les programmes scolaires n’avaient qu’une perspective métropolitaine, enseignés par ces hussards de la République qu’étaient les instituteurs. La Loi du plus fort, qui documente la répression sous toutes ses formes, s’intéresse aux contradictions du Code noir et évoque Césaire et Glissant pour indiquer la pérennité du racisme dans les sociétés antillaises. Pour un morceau de sucre ironise sur le fait que le commerce triangulaire qui fonde le drame de la traite servait finalement à sucrer le café des dominants européens. Les Positions des missionnaires met en perspective le valeureux père Chanel en Calédonie et le terrible père Labat en Martinique, deux vécus et deux approches différentes mais qui se réunissent dans une Église fondant son expansion sur la politique coloniale. Elle aussi possédait des esclaves… Les Forçats du Pacifique s’intéresse à la prégnance du bagne dans l’Histoire calédonienne : confiscation de terres et opposition avec les Kanaks.
Le ton du commentaire est léger, parfois ironique, toujours impliqué : on sort ainsi de la froide approche historique. Les choix des auteurs sont ce qu’ils sont mais ils ne les vendent pas comme une vérité absolue. Ils revendiquent leur approche, leur volonté de croiser les témoignages pour se démarquer de l’histoire officielle et se rapprocher de l’histoire des peuples. C’est par cette approche à la fois humaine et ouverte qu’ils nous donnent envie d’en savoir davantage.

1. Noirs de France (cf. critique n°10586), Musulmans de France (cf. critique n°9212), Afrique(s) (cf. critique n°9752).///Article N° : 11414

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Les images de l'article
Aimé Césaire
Des tirailleurs sortent d'une bouche de métro sous les yeux des parisiens qui les découvrent
Les Positions des missionnaires
Pour un morceau de sucre
La loi du plus fort
Les Forçats du Pacifique
Nos ancêtres les Gaulois
Les Positions des missionnaires





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